![0_image_0.png](0_image_0.png) 1994 - 1994. Vingt-deux ans nous séparent du premier Livre Blanc sur la défense nationale, que monsieur Michel Debré publia, alors que Georges Pompidou ![1_image_0.png](1_image_0.png) la Présidence de la République. Ce premier ouvrage recueillait et précisait les principes de la politique de défense que le Général de Gaulle avait définie. Il marquait pour notre défense et pour nos forces armées, le passage de la période douloureuse de la décolonisation à l'ère moderne. Nombre de ces pages conservent aujourd'hui toute leur force et toute leur valeur. Les événements survenus depuis la chute du mur de Berlin, la disparition du Pacte de Varsovie, les mutations accélérées de notre environnement européen et international, des progrès technologiques ou de la vie économique, m'ont incité, avec l'accord du Président de la République, à faire de la publication d'un nouveau Livre Blanc une priorité du gouvernement. Prendre en compte les hypothèses des évolutions internationales possibles, exposer les objectifs de notre politique de défense et la stratégie que la France choisit, présenter le cadre dans lequel s'inscrit désormais l'action des forces armées, ainsi que la politique des ressources que la nation entend consacrer à sa défense : telle est l'ambition de ce livre. L'objectif premier est d'assurer l'indépendance du pays et la défense des intérêts vitaux de la nation. Le choix fait par la France, et qui est ici réaffirmé, de disposer d'une force nucléaire de dissuasion, crédible et constamment adaptée à l'évolution des menaces nous garantit ces dernières. La stratégie de dissuasion nucléaire a nourri de fréquents débats, aujourd'hui comme hier. Sa validité et son efficacité dans la nouvelle donne stratégique me paraissent amplement démontrées. A nos forces classiques sont en même temps conférées une tâche et une dimension nouvelles. La défense de la France ne se joue plus immédiatement à ses frontières. Elle dépend du maintien de la stabilité internationale, de la prévention de crises, en Europe ou hors d'Europe, qui, dégénérant, mettraient en péril nos intérêts et notre sécurité. Il nous faut donc développer l'aptitude propre de nos moyens classiques à prévoir, prévenir, agir, souvent à distance du territoire national. A cette fin, il convient de disposer de capacités qui nous permettent à tout moment de nous joindre à nos alliés, et de préparer activement une capacité européenne future. Notre politique de défense doit en effet contribuer, avec l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union Européenne, à édifier peu à peu une défense commune européenne. L'identité politique de l'Union Européenne doit à terme s'exprimer et s'affirmer dans le domaine de la défense. Ce choix, qui vise à consolider à l'ouest de l'Europe un pôle d'intégration et de stabilité, constitue un objectif stratégique et politique majeur. Ses effets seront lents, Nous ne saurions, d'ici là, nous en remettre à d'autres pour notre protection. Nous devons, pour y parvenir, consentir aux efforts nécessaires, grâce auxquels la France joue un rôle majeur dans ce projet européen. Enfin, le Gouvernement souligne que la défense revêt un caractère global, qui ne se réduit pas à sa dimension militaire, certes essentielle. La défense civile et la défense économique doivent recevoir une plus grande attention. Les formes civiles du service national contribueront à ancrer la légitimité de la conscription dans notre société. Plus généralement, il faut toujours veiller au lien étroit qu'il y a entre notre défense et notre conception de la nation. Des valeurs communes unissent les citoyens francais. La défense n'est réelle et solide que si elle repose sur une conception politique juste, et considérée comme telle par l'ensemble de la nation. Edouard Balladur La tentation est encore forte, malgré les expériences douloureuses qui ont suivi l'effondrement du Mur de Berlin et du Pacte de Varsovie; d'accorder désormais une attention moindre à notre défense. De baisser la garde. L'histoire de notre pays nous enseigne pourtant, comme l'antique sagesse latine, que c'est bien la paix qui est un dividende de la défense, non l'inverse. Instabilité des frontières, alliances, invasions, résistance, reconquêtes : l'histoire de France et l'histoire militaire se confondent souvent. Elles marquent notre territoire, notre mémoire collective, notre culture. C'est en ayant ces présentes à l'esprit que nous avons' fait de ce Livre Blanc avec le Premier Ministre, une priorité du Gouvernement. Pour expliquer aux Français le sens de l'effort à maintenir, définir un cadre pour l'appareil de et assigner des objectifs aux forces armées. Au centre de mes préoccupations, il y a d'abord l'Europe: source à la fois d'interrogations et d'espoir. L'euphorie qui accompagna la réunification de l'Allemagne et la liberté retrouvée dans un espace européen rendu à ses véritables dimensions, historiques et culturelles, a laissé place au doute. Le réveil des peuples se double, malheureusement, de pulsions que l'on avait cru oubliées et du retour des guerres en Europe. A proximité parfois de notre territoire, des questions de frontières ou de minorités nationales dégénèrent en conflits ouverts, ou menacent de le faire. Cette instabilité pèse sur notre sécurité et constitue un défi pour le projet politique que symbolise le Traité sur l'Union Européenne. Ma conviction est que la France se doit d'être exemplaire. Non pas la France seule dans un concert de puissances tel qu'on l'a connu au siècle. Mais la France dans l'Europe. Le projet européen que si elle y contribue activement, en assumant un rôle de premier plan et les sacrifices qu'il implique. Non en jouant un Etat contre un autre, mais en réussissant , pour première fois dans tourmentée du Vieux Continent, une mutualisation de la au service de défense de l'Europe et d'une sécurité commune aux Etats engagés dans sa Cette ambition est au coeur du nouveau Livre Blanc et des choix du Gouvernement. Ses conséquences sont, à terme, considérables, Plus que jamais, la politique de défense est aussi au service de nos responsabilités dans le monde. La présence de la France outre-mer, l'influence que nous en Afrique, nos intérêts directs et indirects dans de nombreuses régions, nous interdisent de limiter notre stratégie à une dimension purement continentale. J'ai donc souhaité que les orientations de ce Livre Blanc prennent clairement en compte les exigences qui résultent de cette dimension globale. Il ne s'agit pas de fixer des objectifs hors de portée d'une puissance comme la France, mais et de décrire la nature spécifique des missions qui en découlent pour les forces armées. Dans le contexte de l'après-guerre froide, il appartient aux démocraties de mettre ensemble la force au service de la paix et de se prémunir ainsi contre la fragilité qui leur est naturelle. La défense de nos valeurs, de nos idéaux, dans des circonstances nouvelles, dans des lieux éloignés du territoire national, constituera souvent la première ligne de notre sécurité. ne saurait être question, pour autant, d'engager une politique hasardeuse et qui ne recueillerait pas le consentement national indispensable à la défense du pays. La dissuasion nucléaire reste l'un de ses fondements. La France doit s'attendre à ce que ses choix dans ce domaine soient toujours contestés par d'autres au plan international, de plus en plus peut-être avec la fin de la menace soviétique. Elle ne saurait y revenir, car il y va aujourd'hui de son indépendance, et peut-être demain de celle de l'Europe. La stratégie de défense présentée dans ce Livre Blanc comprend de nombreux facteurs de renouvellement, dont je souhaite qu'ils soient la base d'un consensus nouveau : capacités d'adaptation de la dissuasion, rôle nouveau des forces conventionnelles, scénarios d'emploi des forces, posture permanente de sûreté, nouvelles priorités opérationnelles, politique d'armement, concept de constitution des forces et de changement de format -autant d'exemples qui attestent la richesse des travaux qui ont préparé les choix du Gouvernement, avec l'aide de la Commission présidée par le Vice-Président du Conseil M. Marceau Long. voudrais, enfin, souligner combien ce Livre Blanc est fidèle à la conception et républicaine de la défense. Il s'adresse, en premier lieu, aux citoyens de ce pays. Il est aussi destiné à ces hommes et à ces femmes, civils et militaires, qui font, au quotidien, la défense de notre pays. Il n'est, en effet, de défense que d'un peuple. Du soldat aux élus de la nation, il n'y a pas de politique de défense crédible sans l'adhésion des hommes qui la qui la servent, qui la fondent en devenir. ![4_image_0.png](4_image_0.png) # Sommaire Introduction : Pourquoi un Livre Blanc maintenant ? PREMIERE PARTIE : LE CONTEXTE STRATEGIQUE 1 internationales, évolution des risques et des menaces Une nouvelle dorme entre les puissances 2. L'Europe et les risques de crises 3. La prolifération 4. Les vulnérabilités nouvelles 5. Les insuffisances de l'ordre international ## 2 Les Objectifs De La De Défense 1. Défendre les intérêts de la France 2. Construire l'Europe et contribuer à la stabilité internationale 3. Mettre en oeuvre une conception globale de la défense 3 Le cadre de référence international **de notre de défense** 1. Vers une nouvelle architecture de sécurité en Europe 2. Conforter le rôle de l'Organisation des Nations Unies 3. La coopération bilatérale et les accords de défense 4. Les accords de maîtrise des armements, de désarmement et de lutte contre la prolifération # Deuxieme Partie : Strategies Et Capacites ## 4 La Stratégie De Défense 1. Une stratégie renouvelée 2. Les hypothèses d'emploi des forces 3. Missions des forces armées ## 5 Capacités Des Forces Armées. 1. Les nouvelles capacités prioritaires 2. La posture permanente de sûreté 3. Les forces projetables 4. L'environnement général 5. Format global des armées TROISIEME PARTIE : LES RESSOURCES ## 6 Ressources Humaines 1. Le choix d'une armée mixte 2. Les appelés : mettre en valeur le service militaire 3. Les réservistes : le chantier du renouveau 4. Le personnel militaire de carrière ou sous-contrat 5. Le personnel civil de la Défense ## 7 Politique D'Armement Et Industrielle 1. Défense et choix industriels et technologiques 2. La dimension européenne 3. Des relations rénovées entre et l'industrie d'armement 4. Une politique en matière d'exportation ## 8 L'Effort De Défense Le niveau de l'effort de défense 2. Planification et programmation # Quatrieme Partie : Defense Et Societe ## 9 Défense Et Société 1. Armée et nation 2. Les formes civiles du service national 3. La défense civile 4. La défense économique 5. L'organisation du renseignement 6. Défense et opinion publique Conclusion # Introduction Pourquoi un Livre Blanc sur la Défense maintenant ? Pour répondre à trois besoins au moins . Mieux comprendre notre temps et le rôle qu'y joue la défense du pays. Inscrire la politique de défense dans la perspective à long terme qui lui est indispensable. Expliquer la défense et susciter l'adhésion des Francais. . D'abord, discerner l'essentiel dans les mutations accélérées de notre environnement qui accompagnent cette fin du vingtième siècle. La disparition de l'Union Soviétique a mis un terme à la confrontation entre une alliance en apparence monolithique et un ensemble de pays unis par des idéaux de démocratie et de liberté. Elle a aussi ouvert une période d'incertitudes et d'instabilité. Les nations, à nouveau moins contraintes après le gel du long après-guerre, redécouvrent une marge d'action et des rapports, parfois une histoire, qu'elles croyaient oubliés. A l'inverse d'une expérience multiséculaire, la France se trouve dans la situation peu familière, où ses frontières ne semblent plus immédiatement et directement menacées. Rarement pourtant, depuis la guerre, un sentiment souvent diffus d'insécurité n'a été aussi fortement ressenti. La menace précise et identifiée ne s'incarne plus dans un adversaire, un espace, ni un Pacte. Notre sécurité n'en est pas moins exposée, soit que des risques apparaissent, soit qu'on en pressente de nouveaux, soit que l'on redoute la réapparition de dangers qu'on avait pu croire, un moment, éloignés. Dans cette période de transition, il est à la fois vital et difficile de distinguer les facteurs déterminants pour la défense de la France, dans l'Europe, de définir ses principaux objectifs et les moyens de les atteindre. . Ensuite, éclairer la politique de défense sur la durée, car elle a besoin d'objectifs, de clarté, mais aussi de temps. Cela est vrai pour les hommes, dont la formation puis la vie professionnelle s'étendent sur décennies. Cela est vrai des équipements, dont le cycle de production et l'utilisation s'étalent sur une longue période. Les armements qui entreront en service en 2005-2010, souvent après, doivent être conçus dès maintenant, en fonction de l'analyse des besoins opérationnels, des capacités technologiques et industrielles, des ressources financières. cela est vrai en partie du cadre et de l'organisation de la défense: notamment des forces. Ils doivent pouvoir s'adapter aux évolutions des risques et des besoins. Ils ne peuvent être perpétuellement en chantier. Cette dimension de long terme caractérise les à prendre en compte dans la politique de défense. Elle conduit à retenir, pour les objectifs décrits dans le présent Livre Blanc, une perspective de 15 à 20 ans. . Pour être efficace et crédible, la politique de défense doit aussi susciter et nourrir une adhésion et un participation nationales. La défense est une action collective et permanente. Elle est de la responsabilité du gouvernement : il lui revient d'exposer aux citoyens les données des problèmes de défense, afin que le plus grand nombre de Français y souscrivent. A l'origine du Livre Blanc, il y a un questionnement indispensable sur la défense de la France et son contexte. Le souci d'éclairer l'avenir, d'apporter les premières réponses. Après un bouleversement historique où la tentation fut grande de baisser la garde, de toucher les "dividendes de la paix", il est nécessaire d'exposer au public les éléments du débat, de montrer que c'est bien la paix qui est un dividende de la défense. Pour tous ceux qui ont vocation à expliquer ou enseigner le monde contemporain, ses difficultés et ses enjeux, cette mise au point veut aussi servir de contribution à la réflexion. Largement organisé depuis quarante ans autour d'une mission de garde face à l'est, équipé, entraîné pour répondre à des hypothèses dont l'origine se trouvait, pour l'essentiel, dans la guerre froide, notre appareil de défense doit procéder, chacun le sent, à une véritable conversion, Les circonstances, les menaces, les risques sont différents. Figer le système de défense dans des conceptions et des capacités dépassées, refuser ou retarder une nécessaire mutation, représenterait un risque inadmissible. En outre, même parvenu à maturité, l'instrument de défense dans les années 1960 et décrit pour l'essentiel dans le Livre Blanc de 1972 avait encore des lacunes : faiblesses du renseignement, insuffisances des moyens de projection, décalages par rapport à l'évolution des systèmes de commandement, déficiences en matière d'interopérabilité avec nos alliés. Certaines capacités qui apparaissent désormais indispensables ne l'étaient pas au même degré il y dix ou vingt ans. Sur le socle des anciennes certitudes, souvent confirmées et pérennes, se greffent de nouvelles questions, de nouveaux besoins, qui ne peuvent être ignorés d'une réflexion sur la défense à l'échéance d'une quinzaine d'années. Au demeurant, dès la fin des années 1980, les prémisses de l'évolution à l'est de l'Europe, la fréquence croissante des crises et des conflits, les des expériences acquises dans des opérations extérieures, tout a contribué à ce que les forces armées s'engagent avec lucidité dans un mouvement de remise en cause. La défense de 1994 n'est plus celle de 1972, ni de 1983. Format des armées, budget, structures : l'adaptation a déjà commencé. En dix ans, sur 700 000 personnels de la défense, 105 000 emplois ont été supprimés. Les effectifs de l'Armée de Terre sont passés de 330 000 hommes en 1983 à 240 000 aujourd'hui, le nombre de ses divisions de 15 à 9 en cinq ans. La Marine disposait de 175 bâtiments en 198 1, de 113 unités en 1993. Le nombre des avions de combat de l'Armée de l'Air se réduit de 450 à moins de 400. Disposer d'unités plus et plus concentrées est une nécessité, y compris au point de vue opérationnel : le mouvement est largement amorcé. Il en va de même du remodelage des structures. Pour ne citer que quelques exemples, la création de Interarmées (EMIA), le plan Armées 2000, la mise sur pied du Corps Européen, le plan OPTIMAR de la Marine, le resserrement du dispositif de l'Armée de l'Air, la montée en puissance de la Direction du Renseignement Militaire, l'ouverture du Collège interarmées de défense, témoignent d'autant d'efforts pour adapter la défense à une nouvelle donne. L'ambition de ce Livre Blanc porte jusqu'aux années 20 10. C'est certainement un objectif difficile pour l'analyse stratégique. Mais il est apparu indispensable pour se dégager des effets d'inertie qui affectent inévitablement l'effort de défense en raison de la longueur des investissements passés, humains et surtout matériels. Et il s'agit d'une nécessité pour éclairer les années à venir, qui seront rythmées par plusieurs lois de programmation : il en résultera un modèle d'armée renouvelé, un appareil de défense reconstruit. Cette perspective de long terme était déjà celle du Livre Blanc de 1972. Il convient de ne pas dissimuler la difficulté de l'exercice aujourd'hui. Il avait été possible, alors, de présenter la synthèse de principes et de décisions mûris et appliqués pendant plusieurs années, dans un environnement relativement stable. Ce nouvel exposé de notre politique de défense intervient, quant à lui, au début d'une phase nouvelle de la vie internationale, européenne et nationale. # Lère Partie Le Contexte Strategique Chapitre 1 : Perspectives internationales, évolution des risques et des menaces Pour la première fois de son histoire, la France ne connaît plus de menace militaire directe à proximité de ses frontières. En revanche, des risques nouveaux peuvent affecter sa sécurité et sa défense. Elle continue et continuera de se trouver confrontée à des menaces sur son économie, son industrie, sa culture mais il s'agit de rapports de forces d'un autre ordre. Nul ne conteste que la principale menace globale directe, concrète, mesurable qui pesait sur ses intérêts vitaux, s'est estompée aujourd'hui et probablement pour longtemps. L'appréciation des risques et de la nature des réponses à y apporter est redevenue un exercice incertain. Après une période de "rationalité" exceptionnelle, dominée par le rapport Est-Ouest, et plus récemment la coopération et le dialogue nucléaires, le monde aborde une nouvelle ère stratégique. Plus que tout autre facteur, les bouleversements du contexte international sont susceptibles d'affecter notre politique et notre stratégie de défense. Il importe donc d'en discerner les traits caractéristiques, même si l'on ne peut bien souvent que deviner les principaux contours des risques et des rapports de forces futurs. ## 1 Une Nouvelle Donne Entre Les Puissances Après la disparition de l'antagonisme bipolaire, l'évolution du monde semble hésiter entre une intégration croissante et une destructuration progressive. Les schémas des relations entre l'Est et l'Ouest ou le Nord et le Sud, hérités de l'après-guerre, ont perdu leur sens. En revanche, l'opposition entre richesse et pauvreté non seulement garde toute sa pertinence, mais menace de prendre un tour de plus en plus aigu, tant les différences entre les niveaux de développement s'accroissent. Les lignes de fracture traversent tous les continents. Dans ce contexte, les logiques de défense purement militaires tiendront une place relativement moins grande que dans le passé récent. Les dimensions économiques jouent un rôle prépondérant : mais elles ne sauraient mêmes ignorer, au contraire, les préoccupations de sécurité. Ces mouvements de fond entraînent une répartition différente des équilibres entre les puissances. Des articulations nouvelles sont recherchées entre les ensembles économiques et les structures de la sécurité elles auront une influence sur les systèmes militaires et de défense. ## Les Pôles De Croissance Et La Sécurité Sans préjudice de l'affirmation progressive de nouvelles puissances régionales, toutes les analyses prospectives confirment que la croissance de l'économie mondiale s'organisera autour de trois ensembles majeurs : l'Amérique du Nord, l'Europe occidentale et un espace asiatique, englobant le Japon, dont les composantes sont en pleine évolution. L'Amérique du Nord représente aujourd'hui 28 % du produit intérieur brut mondial, l'Europe occidentale au sens large 32 %. Le taux de croissance élevé de l'Asie développée pourrait lui faire atteindre en l'an 2000 un quart de la production industrielle mondiale, la part de la région Asie-Pacifique dans le revenu mondial passant de 24 % en 1989 à 35 % en 2010. Ces pôles n'entretiennent pas de rapports de forces risquant de dégénérer en conflits armés et ils condamnent le recours à la guerre comme moyen de résoudre les différends ils développent toutefois des relations de concurrence, dans un système économique et financier dont ils admettent les fondements communs, et qui les conduit parfois à des alliances d'opportunité dans certains secteurs stratégiques. Le Sommet des sept pays les plus industrialisés est la traduction de cette approche. Les logiques qui président à leur économie et à leur sécurité sont encore loin d'être harmonisées, et ne le seront que lorsque les situations respectives des grandes puissances et des trois ensembles seront moins hétérogènes. L'évolution des Etats-Unis d'Amérique , après la disparition de l'Union Soviétique, suscite des interrogations. Même si la diminution du poids relatif de la puissance américaine paraît devoir se poursuivre, en raison du dynamisme de ses concurrents, les Américains s'attachent avec vigueur à renforcer les fondements intérieurs de leur sécurité. Seul géant militaire, les Etats-Unis maîtrisent leur sécurité dans tous les domaines. Entre le rêve du leadership d'un nouvel ordre mondial et la tentation du repli sur soi, il semble qu'il y ait place pour la définition d'une politique de grande puissance, sélectionnant ses intérêts stratégiques, et par conséquent les zones dans lesquelles ils se situent, ainsi que les moyens de leur défense en cas de menace. Par leur importance et leur effet d'entraînement dans un tel contexte, les choix stratégiques et technologiques américains retiennent l'attention. Les Etats-Unis valorisent depuis plusieurs années la maîtrise des espaces et des flux. Cet intérêt s'est traduit par leur prééminence en matière navale, aéronautique, puis informatique, spatiale et électronique. La capacité de maîtriser la vitesse, notamment dans l'informatique, et les espaces immatériels (communication, énergie, mais aussi réseaux médias) est devenue primordiale. Le développement considérable des moyens techniques nationaux du renseignement et leur orientation vers des risques nouveaux confèrent aux Etats-Unis une forme de leadership des pays industrialisés. Ces choix dessinent une stratégie qui ne pas d'éviter systématiquement les affrontements violents et la gestion du combat, mais qui favorise la sélection des engagements, l'économie en vies humaines et une gestion plus souple des conflits qu'il faut justifier à une opinion et des responsables politiques de plus en plus informés. Ces analyses montrent le poids qui demeurera, dans la période considérée, celui des Etats-Unis. En Europe et en les choix de sécurité sont encore obérés par de nombreuses incertitudes, à des degrés différents cependant. L'Union Européenne s'est donnée, par le traité du 7 février 1992, la perspective à long terme d'une défense commune, qui en fera un vecteur de stabilité et d'intégration pour l'Europe tout entière. L'hétérogénéité de l'ensemble asiatique est beaucoup plus considérable et la réflexion sur ses structures de sécurité peu avancée. Mais, dans ces ensembles, les puissances économiques ne devraient cesser de s'affirmer, y compris en matière de défense. L'Allemagne et le Japon sont désormais tous deux de plus en plus sollicités pour prendre leur part dans le maintien de la sécurité internationale. Les deux pays souhaitent accéder au statut de membre permanent du Conseil de Sécurité. paraît, à court terme, aux prises avec la gestion de sa réunification et la liquidation du lourd héritage de la période communiste. Elle a, en conséquence, réduit son effort de défense, notamment en investissements, et s'attache à résorber les problèmes légués par l'appareil militaire et industriel de l'ancienne RDA. Il ne fait cependant guère de doute qu'à moyen terme, elle cherchera à préserver sa base industrielle dans le domaine de l'armement et développera des forces et un équipement correspondant à ses responsabilités retrouvées de grande puissance. Le Japon s'est déjà doté d'un outil militaire nouveau. Il conduit des politiques technologiques, industrielles et spatiales qui peuvent en faire une grande puissance militaire à relativement bref délai. Il sera naturellement attentif aux évolutions de la Chine, notamment dans le domaine comme aux conséquences d'un échec éventuel de la lutte contre la prolifération nucléaire dans sa région, en particulier en Corée du Nord. La Chine contribue à augmenter le poids économique de l'Asie dans le monde. Elle a su appliquer des réformes économiques et pense pouvoir doubler son produit intérieur brut d'ici l'an 2000. Mais elle constitue pour l'avenir, une incertitude. L'absence de progrès sur le plan politique pèsera inéluctablement sur sa croissance. Les modalités de l'intégration de Hong Kong, en 1997, seront un test des rigidités du régime. Sa politique de puissance suscite des interrogations. L'exportation d'équipements nucléaires et balistiques déstabilisants, l'affirmation d'ambitions aéromaritimes en Mer de Chine, les questions territoriales telles que celle des Iles Spratleys, sont perçues comme autant de risques pour les équilibres régionaux. ## Ni Est-Ouest, Ni Nord-Sud En, Europe renaît l'espoir d'un développement équilibré du continent, sous l'impulsion progressive, d'Ouest en Est, du mouvement d'intégration dont l'Union Européenne sera le vecteur principal. Les nouvelles démocraties refusent d'ailleurs avec vigueur d'être stigmatisées par leur ancienne appartenance au Pacte de Varsovie. La disparition du bloc socialiste et les divergences croissantes dans le processus de développement économique sonnent le glas de la notion de "Tiers-monde" au sens étymologique. Il n'existe un "Sud" mais des "Sud" où les Etats obéissent à des logiques très différentes, souvent opposées. Certains cherchent à structurer des ensembles régionaux nouveaux (ASEAN) ou des zones (Turquie et Asie centrale). D'autres développent une ambition purement nationale de haut rang (Inde). D'autres encore seront tentés d'exporter leurs difficultés. L'Afrique subsaharienne est la seule région qui devrait connaître, entre 1990 et 2000, une augmentation de sa population située en du seuil de pauvreté (pour atteindre pratiquement 50 de la population totale). Il y a donc peu de points communs entre ces régions ou les pays d'Afrique du nord, et la zone asiatique dont le taux de croissance économique est souvent deux fois supérieur à celui des pays européens. Sans connaître les mêmes extrêmes, les écarts entre les pays du "Nord" sont également considérables depuis la révélation du monde délabré que dissimulait le rideau de fer. De nouveaux espaces de mal-développement sont ainsi mis à découvert, au contact direct des pays les plus industrialisés, et leur remise en état pèse sur l'avenir. Enfin, la distinction Nord-Sud apparaît d'autant plus artificielle que, dans le domaine militaire lui-même, la des technologies de pointe, la vente de matériels conventionnels relativement sophistiqués, y compris par les industries des pays de l'ancien Pacte de Varsovie, risquent d'accroître encore le niveau d'armement des puissances régionales. ## Evolution Générale Et Sécurité Avant d'examiner la transformation des risques qui pèsent directement sur notre sécurité, celle-ci doit être replacée dans le contexte général des évolutions démographiques et économiques. La population mondiale devrait d'ici 2015 augmenter de plus de 2 milliards d'habitants, pour atteindre un total de milliards. A cette date la population des pays développés ne représentera plus que 13 % de la population mondiale (16 % aujourd'hui). Le taux de croissance démographique se réduit légèrement mais il reste très élevé. La population d'Afrique subsaharienne devrait ainsi doubler encore dans les vingt-cinq prochaines années. Les économies des pays en développement auront les plus grandes difficultés à faire face à ces évolutions démographiques. Les prévisions font redouter une aggravation des inégalités dans la croissance des revenus. Elles soulignent que 20 % des pays les plus riches possèdent 82 % du revenu mondial et 20 % des plus pauvres s'en partagent 1 %. Une telle situation est lourde de dangers et de déstabilisations elle exacerbe les antagonismes régionaux, elle entraîne des mouvements désordonnés, notamment des déplacements de population. Ceux-ci sont déjà considérables, l'Organisation des Nations Unies recensant au total 35 millions de personnes "déplacées". Depuis le milieu de la décennie 80, l'Europe occidentale accueille 800 000 à 1 million d'immigrants chaque année. L'intégration de ces populations et leur protection contre les menées étrangères qui chercheraient à exploiter ces mouvements représentent un autre pour les pays d'accueil. Une évolution positive devrait conduire à une progression de l'intégration mondiale favorisée par la croissance. A l'inverse, le risque existe d'une déstructuration et d'une division du monde de plus en plus forte entre pays riches, zones tampons et zones misérables. L'action prioritaire des Etats et de la communauté internationale consiste donc, d'une part à garantir la croissance et la répartition de ses fruits, impératif de solidarité, d'autre part, impératif de sécurité, à prévenir le mieux possible toute rupture fatale dans cette évolution, que pourraient entraîner des crises ou conflits armés. Pour la France et les pays d'Europe occidentale, cela implique d'abord de maîtriser les dangers de crises sur le continent européen. ## 2 L'Europe Et Les Risoues De Crises Nulle part ailleurs plus qu'en Europe ne se fait sentir l'effet bénéfique de la disparition de la menace soviétique globale : progrès des démocraties, repli de l'essentiel des moyens militaires russes sur leur territoire, réduction des accumulations d'armements en Europe centrale. La reconstitution d'une menace conventionnelle directe contre le territoire des pays d'Europe occidentale nécessiterait un temps relativement important et l'expression d'une volonté aujourd'hui heureusement absente. Mais l'Europe centrale et orientale est en proie à une instabilité dangereuse. De graves incertitudes pèsent sur l'évolution de la Russie. Les Etats indépendants issus de l'ancienne Union Soviétique sont engagés pour longtemps dans la recherche d'un nouvel équilibre interne et externe. Les questions de minorités et de frontières ont fait leur réapparition en force sur la scène européenne et menacent, si elles ne sont pas traitées suffisamment en amont, de dégénérer en conflits ouverts. L'Europe redécouvre des situations de guerre sur son territoire, tandis que les questions soulevées par la répartition et devenir de l'arsenal nucléaire ex-soviétique sont une source de tensions et demandent du temps pour être résolues. La Russie semble entrée dans une longue période d'incertitudes. A l'intérieur, même en cas de stabilisation d'un pouvoir démocratique, la marche vers l'économie de marché se heurtera à des obstacles et à des crises à l'extérieur des frontières, la présence de fortes minorités russes, de même que le stationnement prolongé de moyens militaires, peuvent devenir une source de tensions avec ses voisins. A terme, la Russie restera une puissance militaire forte en Europe, d'abord en raison de l'imposant potentiel hérité de l'Union ensuite du fait des ressorts historiques et géopolitiques de ce grand pays. L'appareil de défense, aujourd'hui hypertrophié et pour une partie en situation de crise, reste comme un attribut essentiel de son statut et le garant de ses intérêts. L'existence d'une capacité nucléaire et conventionnelle importante à l'est du continent, quelles que soient sa vocation ou les intentions des responsables en matière de politique extérieure, doit dès lors être considérée comme une constante sur la période envisagée dans ce Livre Blanc. La situation des Etats limitronhes de la Russie est étroitement dépendante de l'évolution de celle-ci. Les Etats baltes s'efforcent d'obtenir le retrait complet des forces russes, en sachant qu'ils ne peuvent assurer seuls leur sécurité. Le Caucase est plongé dans l'instabilité et la guerre, dans une région traditionnellement considérée comme stratégique par la politique russe et qui jouxte le flanc sud de l'Alliance atlantique. Les Etats nordiques surveillent les redéploiements de l'armée russe retirée d'Europe centrale, parfois à proximité de leurs frontières. Cependant, l'élément le plus nouveau sur le plan des équilibres régionaux est l'indépendance de l'Ukraine. Nouvelle puissance régionale, en raison de ses dimensions, de sa situation géographique et de son potentiel militaire et économique, elle peut être amenée à jouer un rôle majeur dans la stabilité et la sécurité de l'Europe. Le sort des armes nucléaires stationnées sur son sol est déjà un enjeu de la sécurité du continent. Il lui appartient désormais de définir sa place dans un cadre de sécurité élargi. Il est à craindre que la transition de centrale et orientale vers un nouvel équilibre géopolitique s'accompagne pendant plusieurs années de conflits armés. Le regain des nationalismes provoque déjà le retour de la guerre, dans les Balkans et le Caucase. La question des minorités nationales et la contestation des frontières héritées de deux guerres mondiales constituent désormais les menaces les plus immédiates, sur fond de grave récession économique et sociale. La crise yougoslave pourrait être interprétée comme un signal encourageant pour les partisans de l'homogénéité nationale, ethnique ou religieuse des Etats. Les problèmes des minorités hongroises, albanaises ou russes peuvent en être relancés. La disparition de plusieurs ensembles fédéraux, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, URSS, semble ouvrir une ère de morcellement des Etats, qui pourrait entraîner des tentatives de redécoupages territoriaux dont l'Europe connaît les dangers. Dans ce contexte, la disponibilité d'une grande quantité d'armements conventionnels sur le marché international est un facteur supplémentaire d'alimentation et d'aggravation des crises. Les crises actuelles ou virtuelles en Europe présentent des caractères auxquels les Etats occidentaux ainsi que leurs institutions de défense collective ne sont guère préparés. Elles ne semblent pas, au moins dans un premier temps, devoir mettre en cause les intérêts vitaux nationaux. Elles suscitent donc une attention et une implication diverses des Etats selon la conception de leurs intérêts stratégiques, l'histoire ou la géographie. Dans nombre de cas, les conflits devraient conserver un caractère classique, sans risque de montée aux extrêmes nucléaires. Quand ce risque existe, il peut arriver, contrairement à la période précédente, qu'il n'engage d'abord directement que des intérêts régionaux : ce pourrait être le cas, par exemple, si l'une des trois puissances, hors la Russie, détenant sur leur sol des armes nucléaires soviétiques, était impliquée. Mais le risque d'enchaînement pourrait-il, alors, être maîtrisé ? Enfin, les conflits récents sont moins marqués par l'ampleur des mouvements des forces que par la dispersion et la complexité des lignes de contact, la guerre urbaine et la guérilla prolongée. Le potentiel de crises et la réapparition des guerres en Europe constituent une préoccupation prioritaire pour notre politique de défense. Celle-ci doit également prendre en compte des menaces nouvelles. ## 3 La Proliferation La prolifération des armes dites de destruction massive n'est pas un phénomène nouveau. Mais plusieurs facteurs d'aggravation de ce phénomène et des menaces qu'il fait craindre sont apparus ces dernières armées et en font l'un des défis majeurs pour la sécurité internationale et notre défense. Il convient d'analyser ces risques avec précision, sans céder à une dramatisation excessive, et d'en mesurer l'évolution. ## Les Diverses Formes De Prolifération L'expression très générale de prolifération des armes de destruction massive recouvre en fait des processus assez différents, mais souvent complémentaires. La prolifération elle-même présente une double dimension : d'une part l'exportation ou la diffusion, généralement considérées comme illicites, par un pays ou une entreprise, d'équipements, de technologies, de matières ou de savoir-faire, liés à la fabrication d'armes nucléaires, biologiques, bactériologiques, chimiques, ou de missiles, notamment balistiques d'autre part, l'effort conduit par un Etat pour rechercher, développer et produire ces mêmes armes, entrepris le plus souvent clandestinement. La notion d'armes de destruction massive est elle-même entachée d'imprécision. Il est nécessaire, du point de vue de l'analyse des menaces, de distinguer entre les armes elles-mêmes et les vecteurs susceptibles de les porter, ainsi que de caractériser la nature du risque qu'elles sont susceptibles de faire peser sur nos intérêts ou nos forces. En ce qui concerne les armes, il faut classer à part les armements nucléaires, en raison de leurs effets destructeurs spécifiques et imparables, disproportionnés par rapport aux autres catégories ( à fois supérieurs aux armes conventionnelles). La prolifération nucléaire peut s'exercer de très variées en fonction de la complexité des armes. Les armes rudimentaires de à fission, d'une énergie de quelques kilotonnes à quelques dizaines de kilotonnes, peuvent être réalisées sans essai nucléaire, dès lors que sont réunis un certain niveau technologique, des matières nucléaires et la volonté politique d'aboutir. Le développement considérable des connaissances ouvertes autorise désormais une fabrication sans essai, peu concevable il y a trente ans. Un minimum d'essais nucléaires et un haut niveau technologique sont en revanche nécessaires pour construire des armes à fission évoluées (qui peuvent atteindre ou dépasser 100 kt). Plusieurs grands pays industriels non nucléaires seraient à même de parvenir à cette capacité dans des délais rapides, s'ils changeaient de politique. Les armes thermonucléaires, de faible masse et faible encombrement, peuvent développer des énergies considérablement plus élevées (dans un rapport de 1 à 100 avec les armes à fission). Elles nécessitent un très haut niveau technologique et scientifique et des essais pour leur mise au point. A l'inverse des armes à dispersion de matières radioactives, peuvent être sans essais elles se limiteraient à répandre des matériaux et esquiveraient la réalisation d'armes nucléaires "explosives". Les manipulations de matières dangereuses nécessaires à leur mise au point poseraient des problèmes de sécurité aigus. Il s'agit davantage d'armes de terreur que d'armes de destruction. La nrolifération chimique est en principe la plus aisée et la moins coûteuse. L'arme chimique, arme antipersonnel mettant en oeuvre des agents toxiques chimiques, s'adapte à des vecteurs très divers. Ses techniques de production sont largement : une partie de l'industrie des pesticides, en effet, peut être orientée vers des usages militaires. Le stockage et la fabrication des armes posent cependant des problèmes difficiles. Les armes représentent une menace terrifiante mais équivoque, car elles ne permettent pas de prévoir des effets précis ni dans le temps ni dans l'espace, et présentent des risques d'effets en retour pour leur utilisateur. Ces caractéristiques sont mal adaptées aux actions militaires. Une dizaine semblent avoir entrepris néanmoins de tels programmes, notamment au Moyen et Proche-Orient, ainsi qu'en Asie. En ce qui concerne les vecteurs, le missile balistique est une menace particulièrement redoutée, non pas en lui-même, mais parce qu'il procure aux armes de destruction massive le maximum d'effets militaires, stratégiques et psychologiques. La fabrication de moyens balistiques indépendants requiert des spécialistes et des moyens industriels importants dans des disciplines très variées. Mais les exportations réalisées par un petit nombre de pays, hors nations occidentales et Etats issus de l'ex-Union Soviétique, ont favorisé une prolifération très large. Treize situés principalement au Moyen-Orient et en Asie, possèdent ou mettent au point des missiles d'une portée supérieure à 300 km, dont plusieurs ont des portées égales ou supérieures à 1000 km. ## Evolution Le nombre de puissances qui cherchent se doter d'une capacité nucléaire a décru par rapport aux estimations faites il y a une vingtaine d'années, en raison des politiques de renonciation officielle affichées par l'Afrique du Sud, l'Argentine et le Brésil. Plus de 160 Etats ont signé le Traité de non prolifération nucléaire entré en vigueur en 1970. Plus de 150 ont signé la Convention d'interdiction des armes chimiques du 15 janvier 1993. Cependant, plusieurs pays "sensibles" et directement intéressés n'ont pas adhéré à ces Traités. Surtout, des risques et des facteurs nouveaux de progression des diverses formes de prolifération se sont affirmés depuis quelques années. La révélation de l'ampleur des programmes irakiens, l'attitude de la Corée du Nord à l'égard des règles du TNP, ont mis en lumière l'efficacité possible des politiques clandestines dans plusieurs domaines, surtout nucléaire, chimique et balistique, dès lors qu'elles étaient entreprises avec résolution et avec des moyens financiers et techniques appropriés. La gestion de l'héritage soviétique constitue une préoccupation importante dans ces mêmes domaines. L'énorme stock d'armes nucléaires, évalué par les responsables russes eux-mêmes à 40 000 têtes de toutes puissances, ne se résorbera que lentement. La question du contrôle de la dissémination des matières, du savoir-faire et des matériels de haute technologie reste posée, d'autant plus que l'attention internationale s'est concentrée davantage sur les armes stratégiques intercontinentales que sur les armes tactiques. La prolifération est favorisée par la production de matières. Or, celle de matières fissiles utilisables dans les armes nucléaires, ainsi que celle de certains composants d'armes chimiques, atteint des niveaux considérables. En effet, les centrales nucléaires produisent normalement du plutonium à partir de leur combustible et un certain nombre de produits utilisés dans l'industrie chimique, notamment à vocation agricole, fournissent des éléments de base pour les armes chimiques. Les stocks ne sont pas toujours contrôlés. La situation s'aggravera lorsque le démantèlement d'une partie des armes de l'ex-Union soviétique fournira, outre le plutonium, de l'uranium fortement enrichi. La diffusion du savoir dans ces domaines sensibles a connu un essor sans précédent. Les échanges scientifiques et technologiques se sont multipliés. La littérature ouverte, les banques de données accessibles et les programmes de calcul disponibles réduisent le périmètre des connaissances protégées. En outre, cette diffusion est favorisée par le caractère dual, civil et militaire, de certaines des technologies concernées. ## Les Enjeux Du Contrôle Il est à craindre que les politiques de contrôle préventif ne suffisent pas à elles seules à nous prémunir contre le risque de prolifération ; leur renforcement constitue néanmoins un enjeu primordial pour notre sécurité. La signature par le plus grand nombre le respect et la prorogation du Traité de non prolifération nucléaire revêtent une importance stratégique. La mise en cause de ses règles, le délitement du régime de vérification entraîneraient en effet des bouleversements dans l'équation stratégique mondiale, susceptibles d'imposer un réexamen de notre politique de sécurité et de défense. L'application de la Convention chimique, qui prévoit également un régime sévère de constituera un test de la crédibilité de tels instruments. La nature duale des activités concernées rend ce régime à la fois contraignant et très difficile à mettre en oeuvre. Le régime de contrôle des technologies des missiles (MTCR), créé en 1987 à Rome, n'a pas été approuvé par certaines puissances exportatrices de technologies balistiques. Son renforcement et son extension sont donc nécessaires mais rendus difficiles, car la distinction entre armes conventionnelles et armes de destruction massive n'a qu'une signification limitée dans le domaine particulier des vecteurs. Dans l'ensemble, il existe un risque accru de voir un petit nombre poursuivre et intensifier leurs efforts pour disposer, au tournant du siècle, de moyens qu'ils jugent indispensables pour parvenir à leurs objectifs de puissance. L'apparition de nouveaux arsenaux incluant des armes de destruction massive au début du siècle prochain apparaît donc plausible et notre défense doit prendre en compte cette perspective. ## 4 Les Vulnerabilites Nouvelles L'analyse des risques auxquels nous pouvons être confrontés dans le nouveau contexte stratégique serait incomplète sans l'évocation des menaces non militaires qui pèsent sur notre sécurité. Celles-ci, exploitant des vulnérabilités nationales, sont souvent facilitées ou stimulées par la mondialisation des échanges et des flux, dont il importe de compte de plus en plus pour la défmition de la stratégie de défense. Certaines formes d'agression comme le terrorisme ou, dans plusieurs de ses conséquences, le trafic de drogue, prennent des dimensions telles qu'elles peuvent menacer la sécurité ou l'intégrité du pays, la vie de sa population ou contrarier le respect de ses engagements internationaux. Elles relèvent dès lors de la défense au sens de l'article 1 er de l'ordonnance du 7 janvier 1959. ## . Le Terrorisme L'action terroriste est sans doute la principale menace non militaire qui soit en mesure d'affecter notre sécurité. Dissimulant ses initiateurs, masquant les intentions, elle procède d'une stratégie souvent indirecte, au service d'objectifs politiques. Ceux-ci consistent à déstabiliser agressé en mettant en difficulté son organisation de sécurité, en tirant profit de l'impact considérable des médias sur l'opinion publique. Le terrorisme permet aussi à des acteurs non étatiques de mettre leur rôle en valeur et de prouver leur puissance. Les mouvements terroristes, qui ont des mobiles, des origines et des implantations très divers, sont beaucoup moins étanches que ne pourrait le laisser penser leur caractère clandestin. La France est particulièrement exposée à ce risque. Comme toute démocratie moderne, elle offre des facilités à la stratégie terroriste qui tire profit de la grande liberté de circulation, de la qualité des communications, du respect des droits de l'homme et des libertés. Mais ses responsabilités et son statut international l'exposent plus que d'autres. L'étendue de son réseau diplomatique et consulaire est un précieux instrument d'action, mais aussi une cible. Son rôle dans le cadre des Nations Unies ou en application des accords de défense peut l'engager dans des opérations extérieures qui suscitent des menaces étrangères. Le terrorisme peut aussi apparaître comme un instrument de contournement ou de neutralisation de nos moyens militaires. Les développements industriels et technologiques des champs nouveaux et préoccupants. Des menaces pèsent ainsi sur nos systèmes informatiques (intrusion> comme sur nos installations de production d'énergie ou l'ensemble des réseaux de communication. Le recours à des moyens radioactifs, issus du détournement de matières sensibles ou de déchets nucléaires peut être facilité par la prolifération. Les risques de terrorisme nucléaire appellent un renforcement des mesures de protection générale et de réaction de l'appareil difficiles à mettre au point et à appliquer dans une société démocratique. Il en va de même du terrorisme biologique ou chimique, dont l'incrimination est désormais prévue par le code pénal. ## Les Extrémismes Religieux Et Nationalistes Les extrémismes, qu'ils soient d'inspiration religieuse ou nationaliste, sont des sources privilégiées du terrorisme. L'extrémisme islamiste représente sans doute la menace la plus inquiétante. Il se nourrit des crises économiques et sociales comme de la pression démographique dans les pays où il se développe. Il y prend souvent la place qu'a pu occuper le communisme comme mode d'opposition au monde occidental. Les inégalités grandissantes dans la croissance et la répartition des revenus, notre proximité géographique, la répartition de nos intérêts dans le monde doivent nous inciter à le considérer comme une menace. Les extrémismes peuvent se nourrir du regain nationaliste constaté avec la fm de la guerre froide, en particulier en Europe. L'action de la France en faveur du maintien de la paix, son engagement dans les préventions ou le règlement des crises sont donc là aussi une source de risques. ## Les Trafics De Drogue Les trafics de drogue constituent une menace pour la santé publique, pour la souveraineté des Etats et pour la sécurité internationale, dans la mesure où ils sont souvent un facteur de prolongation des conflits, d'alimentation des guérillas ou des mouvements terroristes. Ils prennent en effet une ampleur inégalée, car la complexité des réseaux et la puissance des moyens des groupes mafïeux rendent leur démantèlement très difficile. Le "blanchiment" des capitaux qui accompagne les trafics porte sur plusieurs centaines de milliards de dollars par an une coopération internationale se met en place pour en réduire l'importance. Enfin, l'extension des zones de culture du pavot et de la coca échappant à tout contrôle étatique ne laisse pas d'inquiéter. Cela justifie que cette menace non spécifiquement militaire soit appréhendée dans le cadre de la politique de défense. ## Globalisation De La Sécurité Et Stratégies De Communication La logique d'unité territoriale qui animait jusqu'à présent l'action des Etats s'affaiblit peu à peu au profit de logiques transnationales de réseaux, animés et entraînés par la mondialisation des échanges. Celle-ci exerce également son influence sur les conditions de notre sécurité et sur notre stratégie. La mondialisation des flux, favorisée par les acteurs économiques, mais aussi par les mouvements de personnes, de capitaux, de biens immatériels remet en cause, en effet, à la fois la séparation entre les sphères nationale et internationale et la pertinence de la distinction entre acteurs publics et privés. L'emprise des Etats sur ces phénomènes devient de plus en plus malaisée, car ils ne sont plus les seuls, ni même les principaux acteurs, dans ces stratégies nouvelles. Leur sécurité économique implique cependant qu'ils les prennent en compte. Les flux d'information sont au coeur de cette globalisation des échanges. Le recueil, la circulation, la diffusion des informations se font à l'échelle du monde au sein d'un système médiatique qui fonctionne selon sa propre logique, en temps réel et de plus en plus par images en direct. Cette évolution introduit des contraintes nouvelles dans les processus de décision, les modalités d'action et le rythme de la gestion des crises. La place de l'information a des effets bénéfiques pour la transparence dans la prise et l'application des décisions. Elle est un facteur essentiel dans la lutte pour les droits de l'homme, pour prévenir les conflits et désamorcer les tensions. Mais les médias hiérarchisent les événements, les zones de tension et de conflit, les faits graves et douloureux, selon des critères et des valeurs propres qui diffèrent parfois de ceux du monde politique et de l'analyse, par les Etats, de leurs intérêts stratégiques. Un affrontement grave dans un pays peut ainsi être passé sous silence au profit d'une situation humanitaire difficile. L'effet médiatique peut créer un environnement contraignant, incitant à l'intervention et au recours à des moyens militaires sous le coup d'une émotion forte et générale, dans la précipitation. Le développement des réseaux d'information continue introduit le temps réel dans les prises de décisions, imposant aux décideurs non seulement le canal des médias mais aussi leur rythme propre. Les possibilités de manipulation et de désinformation sont les revers de l'information généralisée et il convient d'exercer une grande vigilance dans ce domaine. Le développement et la possession d'outils médiatiques internationaux apparaissent ainsi à la fois comme un facteur de puissance et une source de faiblesse. Pour ceux des Etats qui disposent de la gamme complète des médias internationaux agences de presse, agences d'information en continu, télévision par satellite elle autorise un recueil et une circulation d'informations sans précédent et favorise la diffusion des messages que l'on souhaite faire passer. Ces nouvelles règles du jeu entrent dans la réflexion stratégique et imposent une attention particulière dans la conduite des opérations. Les médias ne sont plus seulement des spectateurs mais des acteurs des crises et des conflits, qui pèsent sur leur conduite et leur issue. En conséquence, la planification devra prendre en compte, de plus en plus tôt, leur présence sur les théâtres d'opération. La gestion médiatique devient l'un des éléments de la stratégie militaire. L'information est désormais au coeur de toute politique de défense. ## 5 Les Insuffisances De L'Ordre International Les bouleversements intervenus depuis 1990 produisent leurs effets à un rythme plus rapide que l'adaptation des institutions internationales, largement inachevée. Ni l'Organisation des Nations Unies, ni les institutions multilatérales nées pendant la guerre froide n'ont encore les moyens de relever tous les défis nouveaux qui leur sont posés. Il en résulte un sentiment de désordre et d'impuissance. Le besoin d'instruments de régulation internationaux est plus fort que jamais, il se traduit, fait sans précédent, par des demandes d'intervention de la communauté internationale dans les affaires intérieures des Etats. L'Organisation des Nations Unies ne cesse d'être sollicitée mais n'a pas toujours les moyens d'assumer l'ensemble de ses responsabilités. Elle est, en particulier, menacée d'une crise financière grave, faute de disposer des ressources qui lui sont dues. Après la dissolution du Pacte de Varsovie, les institutions de sécurité en Europe sont encore en pleine mutation. Elles définissent de nouvelles missions, réunissent en leur sein ou autour d'elles un nombre croissant ce qui peut affaiblir l'efficacité des processus de décision. L'avenir des organismes multilatéraux les plus intégrés, donc a priori les plus stables, militaires (OTAN) ou politique et économique (Union Européenne), est lié aux réponses qui seront apportées aux questions difficiles que pose leur élargissement. La tendance à la déstructuration du système international classique est accentuée par la remise en cause de certains de ses cadres fondamentaux. Le principe de souveraineté des Etats est relativisé par des pratiques de mise sous tutelle, de mandats, ou d'intervention internationale. Le principe de l'intangibilité des frontières est fragilisé dans plusieurs régions du monde, en particulier en Europe où ressurgit la question des nationalités. Face à de telles fluctuations, la France doit faire des choix conformes à ses intérêts de puissance, puissance européenne, puissance nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité. Elle contribuera ainsi à l'édification d'un système de sécurité plus stable et plus sûr, adapté à la nouvelle donne stratégique. Les nrincinales données des évolutions intéressant directement la défense, et illustrant la phase de transition dans laquelle nous sommes entrés: peuvent être résumées comme suit : 1) La menace soviétique globale a disparu. Mais, en Europe, la Russie restera une puissance militaire forte, qui doit être prise comme telle dans notre évaluation stratégique. En outre, des crises locales ou régionales, qui peuvent dégénérer en guerres de type classique, risquent d'affecter le passage du continent vers un nouvel équilibre. D'une façon générale, le principal risque pour la sécurité réside désormais dans des conflits régionaux susceptibles de mettre en péril la recherche de la stabilité internationale et d'une croissance plus juste et équilibrée dans le monde. 2) Le niveau d'équipement militaire de nombreuses puissances régionales devrait s'élever non seulement dans le domaine des armements classiques, mais aussi, du fait des pratiques de prolifération, dans celui des armes de destruction massive, y compris nucléaires, au début du siècle prochain. 3) Des menaces non strictement militaires pèseront sur la sécurité nationale elles doivent être prises en compte dans la politique de défense, en particulier celles qui résultent du terrorisme et des activités 4) La politique de défense doit tenir compte de la mondialisation des échanges et la définition de ses instruments intégrer le rôle des médias dans la gestion des crises. 5) Le système de régulation internationale n'est pas à l'abri de profondes remises en cause. La disparition de l'antagonisme bipolaire devrait permettre d'établir pleinement le rôle des institutions politiques universelles ou régionales. La France doit proposer dans ce domaine des choix qui influeront sur sa politique de défense. 6) Les Etats-Unis resteront dans les vingt prochaines années un pôle essentiel de la sécurité internationale. L'Europe occidentale, qui dispose désormais d'une base politique, devrait affirmer son identité de défense et les puissances asiatiques, autour du Japon et de la Chine, verront grandir leur rôle dans les équilibres mondiaux et devront déterminer en conséquence leurs choix stratégiques. ![27_image_0.png](27_image_0.png) ![27_image_1.png](27_image_1.png) ![27_image_2.png](27_image_2.png) # Chapitre 2 : Les Objectifs De Ia Politique De Défense Les modifications du contexte international et les perspectives stratégiques accompagnant la fin de la guerre froide appellent une adaptation de la politique de défense de la France, comme de celle de ses partenaires européens de l'Union Européenne et de l'Alliance Atlantique. Les appareils de défense, largement organisés autour d'une mission de garde face à l'Est, doivent opérer une véritable conversion. Ces transformations touchent la stratégie militaire. Mais la définition de la politique de défense de la France est d'abord fonction d'une analyse de ses intérêts nationaux et de la détermination des objectifs essentiels pour sa survie et sa politique de sécurité. Il apparaît que les grandes finalités évoluent peu. La France doit être en mesure d'assurer sa protection et la défense de ses intérêts dans le monde. Elle a les ambitions d'une puissance présente en de nombreux points du globe en dehors de l'Europe, héritage de son Histoire et de sa géographie, conséquence aussi de son développement économique. Le premier objectif de la politique de défense est la défense de ses intérêts. Si ceux-ci demeurent relativement stables, l'évolution internationale et notre qualité de puissance moyenne influent sur la de les défendre. L'interdépendance de nos intérêts avec ceux de nos principaux partenaires ne cesse de grandir. Notre poids relatif dans le concert des Etats incite à rechercher les meilleures alliances et les meilleurs instruments de démultiplication de notre puissance. C'est pourquoi l'action de la France s'inscrit de croissante dans un cadre multilatéral coopérations, Union Européenne, Alliance Atlantique, CSCE, ONU, notamment. La sécurité du continent européen, celle de la France par conséquent, dépend largement de la capacité des pays d'Europe occidentale à constituer un pôle de stabilité et d'intégration. La construction européenne: y compris en matière de défense, est donc une priorité. En outre, il importe avant tout, après la de la guerre froide, de prévenir la réapparition de menaces majeures contre nos intérêts vitaux et les déstabilisations graves de l'ordre international la participation à la mise en place d'un système international stable et pacifié est donc essentielle. Ce double but représente le deuxième objectif de la politique de défense. La diversifïcation des risques de toute nature caractérise également la de ce siècle. Il en résulte un accroissement des vulnérabilités de nos sociétés, qui peuvent mettre en péril la cohésion nationale. Ainsi, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont de plus en plus étroitement liées. Ce constat appelle une conception globale de la défense, qui constitue le troisième objectif de notre politique de défense. ## Defendre Les Interets De La France La définition traditionnelle de nos intérêts revêt le plus souvent un caractère "patrimonial", lié à notre attachement à des "biens" territoire, richesses économiques, moyens de communication, présence de ressortissants que nous entendons protéger partout où ils se trouvent et auxquels nous devons pouvoir accéder sans entrave. Ces intérêts n'ont guère varié depuis vingt ans. La de la division du monde en deux blocs antagonistes modifie cependant notre perception de certains d'entre eux. L'action de la France en Afrique, par exemple, correspond plus à une appréciation de ses responsabilités internationales dans une zone où elle peut exercer son influence qu'à des préoccupations d'ordre stratégique. Cette vision des intérêts de la France évolue. D'abord parce que, dans un nombre croissant de cas, en particulier celui du développement économique ou des approvisionnements en énergie, les intérêts de la France et de ses voisins ou partenaires occidentaux ne sont guère dissociables. Ensuite, parce qu'aux intérêts matériels s'ajoutent désormais, encore davantage qu'hier, des intérêts immatériels, liés par exemple à la défense des grands principes de la vie internationale et à notre statut de membre permanent du Conseil de Sécurité. La conception des intérêts devient ainsi globale, associant aux intérêts traditionnels, issus d'une approche géographique et patrimoniale, des intérêts immatériels, non moins réels. Tous ne concernent pas de la même façon les moyens de notre politique de défense, notamment militaires. La difficulté, mais c'est un impératif, est de déterminer et de hiérarchiser ceux que la France entend défendre ou promouvoir par les armes. Aux **intérêts vitaux** est attachée la survie de la Nation. De ce fait, le premier de notre nolitiaue de défense demeure d'être en mesure d'assurer. seuls si nécessaire. la défense ultime de nos intérêts vitaux contre toute menace au'en soit L'intégrité du territoire national, comprenant la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, de ses approches aériennes et maritimes, le libre exercice de notre souveraineté et la protection de la population en constituent le coeur aujourd'hui. Mais il convient d'éviter d'en donner une définition trop précise, de préserver la liberté d'appréciation et d'action des autorités de s'ils venaient à être menacés. La France ne saurait s'en remettre à d'autres pour la défense de ses intérêts vitaux. Les questions ouvertes par la perspective de la construction d'une défense européenne commune dans le cadre de l'Union Européenne ne doivent cependant pas être perdues de vue. Il ne peut être exclu en effet, à long terme, qu'à mesure que se rapprocheront les intérêts des nations européennes, la conception qu'a la France de ses intérêts vitaux n'en vienne à coïncider avec celle de ses voisins. La frontière entre les intérêts vitaux et les **intérêts stratégiques** de la France n'a pas à être précisée par avance. Les uns et les autres doivent être défendus avec la même détermination. La délimitation de cette frontière relève des autorités politiques du pays, dont la liberté d'appréciation doit rester entière. Cependant, nos intérêts stratégiques résident, pour l'essentiel : d'une part, dans le maintien de la paix sur le continent européen et dans les zones qui le bordent à l'Est et au Sud, l'importance stratégique du Bassin méditerranéen et du Moyen Orient étant particulière d'autre part, dans les espaces essentiels à l'activité économique du pays et à la liberté des échanges et des communications, La sécurité des approvisionnements, notamment le long des routes maritimes, doit être assurée. Notre dépendance pétrolière, commune aux pays de est constante vis à vis du Moyen-Orient, qui bénéficie des coûts techniques de production les plus faibles et surtout de 65% des réserves mondiales. Dans le secteur gazier, notre dépendance croît vis à vis de l'Algérie et de la Russie. Enfin, pour la France, 82% des importations et 56% des exportations extra-communautaires empruntent une voie maritime, dont une grande part transite par la Méditerranée, la mer Rouge et la partie septentrionale de l'Océan Indien. Pour des raisons politiques ou économiques, il s'agit là, dans tous les cas, de zones stratégiques. Veiller à ces intérêts stratégiques doit permettre de prévenir des menaces contre nos intérêts vitaux. Au-delà de ces intérêts qui répondent directement à une logique de sécurité, la France a des **intérêts** qui correspondent à ses responsabilités internationales et à son rang dans le monde. Ses responsabilités internationales résultent de ses obligations de membre permanent du Conseil de Sécurité, de son histoire, de sa vocation particulière. Membre permanent du Conseil de Sécurité, elle 'doit contribuer activement, sans doute plus que d'autres, maintien de la paix dans le monde et au respect du droit international. Attachée aux valeurs de la démocratie, la France a d'autant plus pour ambition de les promouvoir et, lorsque nécessaire, de les défendre, qu'elles constituent à ses yeux une garantie de la stabilité et de la sécurité internationale. La politique de défense contribue à cette action. Préserver l'indépendance du pays, assumer ces responsabilités internationales, promouvoir la démocratie et le droit sont enfin des finalités liées à la défense de son rang dans le monde. Celui-ci résulte, comme pour chaque pays, d'une combinaison particulière de facteurs de puissance, économique mais aussi militaire et diplomatique, ou encore scientifique et culturelle. Il prend en compte l'influence qui s'exerce à travers la francophonie ainsi que des éléments immatériels, liés à la force des idées et à une certaine vocation à l'universel. Il faut le rappeler, l'histoire de la France et celle de sa défense se confondent largement. L'objectif premier de la politique de défense de la France est donc de défendre les vitaux et stratégiques du pays ainsi que ceux correspondant nos responsabilités internationales et notre rang dans le monde. Certes, d'autres modes d'action viennent également au soutien de ces Mais, sans une défense à ceux-ci, leur pérennité ne peut être ## 2 Construire L'Europe Et Contribuer A La Internationale Le Choix De L'Europe La France fait partie des quelques pays qui peuvent avoir une action sur la stabilité dans le monde. Pour autant, elle n'échappe pas à réorganisation de l'ordre planétaire autour de grands ensembles régionaux. Nation européenne, elle inscrit sa politique de défense dans la perspective nouvelle d'une "défense à venir, affirmée par le Traité sur l'Union Européenne. Ce choix européen s'impose pour des raisons tant stratégiques qu'économiques récente du continent conduit a rechercher les instruments de sa stabilité Un pôle d'intégration fort en est certainement des conditions. L'insertion de notre économie dans l'ensemble est à la fois une donnée de fait qui encore en s'accentuant et le résultat d'une politique volontariste de et des entreprises. Enfin, cette construction progressive conduit l'affirmation d'une identité politique qui serait si elle ne s'exprimait pas également dans le domaine de la défense Le du rang de la France dans le monde sera pour une large part lié son à influer sur la construction européenne et les évolutions venir de l'Europe. Qu'elle soit forte sur le continent et elle pourra parler d'une ferme partout ailleurs. De sa réussite ou de échec dans cette entreprise dépendre en définitive son rôle dans le concert des nations. Notre politique de défense privilégiera donc d'une part le développement progressif d'une capacité européenne propre en matière de défense, d'autre part notre participation à la constitution d'un espace de sécurité s'étendant à tout le continent. La France agira le plus souvent dans le cadre de ses alliances et d'une d'intérêts des Européens. Le poids de son engagement doit concrétiser sa volonté et son choix qui, pour notre politique de défense comme dans d'autres domaines, est celui de l'avenir. ## La Prévention Et L'Ordre International La politique de défense, coordonnée avec notre action diplomatique, doit s'attacher, dans le nouveau contexte international, à la prévention des conflits et des La sécurité de la France implique que soit avant tout prévenue la renaissance sur le continent d'une menace majeure contre nos intérêts vitaux. A cet égard, notre politique de défense se défmit d'abord par sa capacité à contribuer à la stabilité et à la paix en Europe. La construction et le maintien d'un ordre international stable et pacifié sont également nécessaires au plan mondial. De ce fait, la France s'emploiera à prévenir des menaces directes et indirectes qui mettraient en péril cet ordre international. Aussi longtemps que celui-ci pourra établi, à travers le respect des valeurs qui le fondent, la stabilité des équilibres qui garantissent et de ses institutions, la sécurité de la France sera assurée aux meilleures conditions. ## 3 Mettre En Oeuvre Une Conception Globale De La Defense. Les mutations du système international affectant la défense ne se limitent pas aux seuls aspects militaires et stratégiques. Elles concernent la vie de la nation dans son ensemble. Tout le champ social, l'existence quotidienne des populations et l'activité économique peuvent être affectés par ce contexte mouvant et incertain : cette fin de siècle est marquée par une vulnérabilité accrue des sociétés démocratiques. Ces évolutions appellent, aujourd'hui encore plus qu'hier, une conception globale de la défense. Loin de constituer un domaine isolé, doit embrasser l'ensemble des activités du pays et s'inscrire dans la permanence de la vie nationale. L'orientation. de l'ordonnance du 7 janvier portant organisation générale de la défense est donc confirmée. Son article Ier dispose que "la défense a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes formes la sécurité et l'intégrité du territoire ainsi que la vie de la population. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux". Une conception globale de défense, associe la défense militaire une dimension civile et économique, mais aussi sociale ou S'appuyant sur des moyens civils et militaires coordonnés, cette approche est la seule réponse adaptée à la diversité des menaces pesant sur nos sociétés. Les volets de cette défense non-militaire sont aussi divers qu'essentiels. ## . La Cohésion Nationale La France a la chance de réunir des hommes et des femmes autour d'une volonté de vivre ensemble. Elle doit veiller à défendre ce qui est à la fois un héritage et un projet partagé. La cohésion nationale, aujourd'hui très exposée aux chocs multiples que suscitent les évolutions sociales, économiques et internationales, est une condition essentielle de la défense. La puissance provient moins de l'étendue du territoire national que de l'organisation sociale, de l'éducation des hommes, de leur solidarité et des valeurs qui les lient. En ce sens, la défense est indissociable de l'idée de nation. Elle concerne donc à la fois le modèle français d'intégration et d'organisation sociale, les valeurs communes de la République, leur vocation universelle et le rayonnement de la langue. La politique globale de défense a premier objet de veiller à cette cohésion et d'y contribuer. ## . La Défense Civile La défense civile assure à titre principal, la protection des populations, le maintien de l'ordre public et la préservation de la continuité d'action du gouvernement. Chacune de ces missions demeure aujourd'hui leur importance est même renforcée par les menaces actuelles et futures. La protection des populations impose de prévenir et de couvrir les risques naturels et technologiques majeurs, quelles que soient les circonstances. Cette mission ignore à l'évidence la gradation entre la paix, les crises et la guerre. Ces dernières années ont montré le nombre et la variété des situations possibles (inondation, marée noire, diffusion de déchets, incendie de forêt, . ..). Le citoyen attend de plus en plus de qu'il prenne des mesures permanentes de prévention et dispose des moyens de seçours nécessaires. Le maintien ou la restauration de l'ordre public est une mission régalienne. Les autorités locales, et notamment les maires en tant qu'agents de sont, sur le terrain, les premières à y être associées. Là aussi la demande sociale de sécurité des biens et des personnes s'accentue. Dans une acception large, le maintien de l'ordre public implique également que soit assurée la continuité du service public. Sans ci, il n'est ni action publique, ni vie économique. Le maintien de la continuité d'action du gouvernement commence par la protection des installations et des réseaux sensibles, dont un grand nombre sont essentiels pour la vie des populations et la défense nationale. Leur multiplication et leur sensibilité en font des objectifs privilégiés pour des actions terroristes. En cas de situation exceptionnelle, la défense doit enfin permettre, afin de maintenir cette continuité d'action du gouvernement, de s'opposer aux actions entreprises par un agresseur sur le territoire national. Au total, la défense civile est une préoccupation majeure des Français. Elle intéresse la plupart des secteurs de qui doivent la prendre en compte. ## La Défense Économique La défense économique au sens de l'ordonnance de 1959, vise à assurer dès le temps normal la réduction des vulnérabilités du pays et, en temps de crise, la bonne répartition des ressources. Il s'agit, avant tout, d'assurer la sécurité des ressources et la permanence de leur production. Ces objectifs essentiels s'élargissent aujourd'hui à la protection de bases nouvelles de l'activité économique et au contrôle des transferts de technologie. Certains secteurs d'activité tels que l'énergie, les télécommunications, les transports et des secteurs tertiaires sensibles, comme les services financiers et informatiques, jouent un rôle fondamental dans l'économie L'interruption du fonctionnement de l'un de ces secteurs peut entraîner une paralysie presque totale de l'économie et un dérèglement de l'équilibre social. La défense économique doit, dès lors, garantir aux agents économiques le maintien de ces secteurs vitaux. Les technologies sont devenues, quant à elles, des enjeux majeurs de puissance. Elles conditionnent tant la réussite économique que l'efficacité du dispositif de défense. Le contrôle des transferts de technologies sensibles est un facteur de sécurité important et participe, par suite, à la défense économique. La défense de la France fait appel en priorité, bien entendu, à ses moyens militaires. Sa dimension civile et économique ne doit pas être négligée, et lui confère un caractère global. Elle participe aussi d'une certaine culture qui contribue à sa dimension nationale. La prise en compte de ce volet non militaire dans les années à venir constitue un objectif de notre politique de défense. # Chapitre 3 : Le Cadre De Référence International De Notre Politique De Défense Le cadre politique et institutionnel dans lequel s'inscrit notre action en matière de défense et de sécurité est en voie de transformation profonde. La nature des relations entre les Etats d'Europe occidentale s'est modifiée sous l'influence de plusieurs décennies de construction européenne. Leur projet politique est ainsi devenu une composante essentielle de notre sécurité et le Traité sur l'Union Européenne lui une dimension nouvelle. demeure la principale organisation de défense, mais l'engagement américain, s'il est réaffirmé avec constance, revêtira des formes plus souples et moins massives que lors de la confrontation avec le Pacte de Varsovie. Le continent européen est à la recherche d'une organisation ample et sure pour sa sécurité. Nous devons en même temps clarifier le rôle que nous souhaitons voir jouer par l'Organisation des Nations Unies au moment où celle-ci est de plus en plus sollicitée par des crises de tous ordres dans le monde entier. Il faut définir la place qui revient, dans notre politique, aux accords bilatéraux de défense, en particulier au bénéfice de la stabilité du continent africain. Enfin, nous devons prendre en compte l'évolution des instruments politiques et juridiques du désarmement et de la lutte contre la prolifération. ## 1 Vers Une Nouvelle Architecture De En Europe La restauration de l'Europe dans ses dimensions politiques, historiques et culturelles oblige à établir un système de sécurité nouveau pour succéder au face de l'époque de la guerre Dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes, la France doit être porteuse d'un projet politique global qui permette d'aller au-delà des acquis des dernières décennies, au bénéfice de la stabilité du continent dans son ensemble. Sur la base d'un effort national qui demeure la condition de la liberté de ses choix, la France se donne ainsi trois buts principaux : affirmer une ambition européenne en matière de défense le Traité de l'Union Européenne en définit le cadre ce choix conduit à écarter deux options extrêmes : celle qui s'en remettrait uniquement à des coalitions de circonstance ; celle qui viserait à construire, dans un cadre européen de type fédéral, une organisation militaire intégrée. rénover le lien transatlantique, en poursuivant l'adaptation de au futur contexte stratégique et à ses nouvelles missions, d'assurer la nécessaire permanence de l'engagement américain en faveur de la sécurité et de la stabilité de l'Europe. éviter la reconstitution de blocs militaires antagonistes, en établissant un cadre de sécurité incluant la Russie et tenant compte du processus d'élargissement progressif de l'Union Européenne. ## L'Ambition Européenne Le Traité sur l'Union Européenne institue une politique étrangère et de sécurité commune et prévoit la formation d'une véritable identité européenne de défense, puis d'une politique de défense et de sécurité commune, pouvant conduire le moment venu à me défense commune. Dans l'intervalle, il désigne l'Union de l'Europe Occidentale, "partie intégrante du développement de l'Union Européenne" pour "élaborer et mettre en oeuvre les décisions et les actions de l'Union qui ont des implications dans le domaine de la défense". La réalisation des objectifs ambitieux ainsi fixés par le Traité ne peut être que progressive. Elle devra s'appuyer sur le renforcement des coopérations entre les Etats en matière de défense et sur le développement du potentiel, encore limité, de Dans le domaine militaire et de l'armement, les bilatérales ou multilatérales, sont à l'origine de rapprochements concrets entre les systèmes de défense nationaux et favorisent une dynamique européenne plus large. Dans cet esprit, la France recherchera systématiquement toute occasion de coopération avec les pays engagés avec elle dans la construction européenne. Elle développera en particulier la relation privilégiée qu'elle entretient déjà avec l'Allemagne, concrétisée par l'institution en 1988 d'un Conseil de défense et de sécurité franco-allemand. La coopération entre les deux pays restera un élément moteur du projet européen et la perspective d'une extension des responsabilités internationales de l'Allemagne, que la France appuie, lui ouvre un champ d'action nouveau. Avec la Grande-Bretagne, le niveau de notre coopération doit sensiblement rehaussé. Nos deux pays partagent un statut de puissance nucléaire qui donne déjà lieu à une réflexion commune. Sur bien des points, ils ont en outre une approche stratégique analogue, et ils possèdent des capacités d'action extérieure relativement importantes et la volonté d'en user. La construction de l'Europe de la défense passe par la volonté de ces trois Etats d'harmoniser la conception de leurs intérêts de sécurité, par l'approfondissement de leur coopération, et le cas échéant, par la mise en commun de moyens militaires. Des relations spécifiques doivent être aussi développées avec nos autres partenaires. Il s'agit, en particulier, de l'Italie et de l'Espagne, notamment en ce qui concerne la sécurité en Méditerranée et la coopération spatiale. Dans le domaine de l'armement, le potentiel de l'Italie et de la Suède doit inciter à la réalisation de programmes Dans le domaine militaire, les relations établies avec la Belgique et l'Espagne à l'occasion de la constitution du Corps Européen et des opérations de maintien de la paix doivent servir d'exemple dans la coopération avec d'autres Etats, notamment les Pays-Bas. Ces coopérations à géométrie variable trouveront leur véritable dimension dans la contribution qu'elles apporteront à la réalisation du projet politique large défini par le Traité de l'Union Européenne, dans lequel est appelée à jouer un rôle central. L'Union de Occidentale est désormais clairement reconnue comme composante de défense de l'Union Européenne. Elle doit se fixer pour objectif de rendre possible une action militaire autonome des Européens, en dehors des cas d'agression mettant en jeu la garantie principale du Traité de l'Atlantique Nord. Il est nécessaire à cette fin que les Européens disposent de capacités militaires propres. Le Corps Européen en est la première illustration. Né d'une initiative allemande, il réunira, en 1995, 45 000 hommes fournis par l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne et la France, sous l'autorité d'un état-major multinational. Il représentera alors l'une des principales composantes des forces déployées en Europe Occidentale. La mise en place du Corps Européen représente un premier pas, qui en appelle d'autres, soit que l'expérience s'élargisse, soit que se constituent d'autres unités multinationales. Le développement de telles initiatives adaptées, au demeurant, aux besoins de plusieurs pays européens en raison. du format réduit de leur armée, constitue une priorité. L'idée d'une force aéromaritime, proposée par l'Espagne, la France et l'Italie à leurs partenaires de I'UEO, va dans le même sens, tout comme celle d'une composante européenne de transport aérien militaire. Cette politique est indissociable de l'effort particulier qui doit être conduit par les Européens dans les domaines clés pour la gestion des crises, que sont le renseignement, les systèmes de commandement et de communication et les transports. L'acquisition d'un minimum d'autonomie dans ces secteurs, sur la base de capacités propres ou conjointes, est un élément déterminant pour la construction d'une défense européenne. La France est disposée à consentir les efforts nécessaires à cette Elle doit convaincre ses partenaires de s'y associer. La convergence progressive des intérêts européens permet de penser que cet objectif politique n'est pas hors de portée. La capacité de planification de I'UEO devra aussi être renforcée. Elle joue en effet un rôle essentiel pour conférer à l'organisation européenne une véritable crédibilité militaire. La planification de crise et de circonstance doit être développée, de complémentaire à celle de l'organisation atlantique, pour les besoins propres des Européens, que ceux-ci décident d'une action autonome, ou d'une action combinée de I'UEO et de L'afknation de l'identité européenne de défense à travers I'UEO sera enfin facilitée par le recours à des moyens existants de Il importe en effet d'éviter les doubles emplois dont les Etats n'ont pas les moyens. Ce principe s'applique déjà à certaines forces alliées qui ont reçu ou recevront dans un proche avenir une double affectation à et à I'UEO. Mais I'UEO devra à l'avenir pouvoir faire appel non seulement à des forces des alliés européens mais aussi à des moyens collectifs de l'Alliance, tels que des éléments d'état-major, de quartier général, de communication, de renseignement, des systèmes de détection aéroportés Le développement de ces activités et la répartition des tâches entre les deux organisations doivent s'effectuer en évitant aussi bien la dépendance de l'une par rapport à l'autre, qu'une concurrence inutile. La France continuera de favoriser un renforcement de complémentaire du rôle de Le Corps Européen illustre déjà la possibilité d'une montée en puissance progressive de capacités européennes de défense dans le cadre de au bénéfice de l'Alliance atlantique dans son ensemble, comme l'a montré l'accord signé le 21 janvier 1993 entre les Chefs allemand et fiançais et le Commandant suprême allié en Europe La coopération entre les deux organisations est appelée à se développer d'autant plus qu'en dehors des cas où sont en cause les clauses de garantie de l'article 5 du. Traité de l'Atlantique Nord, des instruments nouveaux et des procédures spécifiques devront être mis en oeuvre par les Alliés. C'est l'un des enjeux principaux de la rénovation de ## Une Alliance Atlantique Rénovée L'engagement militaire des Etats-Unis sur le continent européen est à l'origine de l'Alliance atlantique et représente le coeur du lien transatlantique. Pendant quarante ans, il a constitué une garantie centrale pour la défense de l'Europe occidentale. Il est considéré non seulement par les Alliés, mais aussi par les nouvelles démocraties d'Europe centrale, comme un élément fondamental de la sécurité en Europe. Aujourd'hui, tout en maintenant leur engagement, les Etats-Unis tirent les conséquences de la disparition de l'Union Soviétique et du Pacte de Varsovie. Ils réduisent de ce fait le niveau de leur présence et définissent progressivement une approche sélective des problèmes de sécurité en Europe, en fonction dune appréciation plus rigoureuse de leurs intérêts nationaux. Le dialogue avec la Russie, le contrôle et la réduction des armements nucléaires hérités de l'Union Soviétique, ainsi que la prévention des crises pouvant concerner soit la Russie, soit les puissances qui détiennent sur leur territoire de tels armements nucléaires continueront de bénéficier d'une évidente priorité. En revanche, ils pourraient se tenir plus en retrait dans le traitement de questions touchant à la sécurité à la stabilité sur le continent, mais qui n'affectent pas directement leurs intérêts stratégiques. se dote de nouvelles missions. Elle étend sa compétence désormais, sans en avoir le monopole, aux opérations de maintien de la paix, auxquelles elle peut prêter les moyens puissants qu'elle est sans doute seule à pouvoir rassembler et coordonner aujourd'hui. Elle s'efforce de promouvoir une coopération nouvelle dans le domaine militaire avec les Etats de l'ancien Pacte de Varsovie. Elle s'attache à prendre en compte les nouveaux types de risques pour la sécurité des Alliés tels que la prolifération. Les évolutions intervenues depuis 1991 dans l'organisation et les activités de l'Alliance doivent être prolongées et amplifiées. La gestion des crises et le maintien de la paix imposent une adaptation permanente des dispositifs militaires aux objectifs politiques de chaque opération ou chaque mission. L'organisation militaire intégrée n'y était pas préparée. La réflexion sur la place de l'Europe en tant que telle au sein de l'Alliance doit encore se traduire dans les faits, tant au plan des structures de concertation politique que dans le domaine militaire et opérationnel. Les relations avec les démocraties du centre et de l'est de l'Europe appellent des développements dans un cadre nouveau. Les sommets de Londres en 1990, Rome en 1991 et surtout Bruxelles en 1994 ont d'abord préparé puis défini les principes d'une meilleure adaptation de l'Alliance. La France participe à cette rénovation. Membre de l'Alliance atlantique depuis l'origine, elle entend rester fidèle à ses alliés et à ses engagements dans le cadre des principes qui ont présidé à la création de l'Alliance. Ses plus hautes autorités n'ont jamais manqué de rappeler le souhait de notre pays, lié aux Etats-Unis depuis toujours, que l'engagement américain en Europe soit maintenu. Dans l'évolution en cours de l'Alliance atlantique, la politique de la France sera conforme à ses principes constants : L'Alliance atlantique doit devenir un lieu où puisse aussi l'identité européenne de défense et de sécurité. La déclaration des seize Chefs et de Gouvernement, lors du Sommet de le 11 janvier 1994, le précise avec netteté, en se référant explicitement aux termes du Traité sur l'Union Européenne. Les progrès de l'identité européenne à la relation entre Européens et américains le dynamisme nouveau, attendu et indispensable pour répondre aux exigences de paix et de sécurité sur le continent. Ils impliquent une concertation politique accrue des Européens au sein de l'Alliance, ainsi que de leurs responsabilités dans l'organisation. de l'Europe Occidentale, moyen de renforcement du pilier européen de l'Alliance, devrait être privilégié de cette mutation. L'adaptation des structures de aux nouvelles conditions stratégiques doit être résolument poursuivie. Elle appelle une coordination renforcée entre les structures politiques et militaires des Alliés et, en raison des caractéristiques propres à la gestion des crises, un rôle accru et permanent des instances de concertation et de décision multilatérales réunissant les seize pays membres. L'organisation militaire doit répondre à de nouveaux de souplesse et de modularité, pour être capable de s'adapter à la diversité des situations envisageables, des milieux d'engagement et des moyens nécessaires, comme aux exigences des évolutions politiques. Il convient en particulier de prévoir les moyens l'organisation spécifiques à mettre en oeuvre pour les missions autres que celles découlant de l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, et pour lesquelles il serait fait appel à des forces de pays n'appartenant pas à structure militaire intégrée, comme la France et l'Espagne, ou même n'appartenant pas à l'Alliance, comme par exemple les nouvelles démocraties d'Europe centrale ou les pays nordiques. L'Alliance doit constituer le lieu essentiel de la consultation entre Européens et Nord-Américains, pour les grandes questions affectant directement la sécurité des Etats membres. Ce dialogue va donc au-delà des thèmes traditionnels de la défense commune contre des agressions et ne saurait ignorer les nouveaux risques auxquels les Alliés peuvent être Enfin, une ouverture accrue en direction des autres pays européens, en particulier les Etats d'Europe centrale et orientale, doit être organisée et des actions de coopération intergouvernementale dans le domaine de la sécurité et de la défense encouragées. Cette orientation implique, comme on le verra plus de préciser le rôle et la finalité politique du Conseil de coopération nord-atlantique institué en 199 et de développer la coopération militaire avec ceux des Etats qui sont les plus désireux d'établir des relations concrètes avec et disposés assurer les obligations qu'elles impliquent. Ces différentes évolutions ne sont pas de nature à modifier notre situation militaire particulière au sein de principes posés en 1966 (non participation à l'organisation militaire intégrée, libre disposition de nos forces et de notre territoire, indépendance de notre force nucléaire, liberté d'appréciation des conditions de notre sécurité en période de crise, liberté de choix de nos moyens en cas action) continueront de guider nos relations avec 1' organisation militaire intégrée. Cette constance pas la France, comme elle le fait depuis 1991, de participer activement à la définition des grandes orientations concernant la rénovation de y compris en ce qui concerne l'adaptation de l'organisation militaire aux nouvelles missions. Il est en conséquence logique d'assurer la participation de la France aux réunions des instances de décision de dès lors que l'engagement des forces françaises et nos intérêts sont en cause. La présence du ministre de la Défense, au Conseil atlantique, outre celle du ministre des Affaires étrangères, celle du Chef des Armées au Comité militaire, sont désormais décidées au cas par cas par le Président de la République et Premier Ministre. Cette position est conforme notre volonté constante de renforcer, au sein de l'Alliance, le poids des enceintes multilatérales où chaque Etat s'exprime en pleine capacité. ## Un De Sécurité Élargi Incluant La Russie L'espace de sécurité européen rendu à sa plénitude par la disparition de l'affrontement Est-Ouest pose, au delà de la nécessaire adaptation des institutions ouest-européennes et atlantiques, de redoutables défis. Les Etats du centre et de l'est de l'Europe, confrontés à de multiples risques de crise, recherchent des garanties cadre de La Russie fait face à la fois au retour de ses armées sur le territoire national, à un immense bouleversement politique, économique et social, et à des incertitudes géopolitiques sur ses marches : le complexe ancestral d'encerclement resurgit, que contre-balance une volonté marquée de rejoindre la communauté des pays européens. La construction européenne, quant à elle, ne se limite, pas, à l'horizon d'une quinzaine d'années, aux frontières actuelles de l'Union Européenne. Plusieurs Etats naguère neutres, sont sur la voie de l'intégration européenne à relativement court terme (Autriche, Finlande, Suède) certains pays d'Europe centrale et orientale ont également vocation à entrer, à terme, dans l'Union Européenne et donc dans l'Union de l'Europe Occidentale. L'établissement d'un cadre de sécurité élargi pour le continent européen et adapté à la nouvelle donne paraît donc indispensable. Dans cette perspective, la France orientera son action à partir d'un certain nombre de principes : Les fondements de la sécurité en Europe ne sauraient reposer sur la division du continent en camps antagonistes. Tout doit donc être fait pour éviter la résurgence d'une partition de l'Europe et d'une logique de blocs, dont les auraient seulement été déplacées par rapport à la période de la guerre froide. La constitution ou l'extension d'alliances ne suffiraient pas à apporter une solution aux problèmes, notamment de frontières et de minorités, qui ont resurgi avec virulence et constituent des foyers potentiels de crises graves. Dans cet esprit, il convient d'établir clairement la Russie comme une puissance européenne, indispensable à l'équilibre et à la stabilité de l'Europe. Sa participation à la sécurité européenne rend nécessaire un cadre juridique et politique commun, pour ouvrir un dialogue où elle s'exprime dans sa pleine capacité et dans lequel ses intérêts stratégiques propres soient pris en compte. Une telle évolution sera d'autant mieux assurée que sera reconnue sans la légitimité de la construction européenne par tous les acteurs sur le continent, y compris la Russie. Cela implique, en particulier, que celle-ci n'oppose pas d'obstacle politique, ni stratégique à l'extension de l'Union Européenne. L'objectif de l'intégration européenne est en effet une composante essentielle de la paix et de la stabilité à long terme en Europe. Les instruments multilatéraux qui serviront à la définition de ce nouveau cadre de sécurité sont connus, sans qu'il soit encore possible à ce stade de dessiner ce dernier avec précision. La Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) est le lieu par excellence d'un dialogue politique entre égaux, à Etat, de tous les pays européens. Le besoin de sécurité de chacun y est reconnu comme légitime et les principes de la coopération et de la transparence sont posés. L'initiative française, reprise par l'Union Européenne, d'un Pacte de stabilité destiné à prévenir les différends régionaux, en fait la gardienne des arrangements qui pourraient en résulter. Les efforts récents de l'Alliance Atlantique pour développer la coopération dans les domaines intéressant la défense avec les pays anciennement membres du Pacte de Varsovie et les Etats souverains issus de l'éclatement de l'union Soviétique peuvent donner un tour concret à l'ouverture nécessaire à l'échelle du continent. Ils permettront aux pays alliés, dans la phase de transition où nous sommes entrés, d'apporter les premières réponses au besoin légitime de sécurité exprimé par nombre d'Europe centrale et orientale, sans accroître initialement les facteurs de tension avec la Russie. L'élargissement à terme de l'Union Européenne justifie quant à lui une action spécifique de en direction des Etats qui ont vocation à y adhérer. La définition d'un statut particulier d'association va dans ce sens, de même que les coopérations nouvelles avec les pays d'Europe centrale, engagées par exemple y compris en commun par la France et l'Allemagne, sont appelées à se développer, On ne voit pas, en effet, comment, à long terme, l'espace économique de l'Union Européenne et l'espace concerné par une politique de sécurité et de défense commune pourraient ne pas se recouvrir. Une telle évolution n'est pas encore engagée. Mais la réflexion sur les obligations et responsabilités qui en découleraient, tant pour les nouveaux Etats que pour les membres actuels de l'Union Européenne et de doit être engagée de approfondie. Conformément à sa double vocation de composante de défense de l'Union Européenne et d'instrument de renforcement du pilier européen de l'Alliance, devra également favoriser entre ces rapprochements et l'évolution de l'Alliance. Enfin, du point de vue plus étroit de la mise en oeuvre à terme de la politique de défense l'objectif sera de préserver un processus de décision et une organisation de défense efficaces, qui sont une condition de la sécurité d'ensemble des Européens. ## 2 Conforter Le Role De L'Organisation Des Nations Unies L'Organisation des Nations Unies, dans le contexte de l'après-guerre froide, est appelée à jouer un rôle politique majeur, conforme à sa vocation telle qu'elle est définie dans la Charte, au service du maintien de la paix et de la sécurité internationale, en particulier pour la gestion des crises dans le monde. Encore faut-il définir avec précision l'étendue et les limites de ses possibilités et lui donner les moyens sa mission. Le Conseil de Sécurité est la seule autorité internationale habilitée à décider de mesures de contrainte ou d'emploi de la force à l'égard d'un Etat, en dehors des actions de légitime défense individuelle ou collective relevant de l'article 51 de la Charte. Cette compétence universelle reconnue en fait une instance légitime vers laquelle se tournent naturellement les Etats, les organisations, parfois les peuples. L'action de la France, membre permanent du Conseil de Sécurité, doit tendre à conforter son influence, à lui permettre de faire face à des responsabilités accrues, contribuant ainsi à faire progresser, dans la communauté internationale, les principes de droit qu'elle cherche à promouvoir. La France s'efforcera de favoriser la prise en compte par le Conseil de Sécurité des risques nouveaux ou devenus plus aigus pour la sécurité internationale, en particulier la prolifération des armes de destruction massive. Celle-ci fait déjà l'objet d'une déclaration du Conseil réuni en session spéciale des Chefs et de Gouvernement, le 3 1 janvier 1992. La révélation de l'ampleur des programmes irakiens et l'application des mesures de destruction de ce potentiel, prévues par la résolution 687 du Conseil de Sécurité, ont montré l'utilité pour ce dernier de disposer directement, lorsque nécessaire, de moyens souples et efficaces d'évaluation du renseignement et d'expertise dans ces domaines. Il convient aussi d'améliorer notablement le conseil et l'assistance dont bénéficie le Conseil de Sécurité dans le domaine militaire proprement dit. Le Comité major prévu par l'article 47 de Charte des Nations Unies n'a jamais été réuni. Quelles que soient les décisions qui seront prises à cet égard dans l'avenir, le Conseil de Sécurité et le Secrétaire Général des Nations Unies doivent bénéficier d'une expertise militaire accrue. Les opérations de maintien de la paix placées sous l'égide des Nations Unies ou directement assurées par elles se sont en effet non seulement multipliées mais aussi modifiées dans leur ampleur et dans leur objet depuis quelques années. Le temps n'est plus où la mission des Casques Bleus était limitée à des tâches relativement simples à définir, si ce n'est à exécuter, dont le prototype était la surveillance d'une ligne de cessez-le-feu après interruption des combats. A ces opérations s'ajoutent désormais des mandats beaucoup plus complexes, allant de la remise en état d'un pays jusqu'à sa mise sous tutelle provisoire, dans des environnements de conflit ouvert, de guerres ou de guérillas urbaines, et faisant appel parfois à plusieurs dizaines de milliers de soldats. Les missions assignées à ceux-ci évoluent également et le Conseil de Sécurité recourt plus au cadre du chapitre VII de la Charte, autorisant, dans certaines conditions, le recours à la force armée pour la protection des Casques Bleus ou même l'accomplissement du mandat. Néanmoins, le cadre naturel des que prend à sa charge reste davantage le maintien de la paix par toutes les ressources du consensus et des moyens de règlement pacifique (chapitre VI de la Charte). La politique de la France conjugue trois orientations : assurer l'autorité politique du Conseil de Sécurité sur les missions placés sous l'égide de et promouvoir une meilleure articulation des responsabilités entre l'échelon politique en charge des opérations de maintien de la paix et celui qui assure leur mise en oeuvre par des moyens militaires renforcer l'expertise militaire mise à la disposition du Conseil de Sécurité subordonner la participation d'unités françaises à des opérations des Nations Unies à des conditions politiques et d'organisation précises. Le souhait de la France, pour les opérations placées sous l'égide ou la responsabilité directe des Nations Unies, est que le Conseil de sécurité exerce son autorité et sa capacité de contrôle politiques aux divers stades d'une opération : conception et approbation du mandat, grandes étapes de sa mise en oeuvre, contrôle de son exécution. Chaque Etat membre sera alors en mesure, à un haut niveau politique, de faire valoir sa volonté et de participer directement à. la définition et à l'application des missions. En outre, les pays contributeurs doivent pouvoir assurer par des réunions régulières un suivi permanent des missions où ils sont engagés. Les récentes expériences ont enfin montré qu'il est nécessaire que le Secrétaire Général dispose sur place, pour les opérations de quelque ampleur, d'un Représentant spécial nommé sur sa proposition. Selon les circonstances, le Conseil peut être amené confier la gestion de certaines crises à des organisations régionales telles que la CSCE, en Europe, et l'Organisation de Africaine (OUA), en Afrique, ou à des organisations politiques comme l'Union Européenne il peut encore recourir aux moyens d'organisations à vocation militaire, telles que ou Dans le premier cas, il s'agit d'une déconcentration de la responsabilité politique au profit d'ensembles régionaux reconnus par à même de prendre en compte les dimensions spécifiques d'une crise ou d'un conflit. Dans le second cas, la responsabilité politique reste assurée au niveau du Conseil de Sécurité, les organisations de défense n'étant chargées que de militaire. Ces développements sont à encourager dans la mesure où les sollicitations de se multiplient et où, dans certaines hypothèses, la réunion, le commandement et la coordination des moyens importants qui sont nécessaires dépassent les capacités de l'Organisation des Nations Unies proprement dite. Il apparaît cependant indispensable, face aux nouvelles tâches, d'augmenter ses capacités dans le domaine militaire. Les responsabilités et les compétences des conseillers militaires du Secrétaire Général, par exemple, doivent être accrues, ainsi que les moyens de communication, de suivi des crises, voire de planification de circonstance. La nécessité d'un renseignement fiable et rapide pour la conduite des opérations et la sécurité des Casques Bleus ne peut plus désormais être sous-estimée. Plus généralement, les préoccupations proprement militaires liées à la mise en oeuvre des mandats du Conseil de Sécurité doivent être davantage prises en compte et intégrées de façon plus précoce et continue dans ses travaux et ceux du Secrétariat Général. Il appartient aux pays contributeurs potentiels d'améliorer la préparation aux missions de maintien de la paix et le système de prévision de la mise à disposition de forces. Enfin la participation des forces françaises ne sera envisagée que si le mandat et l'opération répondent à certains critères politiques et militaires, qu'il importe de faire valoir dès la phase préalable de définition de la mission à : les objectifs politiques généraux et particuliers de l'opération devront être d'emblée fixés, constituer un cadre de référence sans équivoque pour tous les pays contributeurs, et une perspective claire pour les responsables militaires sur le terrain il convient que le principe et le niveau de notre engagement correspondent à la hiérarchie de nos priorités stratégiques et des intérêts que nous entendons défendre dans le monde la répartition des responsabilités entre les représentants politiques de l'organisation et le commandement des forces, l'organisation de ce dernier, devront obéir à des règles mettant en évidence d'une part l'autorité du Secrétaire Général et de son représentant pour l'application générale du mandat et d'autre part les responsabilités propres du commandement militaire dans la conduite des aspects militaires des opérations la durée de la participation des unités françaises et les cas de retrait éventuel, si les conditions ayant prévalu lors de la décision initiale ne sont plus réunies, seront déterminés autant que possible dès l'origine par l'autorité politique nationale les modalités d'exécution des missions, en particulier les règles d'engagement, devront être approuvées au niveau politique, national et multinational. Ces dispositions permettront de donner une assise solide et cohérente à nos engagements et renforceront l'efficacité, donc l'autorité, de l'Organisation des Nations Unies. Elles conditionnent notre participation active, sur une base nationale, ou dans le cadre de coalitions ou d'organismes militaires, à la mise en oeuvre des décisions du. Conseil de Sécurité. La politique volontariste que la France préconise au service de la paix et du droit s'inscrit ainsi dans le cadre multilatéral qui lui confère toute sa légitimité. ## 3 La Cooperation Bilaterale Et Les Accords De Defense Si la politique de défense se définit de plus en plus en cohérence avec des choix multilatéraux, voire multinationaux, l'existence d'un réseau diplomatique particulièrement dense, d'accords bilatéraux de coopération militaire et d'accords de défense continuera d'être pour la France un instrument important. Utiles, selon le cas, à la sécurité des Etats, à la stabilité de certaines régions comme en Afrique, ou à la modernisation des appareils de défense, les accords bilatéraux sont appelés à connaître des réorientations. La nature des engagements à Etat dans les accords de défense n'est pas en cause, mais un accent nouveau sera mis, s'agissant de la coopération, sur l'adaptation des systèmes militaires à de droit et, au plan géographique, sur les relations avec les pays d'Europe centrale et orientale. Dans certaines zones, le prépositionnement de forces régi par un accord bilatéral permet de manifester clairement notre engagement et notre solidarité et de défendre nos intérêts, par exemple une ligne de communication, tout en contribuant à la prévention et à la résolution des conflits, indispensable au développement économique des pays concernés. En outre, dans nombre de pays d'Afrique, la présence de missions militaires de coopération constitue par nature un moyen de prévention et une forme de prépositionnement. En cas de crises, elles peuvent remplir une mission d'alerte et de protection de nos ressortissants. Les crises que traverse l'Afrique et les incertitudes considérables qui caractérisent son avenir pourraient inciter à un certain désengagement. Mais il convient de réaffirmer le caractère permanent de notre intérêt pour le continent. La présence d'unités, même si des redéploiements peuvent paraître opportuns sur une longue période, reste nécessaire. Elle permet de surveiller les risques de crise et d'en limiter l'ampleur, le cas échéant, par des interventions rapides et limitées. Par ailleurs, la sensibilisation des armées africaines au respect de de droit, leur déflation souvent nécessaire, la constitution ou la reconstitution de forces de sécurité garantes de l'ordre public sont des priorités. Cette action est essentielle pour permettre l'évolution vers la démocratie et le développement. Les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale, avec lesquelles une série d'accords bilatéraux a été conclue en quelques années, bénéficieront d'une plus grande priorité dans l'allocation des ressources de la coopération militaire. La part de l'aide militaire qui leur est actuellement consacrée représente en effet, en 1993, moins de 2 % du montant global des dépenses nationales de coopération militaire. L'intensification des relations entre les forces armées et les ministères de la défense de ces pays et les nôtres, la multiplication des liens concrets à tous les niveaux, les entraînements et exercices conjoints sont autant d'éléments de nature à conforter dans le temps à la fois l'évolution démocratique des appareils de défense de ces pays et le sentiment de solidarité entre la France et ces Etats. Enfin, il faut relever que, dans d'autres régions du monde, des Etats sollicitent de la France la conclusion d'accords de défense ou l'obtention de garanties de sécurité. Il est vrai que la stabilité de certaines régions sensibles a un prix, tout comme l'objectif de maintien des armements au plus bas niveau possible. La réponse à de telles demandes dépend à chaque fois de l'analyse de nos intérêts stratégiques, des conditions de la sécurité internationale propres à la région et du poids des obligations qui en résultent. Il convient également de tenir compte, s'agissant des zones d'intérêt stratégique, de l'équilibre et de la complémentarité, pour faire face aux besoins opérationnels éventuels, entre le prépositionnement de moyens et la densité de nos capacités de projection de force. ## 4 Les Accords De Maitrise Des Armements, De Desarmement Et De Lutte Contre La Proliferation. La maîtrise des armements a longtemps été au centre des relations Est-Ouest. Baromètre de l'évolution de ces relations, les accords de maîtrise et de réduction des armements ont connu durant ces dernières années de grands succès avec la conclusion successive d'accords d'une portée naguère inconcevable et ce, dans tous les domaines : armes nucléaires, armements chimiques et conventionnels, mesures de confiance. Du fait même de leur succès, et parce qu'ils s'inscrivent dans un contexte de changement radical des données stratégiques, les accords ou régimes de maîtrise des armements, de désarmement et de lutte contre la prolifération se trouvent aujourd'hui à la croisée des chemins. ## Une Phase D'Incertitudes La phase très active allant de 1987 (accord soviéto-américain sur les forces nucléaires intermédiaires) à janvier 1993 (signature de la convention d'interdiction des armes chimiques à Paris du Traité START II entre Russes et Américains) a correspondu à un moment d'équilibre particulier entre les nations et à la recherche de mesures de stabilité politique et militaire. Elle semble pour un temps suspendue. Une "course au désarmement" hâtive, qui ne tiendrait compte ni de l'application effective des engagements souscrits, ni du contexte international actuel, pourrait en effet être rapidement vouée à l'échec, voire conduire à des déséquilibres d'un type nouveau. De fait, s'ils sont le signe d'une volonté politique certaine de réduire les risques d'affrontement et s'ils participent, par eux-mêmes, au développement d'une sécurité collective fondée sur la coopération, les accords internationaux ambitieux de désarmement restent encore à appliquer. Or, les difficultés ne manquent pas. Qu'il s'agisse des accords russe-américains, START sur les armes nucléaires ou de la convention sur les armes chimiques, les engagés seront longs. Ce n'est que lorsqu'ils auront produit des effets significatifs et lorsqu'il sera possible d'en dresser un premier bilan, que l'on pourra aller utilement de l'avant, en identifiant les domaines où faire porter de nouveaux efforts de désarmement. Par ailleurs, dans plusieurs domaines de la lutte contre la prolifération, tous les Etats directement concernés ne sont pas parties aux conventions en cause (Convention sur les armes chimiques, TNP pour le nucléaire). Le désarmement a un coût élevé. Il implique, pour les pays les plus armés, comme la Russie, un effort financier considérable, portant à la fois sur les destructions et sur la réorientation d'une partie du secteur productif. C'est un investissement à long terme. Dans le court terme, il suscite des résistances : l'application de la première période de réductions, au titre du Traité sur les Forces Conventionnelles en Europe, a donné lieu à des revendications sur le nécessaire partage du fardeau des destructions entre pays riches et pays "en voie de transition". Dans le cadre de la convention sur les armes chimiques, le même type de revendication apparaît, qui tend à imputer à certains Etats, dont la France, la charge de la destruction d'armes dont ils ont toujours dénoncé l'accumulation. Certaines des évolutions politiques qui résultent de la recomposition de l'Europe ont également des conséquences. Le sort qui sera finalement réservé aux armes nucléaires déployées en Ukraine aura une influence sur l'économie des accords. De même, les normes de réductions du Traité FCE peuvent être appelées à des modifications : l'Ukraine, pour laquelle il est prévu un nombre de chars près de cinq fois plus élevé que celui retenu pour la France, sera peut être amenée dans le cadre du Traité à réduire encore à l'avenir le niveau de ses forces. Les processus de désarmement doivent être strictement contrôlés afin d'en assurer la réalité. Il faut également veiller à leur sécurité et éviter tout risque de "fuite" et de dissémination des armes ou des technologies. Les réalisations de quelques pays proliférants ont montré certaines limites des instruments de contrôle des transferts de technologie nucléaire, même si ceux-ci constituent un frein. De même, en raison du caractère dual des activités biologiques et bactériologiques, le contrôle prévu dans la convention de 1972 n'a pas vraiment de prise sur les pays proliférants. ## . Des Réorientations L'existence d'une menace majeure et bien définie, le souci de l'équilibre des forces entre deux alliances opposées ne peuvent plus servir de fil directeur à une politique de maîtrise des armements. Celle-ci dépend désormais de lignes de clivage beaucoup plus complexes. Les rapports entre le Nord et le Sud qui, pour beaucoup, devaient se substituer rapidement à l'affrontement Est-Ouest, ne sauraient constituer un cadre de référence de rechange. La menace de la prolifération n'obéit pas à une logique géographique ni politique simple, elle exige d'être traitée au niveau mondial. Elle nécessite une coopération internationale. La recherche d'accords progressivement plus contraignants sur le plan juridique doit s'accompagner de politiques agréées et coordonnées, à la fois entre les Etats détenant les technologies sensibles et entre ces Etats et ceux qui pourraient être tentés par une politique de prolifération. Un cercle proprement européen en matière de maîtrise des armements sera par ailleurs maintenu, il contribuera à une forme d'assurance de sécurité pour les anciens alliés de l'URSS et à la préservation de la stabilité militaire en Europe centrale et balkanique. La stabilité militaire et l'équilibre des forces dans certaines sous-régions précises, aux Balkans, dans le Caucase, peuvent en être renforcées. Enfin, une attention particulière sera portée aux crises et aux conflits régionaux. L'adoption hors d'Europe d'outils développés au sein de la CSCE (mesures de confiance, limitation des équipements militaires majeurs, prévention des crises) peut offrir, selon des formules adaptées aux circonstances locales, une contribution à la stabilisation de situations de crise et à la prévention de leur extension. Les réflexions dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient intègrent cette dimension. ## . Des Outils Nouveaux Les traités existants devront prendre en compte l'évolution de négociations en cours (par exemple : exercice d'harmonisation des accords FCE, situation de l'Ukraine et accords START) et être complétés dans des domaines aujourd'hui encore marginaux : armes dites inhumaines, modifications de l'environnement dans un but agressif etc. Le développement des activités spatiales militaires appelle probablement l'adoption de mesures de transparence et de confiance pour éviter de voir l'espace entrer à son tour dans une course aux armements. Les données nouvelles de la situation internationale et la priorité qui s'attache à la lutte contre la prolifération permettent d'envisager favorablement l'élaboration d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires à condition qu'il soit universel et vérifiable, tout en s'assurant qu'il ne fait pas obstacle au maintien de la crédibilité de notre dissuasion. La mise en oeuvre des accords conclus ces dernières années suppose la bonne application des mesures de vérification et de renforcement de la confiance, comme le Traité Ciel Ouvert. Une grande priorité dans les efforts internationaux doit, on le voit, être accordée à la transparence et à la vérification. L'effort de transparence permet de mieux connaître les intentions, en matière de défense, des pays qui y participent. Il a un début d'application universelle avec la création du Registre de sur les transferts d'armes qui à donné lieu à une première transmission d'information en avril 1993. Limitée pour l'instant à sept grandes catégories d'armes, la liste des informations à fournir sera vraisemblablement affinée et étendue. Des mesures plus contraignantes de restriction des transferts, au nom de la lutte contre les accumulations excessives d'armes, sont à envisager. Le rôle de la vérification dans l'application effective des accords est désormais largement reconnu. Prévue dans les documents de la CSCE parmi les mesures destinées à renforcer la confiance, elle fait l'objet de procédures très précises et contraignantes dans les accords de maîtrise des armements conventionnels (FCE) ou nucléaires START). En ce qui concerne la prolifération, elle constitue un véritable défi. Les contrôles doivent porter prioritairement sur les matières nucléaires, les laboratoires, les transferts de chercheurs et d'ingénieurs, les ventes ou cession de vecteurs et de certains produits chimiques sensibles. Afin de rendre les contrôles plus efficaces, l'extension des moyens des organismes internationaux, malgré leurs limites, est une évolution nécessaire. Un organisme international spécifique a été créé pour l'application de la convention sur les armes chimiques. La constitution sur demande d'équipes spécialisées au profit du Conseil de sécurité est une solution bien adaptée. Pour la prolifération balistique, outre un renforcement des dispositions du régime MTCR, une transparence accrue et la surveillance par les échanges d'informations et les moyens techniques des grands programmes de missiles dans le monde sont hautement souhaitables. Il faut cependant souligner que la vérification, surtout lorsqu'elle porte sur des instruments de maîtrise des armements impliquant un grand nombre de pays, est extrêmement coûteuse. Ce coût peut avoir un effet dissuasif et faire hésiter certains Etats à s'engager dans cette voie. Ainsi, peuvent s'expliquer, en partie, les réticences rencontrées à l'occasion de la mise au point de nouvelles conventions. Les demandes de partage des coûts devront à l'avenir être prises en compte. ![54_image_0.png](54_image_0.png) a théorie des ensembles appliquée à l'Europe des Alliance # 2Ème Partie Strategies Et Capacites Chapitre 4 : La stratégie de défense La France ne se connaît pas aujourd'hui d'adversaire désigné. Sa stratégie reste par essence défensive. Le de la guerre ou de la bataille conventionnelle et nucléaire qui fonde la doctrine de dissuasion continuera de l'inspirer. Il reste l'une des bases du consensus national indispensable en matière de défense. Mais notre stratégie de défense, fondée sur la dissuasion nucléaire, a été au coeur de la guerre froide, au plus fort de la division bipolaire du monde, dont elle rejetait d'ailleurs le principe. Il est donc naturel de s'interroger sur sa validité et son évolution éventuelle, compte tenu des nouvelles données de l'environnement stratégique. L'avenir de la dissuasion et les modalités de notre autonomie stratégique sont au coeur de cette réflexion. Les objectifs assignés à notre système de défense dans ce contexte conduisent à certaines mutations dans nos concepts, notamment en ce qui concerne la place respective des armes nucléaires et conventionnelles. La diversifïcation des menaces et des risques amène par ailleurs à définir les principales hypothèses d'engagement de nos forces. Celles-ci permettent d'affiner les analyses stratégiques et opérationnelles. Les missions des forces armées se déduisent de cet ensemble. ## 1 Une Strategie Renouvelee Nos moyens de défense auront à faire face à des scénarios beaucoup plus divers que dans le passé, souvent différents de ceux pour lesquels ils ont été jusqu'ici. Il importe de définir un modèle général conforme à nos objectifs et adapté à la nouvelle donne. Les évolutions stratégiques ne modifient pas les principes de la dissuasion nucléaire, mais peuvent influer sur notre posture et nos besoins. Surtout, un équilibre différent se dessine entre la dissuasion et l'action dans les missions de nos forces, qui modifie en partie le rôle des moyens conventionnels. ## 1.1. Principes Un Modèle De Défense Équilibré La stratégie de défense a pour finalité, conformément aux objectifs définis précédemment, d'assurer la défense des intérêts vitaux de la France, de conforter son choix européen et de répondre à sa vocation internationale. Puissance à la fois et maritime, notre pays doit être en mesure de défendre ses intérêts, seul ou en participation, dans de nombreuses régions du monde, sans pour autant prétendre à une capacité d'action globale. Cela résulte tout la fois de la situation géographique de notre pays, de la nature de ses besoins stratégiques et de ses responsabilités de puissance. Ces objectifs fondamentaux conduisent au choix d'un modèle équilibré qui écarte deux extrêmes. D'une part, celui stratégie axée exclusivement sur la sanctuarisation du territoire national. Cette option de repli serait en théorie concevable après la détente résultant du reflux des armées de l'ex-URSS. Mais elle impliquerait un large renoncement à la vocation de la France et son rang. D'autre part, une option orientée exclusivement sur des missions de maintien de la paix et de l'ordre international. Elle déboucherait sur un modèle de "corps expéditionnaire", reposant sur deux hypothèses incertaines ou dangereuses : le choix par la nation d'une politique et l'idée que tout risque de voir réapparaître une menace majeure contre l'Europe occidentale a disparu. De fait, cette stratégie effacerait progressivement la dissuasion nucléaire du concept de défense et conduirait à s'en remettre pour notre défense aux seules garanties de l'Alliance Atlantique, créant des dépendances contraires au principe de notre autonomie stratégique. Seul un modèle équilibré, notre indépendance et permettant notre participation à la stabilité internationale, paraît à même de répondre aux intérêts et ambitions de notre pays dans l'environnement mouvant qui caractérise l'ère stratégique nouvelle. doit prendre en compte rapidement ses principales caractéristiques. ## Des Facteurs Nouveaux Au-delà de la diversité et du caractère souvent imprévisible des crises, il faut surtout relever les traits suivants : à l'attente et à la préparation de l'affrontement majeur, la prévention et la gestion de crises longues, d'intensités variables, dominent désormais, requérant des instruments que nous ne possédons pas toujours ; les crises et les opérations, du fait de l'éloignement des menaces, se déroulent plus souvent à une distance importante du territoire national cette évolution est lourde de conséquences, par exemple en ce qui concerne le choix de nos moyens ou la nature des relations à établir, le cas échéant, entre les forces qui seraient projetées et notre dissuasion nucléaire la plupart des conflits ne semblent pas cependant devoir revêtir, au moins au départ, une forme mettant en cause nos intérêts vitaux, même si les risques d'enchaînement ne sauraient être négligés nos moyens de prévention et d'action seront employés, dans la très grande majorité des cas, de concert avec nos partenaires ou alliés, dans des ensembles multinationaux ; la prolifération d'armes de destruction massive peut rendre nécessaire au fil du temps des stratégies et des mesures de protection spécifiques. Ces nouvelles caractéristiques appellent des de notre stratégie militaire et de notre système de forces. ## Une Nouvelle Complémentarité Entre Dissuasion Et Action Le choix fondamental de la France, en 1959, en faveur de la stratégie nucléaire reposait sur un double fondement : le souhait de protéger nos intérêts vitaux contre les menaces de pays plus puissants ; le souci d'assurer en toutes circonstances notre indépendance et notre liberté d'action politique. Ces deux motivations sont affectées par l'évolution internationale récente. La première, en raison de la disparition de l'Union Soviétique, semble devenue moins pressante. La seconde devient primordiale. La détention d'un armement nucléaire indépendant, adapté autant que nécessaire aux risques stratégiques qui prévaudront dans les années à venir, demeurera un moyen essentiel pour la France de disposer de la marge de liberté dont elle a besoin pour défendre ses intérêts. L'indépendance nationale, celle de l'Europe à l'avenir, sont sans nul doute attachées la possession de telles armes. Mais les conditions de l'autonomie stratégique peuvent se modifier partiellement. Dans les dix années qui viennent, celle-ci ne reposera plus seulement sur dissuasion nucléaire, le rôle de ces armes devenant, fût-ce temporairement, moins central, pour au moins deux raisons D'une des menaces contre nos Pntérêts vitaux se sont estompées ou éloignées. D'autre part, les moyens des armées sont et seront, néanmoins, fortement sollicités pour des missions extérieures de prévention de règlement des crises, sans risque direct d'escalade nucléaire ni perspective de guerre totale. Une telle évolution conduit à tirer deux séries de conséquences Notre autonomie sera dans ce cadre de en tributaire de notre à maîtriser auelaues fonctions clés, hors nucléaire proprement dit : l'intelligence des situations, notamment par le renseignement qui permet la prévision et l'appréciation autonome des événements et donne ainsi la capacité de décider rapidement, en opérant des choix éclairés la maîtrise des situations complexes, où se mêlent les dimensions politiques, militaires et régionales du point de vue de la stratégie, les dimensions multinationales et interarmées dans le domaine militaire la mobilité stratégique, pour être libre de nos mouvements, et pouvoir projeter les forces en temps utile au bon endroit. L'articulation entre les movens nucléaires et les movens conventionnels est annelée à évoluer. Dans la conception de 1972, les moyens militaires classiques mêmes s'intégraient dans la manoeuvre générale de la dissuasion, les forces nucléaires et conventionnelles étant en particulier très étroitement associées dans le scénario, majeur, d'engagement total en Europe. Les capacités conventionnelles avaient été dimensionnées et organisées d'abord pour constituer le volet non immédiatement nucléaire de la dissuasion, ensuite seulement pour faire face à la défense de nos intérêts et de nos engagements dans le monde. Les priorités dans la défmition du rôle des armes conventionnelles sont désormais inversées par rapport à la définition du Livre Blanc de 1972, du fait de l'évolution géostratégique. Ainsi chaque catégorie d'armement connaît une évolution : les systèmes nucléaires doivent garantir la crédibilité de la dissuasion dans des circonstances plus diversifiées que naguère les moyens conventionnels sont appelés à jouer dans certains cas un rôle stratégique propre. Dès lors que les intérêts vitaux de la France ne sont plus menacés de immédiate mais qu'en revanche ceux de la communauté internationale dont dépend notre sécurité le sont, il n'est pas anormal que les forces conventionnelles engagées au service de la sécurité collective tendent à occuper une place plus centrale. A la limite, la dissuasion nucléaire, dans ces cas de figure, garantit que les forces conventionnelles ne seront pas contournées : le rôle que celles-ci avaient pendant la guerre est alors joué par les forces nucléaires il n'y a pas de rupture dans la stratégie, mais évolution des rôles respectifs des moyens nucléaires et des moyens conventionnels en fonction des scénarios. L'association de la dissuasion et de l'action dans notre de défense semble ainsi évoluer vers un nouvel éauilibre. L'accent, dans le nouveau contexte, est mis davantage sur le second terme mais, dans le même temps, des limites sont posées face à la multiplication des risques d'intervention : une hiérarchisation claire des priorités doit être respectée dans la défense extérieure de nos intérêts, au premier rang desquels les intérêts vitaux et stratégiques ; la dissuasion elle-même reste la base de notre stratégie l'accent sera également mis sur la prévention dans le concept de défense. ## 1.2. La Dissuasion Nucléaire La dissuasion nucléaire repose sur la perception par tout adversaire des risques inacceptables, hors de proportion avec l'enjeu du conflit, qu'entraînerait une agression contre notre pays. L'intensité des effets destructeurs de l'arme nucléaire, la terreur qu'elle inspire, ont donné à la notion militaire classique de dissuasion une portée stratégique radicale, auparavant inconnue. C'est pourquoi la stratégie nucléaire française est une stratégie de dissuasion, rejetant toute confusion entre dissuasion et emploi. ## . Evolution Du Contexte Avant de décrire plus précisément le concept retenu, il est utile de mesurer l'impact éventuel des principaux changements de l'environnement international sur notre politique et notre stratégie nucléaires militaires. Les plus généralement invoqués concernent l'évolution des menaces après la disparition de l'Union Soviétique, les promesses du désarmement, les perspectives du projet européen et les progrès des armes conventionnelles. L'évolution des menaces et des risaues. La guerre froide est terminée mais l'ère nucléaire continue. Notre force nucléaire était centrée sur la menace conventionnelle et nucléaire représentée par l'Union Soviétique et le Pacte de Varsovie, et les caractéristiques de nos systèmes, toujours établis selon une appréciation de suffisance, ont été essentiellement en fonction des systèmes défensifs de cet Etat. Cette justification centrale peut sembler moins pertinente. La Russie est aujourd'hui un facteur d'incertitudes et de risques, non une menace. Pour autant, nous ne saurions ignorer la permanence d'un potentiel surpuissant à l'est du continent européen. Cet arsenal est d'ailleurs, à l'heure actuelle, partiellement réparti entre plusieurs Etats, ce qui est plutôt un facteur d'augmentation que de diminution du risque. Des risques nouveaux sont susceptibles de se concrétiser au début du siècle prochain avec la prolifération. Il existe une forte probabilité qu'un nombre restreint poursuivent leurs travaux et parviennent alors, malgré les contrôles internationaux, à la capacité nucléaire. La. détention, par des puissances moyennes, d'armes rudimentaires capables d'atteindre le territoire européen, une zone d'intérêt stratégique ou des forces projetées à l'extérieur, doit être envisagée dès à présent. Il faut par ailleurs tenir compte des risques que pourrait représenter, pour nos intérêts vitaux, la prolifération d'armes de destruction massive, ou biologiques. Cette évolution n'entraîne en elle-même aucun changement doctrinal de notre part. Il s'agit toujours de dissuader l'adversaire par la menace de dommages inacceptables. La dissuasion, pour conserver sa pertinence et son efficacité, doit pouvoir rester crédible dans tous les cas de figure. Les scénarios dans lesquels elle peut être amenée à s'exercer se diversifient : rapport avec des grandes puissances actuelles ou nouvelles, rapport avec des puissances régionales qui viendraient à mettre en cause nos intérêts vitaux. Les du désarmement. Celui-ci bénéficie d'abord en profondeur au continent européen, lieu d'accumulation de formidables arsenaux pendant quarante ans. Les armements nucléaires tactiques sol-sol, les potentiels conventionnels, les armes chimiques ont fait l'objet de décisions de réduction ou d'élimination selon le cas. Les arsenaux centraux américain et russe sont eux-mêmes touchés, en particulier par les accords Start II. Si elles sont appliquées, les décisions des deux puissances qui avaient enclenché le surarrnement nucléaire aboutiront à une diminution de 70% du nombre de leurs armes stratégiques pour atteindre les chiffres de 3 000 à 3 500 têtes. La structure des arsenaux serait durablement affectée, avec la suppression et l'interdiction des missiles balistiques sol-sol à têtes multiples guidées indépendamment ainsi que des missiles stratégiques mobiles. L'évolution de la gamme des engins dits "tactiques" est plus difficile à évaluer, car elle ne fait pas l'objet d'engagement contractuel. Pour souhaitable qu'elle soit, une telle évolution n'aurait pas d'incidence sur le volume de nos propres forces. Celui-ci, conformément au principe de est déterminé par la capacité d'infliger des dommages inacceptables à n'importe quel agresseur et non par un souci d'équilibre entre qui n'a guère de sens s'agissant des armes nucléaires. Si ce volume peut varier en fonction de la densité et de l'efficacité des systèmes de défense à traverser, il n'est en aucun cas proportionnel à la taille de l'arsenal offensif adverse. Le projet européen. La problématique d'une doctrine nucléaire européenne est appelée à devenir une des questions majeures de la construction d'une défense européenne commune. L'acuité du sujet s'affirmera à mesure que l'Union Européenne réalisera son identité politique en même temps que son identité de sécurité et de défense. Une telle perspective demeure éloignée, mais ne doit pas être perdue de vue. Avec le nucléaire, en effet, l'autonomie de l'Europe en matière de défense est possible. Sans lui, elle est exclue. Le dialogue engagé avec la Grande-Bretagne, qui a commencé de prendre en compte cette dimension, doit être poursuivi et approfondi. Cela n'exclut pas des échanges avec d'autres partenaires. Il n'y aura cependant de doctrine nucléaire européenne, de dissuasion européenne, que lorsqu'il y aura des intérêts vitaux européens, considérés comme tels par les Européens et compris comme tels par les autres. D'ici là, la France n'entend diluer les moyens de sa défense nationale en un tel domaine sous aucun prétexte. Le succès des thèses sur la "dissuasion conventionnelle". Elles reposent sur l'idée que certaines technologies classiques sophistiquées conféreraient à ceux qui les détiennent une supériorité radicale, permettant de minorer à l'extrême, voire d'éliminer la part du nucléaire dans les défenses. Il est illusoire et dangereux de prétendre qu'elles pourraient avoir pour effet, comme les armes nucléaires, d'empêcher la guerre. Toutes les de plaident en sens opposé. Ces conceptions valorisent les rapports de forces conventionnelles, par nature instables et fondés sur des stratégies d'emploi, de préparation et de conduite de la guerre. Elles suggèrent la possibilité de résoudre les problèmes internationaux par l'emploi de la force et entraînent la course aux armements. Elles ne sont pas compatibles avec notre stratégie. Loin de se substituer à la dissuasion nucléaire, une dissuasion dite conventionnelle ne ferait que s'y ajouter. Cela ne signifie par pour autant qu'un nouveau rôle pour les moyens non nucléaires ne soit, comme on l'a dit, à préciser. ## Concept De Dissuasion L'analyse des évolutions qui viennent d'être décrites conduit à à la fois la pertinence du concept de dissuasion et le bien-fondé du choix fiançais en faveur de l'armement nucléaire. La nécessité de disposer d'armes nucléaires dans le nouveau contexte stratégique demeure, au plan politique comme un élément majeur de l'indépendance de la France, au plan militaire face à des risques moins immédiats que naguère, plus diffus et variés, mais persistants ou peut-être croissants sur la période prévisible. En outre, l'arme nucléaire reste le moyen de pallier, si nécessaire, d'éventuelles insuffisances dans d'autres domaines et permet d'éviter une "course aux armements conventionnels", contraire notre politique de défense et insupportable sur le plan Le continuera de se définir la volonté et la de faire redouter à un adversaire, auel soit et auels aue soient ses des dommages hors de nronortion avec l'enieu d'un conflit. s'il cherche à s'en à nos intérêts vitaux. Seules les armes nucléaires ont aujourd'hui une telle capacité en raison de leur pouvoir destructeur et imparable. C'est pourquoi elles ont aussi pour vertu d'empêcher la guerre générale, de "rendre inconcevable le recours à la guerre totale comme moyen actif de la politique" (Livre Blanc 1972). Notre dispositif de dissuasion doit être réservé à la protection de nos intérêts vitaux, quelles que soient l'origine et la forme de la menace. Il n'y a pas lieu de donner une définition trop précise de ces intérêts (cf chapitre 2) qui relèvent de la liberté d'appréciation des plus hautes autorités de Néanmoins, le libre exercice de notre souveraineté, l'intégrité du territoire national, de ses dépendances et de ses approches aériennes et maritimes en constituent le coeur. En contrepartie de cette incertitude, nous devons disposer d'une capacité de marquer, le moment venu, dans des situations diverses, la limite de ces intérêts vitaux et de rappeler sans ambiguïté notre détermination : c'est le rôle de l'ultime avertissement. Tel qu'il vient d'être rappelé, le concept de dissuasion est inchangé. Il suppose, quelles que soient les évolutions géostratégiques, le maintien d'une double crédibilité, politiaue et Tout adversaire doit acquérir la conviction que l'autorité politique est en mesure de le menacer de façon crédible de recourir à une frappe insupportable pour lui au regard de l'enjeu. L'autorité politique française doit disposer à tout moment des moyens nécessaires et à la fois sûrs et adaptés aux diverses situations auxquelles elle peut avoir à faire face. Cela peut impliquer notamment que ces moyens soient toujours au-dessus du seuil de suffisance par rapport à la menace, afin d'éviter que l'autorité politique ne se trouve dans une impasse et paralysée. Le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire dans notre politique de défense va de pair avec la de notre capacité d'évolution technologique, en fonction de l'adaptation aux variations du contexte international ou des mutations scientifiques et techniques. A défaut, la crédibilité à long terme de la dissuasion serait certainement compromise. Dans ce cadre, le programme de simulation des essais constitue une priorité, déjà mise en oeuvre dans le budget de 1994, et qui devra être renforcée dans les années suivantes. ## Posture Des Forces Nucléaires Si les grands principes de la stratégie de dissuasion demeurent, dans la mesure où ils correspondent aux nécessités permanentes de l'ère nucléaire, il n'en va pas de même des moyens qui la servent et de leur posture. Il convient de tirer les conséquences générales sur nos moyens de la situation qui vient d'être décrite : les forces nucléaires doivent être capables en permanence de remplir deux fonctions : infliger une frappe occasionnant des dommages inacceptables et susceptible de s'exercer en second procéder à une frappe limitée sur des objectifs militaires en vue de l'ultime avertissement ; la crédibilité de notre posture dissuasive repose sur la disposition de moyens suffisamment souples et diversifiés, offrant, le moment venu, des options différenciées au Chef de la consistance de l'arsenal doit pouvoir s'adapter aux évolutions de la situation internationale, au progrès technique, à l'état des défenses d'adversaires potentiels, dans le respect du principe de suffisance les niveaux d'alerte, comme le nombre de sous-marins à la mer, sont modulés avec ceux des menaces. ## 1.3. Une Nouvelle Stratégie D'Emploi Des Moveys Conventionnels Une véritable conversion doit être ooérée nro-essivement dans le rôle des conventionnels. C'est désormais leur emploi en dehors d'un contexte nucléaire proprement dit qui domine, même s'il convient de prévoir, notamment au début du siècle prochain, des hypothèses où nous contribuerions à des interventions multinationales dans des crises où seraient impliquées des puissances nucléaires régionales, ou encore, à plus long terme, la réapparition d'une menace majeure contre l'Europe occidentale. La fonction d'interdiction du contournement de la dissuasion nucléaire est bien entendu maintenue, mais devient seconde par rapport à la capacité de participer à la résolution de crises régionales. C'est dire que les moyens conventionnels sont dorénavant définis d'abord par leur aptitude à contribuer à la prévention, à la limitation ou au règlement par la force, si nécessaire, de ces crises ou de conflits régionaux ne présentant pas le risque d'escalade aux extrêmes. Si ce dernier cas de figure se présente, ces mêmes moyens retrouvent leur fonction traditionnelle dans la manoeuvre de dissuasion, en matérialisant la volonté de défense de nos intérêts vitaux et en nous permettant de tester la détermination et les moyens de l'agresseur éventuel. Dans le cadre ainsi tracé, les moyens conventionnels sont appelés à jouer un rôle dans notre stratégie sous trois formes, la prévention, l'action et la protection. ## La Prévention Il s'agit d'un volet prioritaire de notre stratégie de défense, celui aussi où nos insuffisances sont sans doute les plus manifestes. La gamme des modes d'action est étendue : diplomatiques, économiques, politico-militaires, militaires, etc... Ces moyens peuvent être mis en oeuvre pour, en particulier prévenir l'apparition de situations potentiellement dangereuses et de menaces directes ou indirectes prévenir l'usage de la force contenir les crises et les conflits au plus bas niveau possible. Les moyens de prévention peuvent être distingués selon que l'on entend exercer une action à long terme, à moyen terme ou à court terme sur les risques de crises ou de conflits. . Leur prévention sur le long terme implique bien sûr de privilégiée des moyens non militaires. Le renforcement des accords de maîtrise des armements, de désarmement, de transparence et de vérification va, à l'évidence, dans ce sens. Du point de vue de la politique de défense, le développement, le déploiement et l'exploitation de moyens de renseignement apparaissent cruciaux pour la prévention, la prévision et la compréhension des conflits, l'évaluation de l'efficacité des stratégies de prévention, enfin la préparation et, le cas échéant, la conduite des actions. Le renseignement intervient de fait, à tous les stades. . Pour assurer une prévention sur le moyen terme, la coopération militaire technique et le prépositionnement de forces sont les principaux instruments pour la Défense. La pertinence du déploiement de nos forces prépositionnées par rapport à nos intérêts stratégiques ainsi que l'efficacité et les modalités de la coopération technique seront régulièrement réévaluées. . La prévention des crises à court terme, enfin, s'appuie sur l'activation progressive des moyens préposition&, sur des actions d'assistance opérationnelle avec, le cas échéant, la mise en oeuvre d'opérations spéciales, ainsi que la démonstration et la présence de moyens navals, aériens ou terrestres, permettant également d'exercer une menace d'intervention ou de rétorsion. Le recours à des forces prépositionnées ou déployées pour la circonstance peut s'utiliser à des fins dissuasives. En cas d'échec, la stratégie entre dans le domaine de l'action. ## . L'Action Les hypothèses d'emploi de nos forces et l'évolution du concept stratégique font ressortir des caractéristiques nouvelles par rapport à la période qui vient de s'achever : l'exigence croissante d'actions combinées sur le double plan interarmées et multinational l'importance de l'acquisition d'une marge de supériorité technologique dans le domaine conventionnel, qui résulte logiquement du découplage partiel entre les moyens conventionnels et nucléaires, caractéristique de la nouvelle donne l'apparition de missions d'un type nouveau, à l'occasion du rôle accru des opérations de maintien de la paix pour garantir la stabilité et la sécurité internationales ; ces missions requièrent des moyens spécialisés, adaptés à des contextes de de basse ou moyenne intensité, à mi-chemin entre la guerre ouverte et l'état de paix, dans des environnements souvent urbains et complexes. En ayant à l'esprit ces différents enseignements, plusieurs modalités d'action sont retenues : l'action militaire limitée vise à maintenir une crise ouverte ou naissante à son plus bas niveau possible, soit par une action préemptive, soit par des actes de rétorsion, permettant de réduire de façon significative le potentiel militaire adverse. Pour l'essentiel, de telles actions ne peuvent s'envisager que si elles sont entreprises sous l'égide d'une organisation internationale compétente pour autoriser un tel emploi de la force les actions de combat ou de en réponse à une agression ou à l'occasion d'une intervention extérieure sous mandat international ; les de maintien ou de rétablissement de la sous l'égide des Nations Unies ou d'organisations régionales telles que la CSCE, davantage apparentées à des actions de maintien de l'ordre, même complexes et périlleuses pour la vie des hommes, qu'à des actes de guerre. Dans tous ces cas, la française met l'accent sur la des forces armées à arrêter la à limiter un conflit, et non à soutenir des guerres conventionnelles longues, incertaines et coûteuses. ## La Protection La protection constitue une dimension de la stratégie de la France qui appelle également une modernisation. La protection du territoire national et de ses approches est une mission permanente des forces armées et un objectif constant de notre politique de défense. La prolifération des armes de destruction massive nucléaires, biologiques, chimiques, associées ou non à des vecteurs balistiques, posera des problèmes nouveaux à notre appareil de défense, tant pour la protection du territoire que pour celle des forces déployées à l'extérieur. Ce défi concerne d'ailleurs la plupart des pays européens et de l'Alliance atlantique. Les risques induits par les diverses formes de prolifération ne peuvent être combattus par un seul type de réponse. Il convient de faire appel à un spectre large de modes d'action, combinant des mesures de prévention, des sanctions internationales, l'exercice de la dissuasion et enfin l'emploi de certains moyens de défense proprement dits. Un équilibre doit alors être recherché dans la stratégie militaire à définir pour répondre à ces menaces, entre l'exercice de la dissuasion, les actions de prévention et d'interdiction, et les défenses possibles. Dans le domaine de la lutte antimissiles, l'étude de celles-ci concerne, à ce stade les capacités de défense aérienne et de détection, notamment spatiale. Ce domaine représente un véritable technologique à l'horizon du Livre Blanc. Le développement de certains systèmes de défense aérienne, dont les programmes sont en cours, en systèmes antimissiles est aussi à l'étude et sera encouragé. Compte tenu de la variété des formes que peuvent revêtir les menaces les armes pouvant être emportées par des vecteurs très divers, principalement aéronefs, missiles aérobies, missiles balistiques priorité sera donnée dans ce domaine à l'étude d'un concept et des moyens d'une défense aérienne élargie. Au point de rencontre des principales tendances de l'évolution stratégique et des grandes orientations de notre stratégie de défense, il est possible de décrire les hypothèses d'emploi de nos forces jugées les plus plausibles. Une telle méthode ne saurait prétendre à l'exhaustivité, mais la sélection de scénarios est déjà la marque de certains choix. Cet instrument a paru utile, à la fois pour exposer, plus concrètement que sur la base de seuls principes, les enjeux de notre défense, et pour affiner les analyses, vérifier la cohérence de nos concepts de défense, déterminer progressivement le meilleur équilibre stratégique adapté aux situations. ## 2 Les Hypotheses D'Emploi Des Forces Six scénarios d'emploi des armées et de la gendarmerie nationale ont été retenus, ils s'efforcent de couvrir l'éventail des principales hypothèses, en l'absence d'adversaire désigné et de menace aisément mesurable. Le premier critère est un souci de mise en cohérence avec l'analyse des menaces et des risques sur la période couverte par cet ouvrage. Il a ainsi été tenu compte, en premier lieu, d'une part du degré de plausibilité des événements envisagés, d'autre part du type de décisions qui seraient alors prises par les responsables français, seuls ou, dans la majorité des cas, avec leurs partenaires étrangers. A cet égard, la forte éventualité de crises ou conflits régionaux dès le début de la période, dans la conjoncture internationale nouvelle, conduit à placer les scénarios correspondants en tête, alors que l'éventualité d'une réapparition d'une menace majeure contre l'Europe occidentale, du type de celle du Pacte de Varsovie, très peu vraisemblable sur une période relativement longue a été considérée comme une hypothèse à part, non déterminante à ce jour pour définir les forces conventionnelles. Elle conduit au demeurant à prévoir un concept spécifique de changement de format. Le niveau d'obligations auxquelles la France serait tenue entre également en considération. C'est pourquoi deux des principales hypothèses d'engagement purement national du pays menace d'agression sur les départements et territoires d'outre-mer, mise en jeu des accords de défense figurent dans ce tableau. Leurs probabilités d'occurrence sont extrêmement différentes. Mais, dans les deux cas, une réaction de nos forces serait impérative. La densité de l'engagement français et l'intensité des combats ou de la violence constituent un troisième paramètre. Les différents types d'action, tels qu'esquissés précédemment, sont pris en compte de l'opération de maintien de la paix à la guerre totale. Ces hypothèses ne sont ni conçues ni présentées simplement comme des "scénarios de crise" dont il s'agirait de décrire le ou les déroulements possibles. Ils incluent une brève appréciation du type de réponses possibles, des objectifs qui seraient recherchés, de la stratégie qui serait appliquée. Ce processus itératif, qui sera approfondi et prolongé lors de la planification et de la programmation de défense, permettra. de faciliter la détermination des capacités requises des armées et de la gendarmerie nationale évoquée au chapitre suivant. Il faut souligner d'emblée que celles-ci nécessitent, dans la plupart des scénarios, des ressources puisées à la fois dans les forces de projection, dans les moyens assurant en permanence la sûreté du pays et dans les structures de soutien. Enfin, il faut indiquer une différence de nature entre deux des scénarios et les autres, selon qu'est ou non en jeu la mise en cause de nos intérêts vitaux. ## Scénario 1 Conflit Ne Mettant En Cause Nos Intérêts Vitaux L'affirmation de puissances régionales dotées de moyens conventionnels considérables devrait croître au cours de la période, en dépit de la mise en oeuvre d'accords de maîtrise des armements. Des conflits entre puissances régionales sont susceptibles de mettre en cause nos intérêts stratégiques de façon indirecte ou directe des interventions internationales visant à assurer le rétablissement de la paix et du droit international peuvent impliquer des confrontations avec de telles puissances. Pour la France, les zones d'intérêt prioritaire pouvant être affectées par de tels événements, se situent en Europe, en Méditerranée et au Moyen Orient. La nécessité de projections plus lointaines, de l'ordre de 5 000 à 7 000 km n'est pas à exclure. La menace régionale serait constituée par des forces conventionnelles souvent équivalentes, en volume et au moins partiellement en nature, à celles des nations occidentales. Les arsenaux incluent déjà et comporteront de façon croissante certains matériels modernes de haut niveau, tels que des engins balistiques ou aérobies, des armes chimiques ou biologiques, des sous-marins. Les potentiels considérés atteignent souvent plusieurs milliers de chars, plusieurs centaines d'avions et d'hélicoptères. Dans ces conditions, les risques pesant sur nos intérêts, nos voies d'approvisionnement ou même les pays auxquels nous lie un accord de défense, sont importants. Notre participation à une action internationale pourrait également entraîner des représailles sur le territoire national ou à l'égard de nos ressortissants à l'étranger, en particulier par la voie d'actes de terrorisme. Cette hypothèse peut donc déboucher sur des engagements de haute intensité. En cas d'intervention, nos forces agiraient sous mandat international dans le cadre de l'Alliance atlantique, de l'Union de l'Europe occidentale, à terme de l'Union Européenne, ou enfin d'une coalition. Elles contribueraient à la réalisation d'un ou de plusieurs des objectifs suivants : mettre à une agression extérieure et rétablir la souveraineté d'un Etat éviter l'extension d'un conflit localisé à toute une région assurer la liberté de circulation de nos approvisionnements stratégiques contraindre un agresseur à respecter les résolutions internationales. Dans ce type de conflit, deux séries d'options sont envisageables et peuvent d'ailleurs se combiner dans le temps : la "projection de puissance", sans envoi de troupes au sol, mais pouvant comporter rapidement l'emploi d'un armement de supériorité adapté, ou l'action de forces spéciales la "projection de forces", sur le terrain, impliquant de pouvoir déployer les moyens de commandement, de combat et de soutien en rapport avec le rôle que nous entendons jouer dans la coalition. Plusieurs caractéristiques ressortent de ce scénario et doivent être soulignées. Un tel conflit, qui ne met pas en jeu de risque nucléaire, est susceptible de se produire tant en Europe ce qui est un fait nouveau par rapport à la situation précédente qu'hors d'Europe, dans les régions précitées. La prise en compte du risque représenté par les armes de destruction massive non nucléaires est une nécessité. Le cadre politique de l'action des forces et les objectifs poursuivis doivent être en rapport direct avec nos intérêts stratégiques. La nature, l'intensité et la durée du conflit peuvent être très variables. Le degré de probabilité de ce scénario est élevé à court et moyen terme. ## Scénario 2 Conflit Pouvant Mettre En Cause Nos Intérêts Vitaux Cette hypothèse prend en compte la possibilité, dans les vingt prochaines années, de voir la sécurité européenne gravement menacée par un conflit régional impliquant une puissance nucléaire et comportant, de ce fait, le risque, par enchaînement, d'une mise en cause de nos intérêts vitaux. Pareille situation est dès maintenant envisageable sur le continent européen, mais pourrait également s'appliquer, à plus long terme, en Méditerranée, au Proche et au Moyen-Orient. Aux menaces recensées dans le précédent scénario, s'ajouterait un accroissement des risques encourus par nos forces, y compris nucléaires. Quel que soit le niveau qualitatif et quantitatif des risques encourus, la différence par rapport au premier scénario réside dans le risque de déstabilisation et de montée aux extrêmes, pouvant dégénérer et mettre en cause, éventuellement, nos intérêts vitaux, notamment le territoire national. Pour la communauté internationale, l'objectif devrait être, dès le début de la crise, d'éviter une évolution incontrôlée de la situation. La France agirait alors dans un cadre multinational, au sein de l'Alliance Atlantique, de l'Union de l'Europe occidentale ou, à terme, de l'Union Européenne. La décision d'intervention devrait répondre à des objectifs précis : préserver la stabilité en délivrant un signal militaire fort contraindre un agresseur à renoncer à ses ambitions s'interposer entre des belligérants, au besoin par la force, pour mettre au conflit ou, au minimum, le contenir dans certaines limites au besoin, détruire les forces d'un agresseur ou de belligérants. Une manoeuvre dissuasive, adaptée à ce contexte particulier, pourrait être nécessaire pour accompagner notre décision d'engagement. La possession d'armes nucléaires confère à la France une place particulière dans toute coalition quel que soit, par ailleurs, le niveau de sa participation. La nature des risques encourus peut conduire, si une décision de déploiement est prise, à projeter d'emblée des forces disposant de moyens lourds et bien protégés. Ce scénario est, d'après les analyses d'évolution des menaces, considéré comme plausible à moyen terme, en particulier à compter du tournant du siècle. Au nombre de ses caractéristiques propres, il faut noter le degré élevé de risques pour le territoire national et ses dépendances : actes de terrorisme, chantage nucléaire, attaques aériennes ou, à terme, balistiques, tentatives de déstabilisation des institutions. L'exercice de la stratégie de dissuasion dans un tel contexte est conforme au concept exposé précédemment. Il implique le refus de toute "bataille nucléaire", la mise en oeuvre rapide de moyens de supériorité technologique, le refus de la guerre conventionnelle prolongée. ## Scénario 3 Atteinte Du Territoire National Hors Dans cette hypothèse est envisagée une menace contre nos départements et territoires d'outre-mer, qui peut revêtir plusieurs formes : agression directe dans un but territorial éventualité peu probable ou actions indirectes de déstabilisation sur le territoire concerné. Un agresseur déterminé aurait peut-être l'avantage de la surprise, mais se heurterait lui-même, dans la majorité des cas à des problèmes importants liés à la projection de forces, compte tenu des distances d'intervention, des d'accès et des délais d'acheminement. La France doit pouvoir, en toute indépendance et en dépit d'éventuelles pressions internationales, maîtriser et régler ce genre de conflit. Ces territoires sont d'abord couverts par la dissuasion. Pour une intervention destinée à préserver ou rétablir notre souveraineté, des moyens de projection suffisamment diversifiés et entraînés sont donc nécessaires. Des mesures particulières devront être prises pour renforcer la protection du territoire contre des actions de subversion ou de terrorisme. La probabilité d'un tel scénario, relativement faible aujourd'hui, peut s'accroître au fil du temps. ## Enario 4 Mise En Oeuvre Des Accords De Défense Bilatéraux Ce type d'intervention est à envisager pour prévenir ou mettre fin à des conflits régionaux de faible intensité tels que ceux qui secouent l'Afrique. La France conservera la capacité d'agir seule. Cependant, une implication accrue des Nations Unies peut être recherchée, tandis que la définition d'une politique de sécurité commune avec les pays de l'Union Européenne peut conduire à l'avenir à associer davantage nos partenaires qu'ils ne l'étaient jusqu'à présent. Si l'Afrique subsaharienne est aujourd'hui la zone privilégiée de ce type d'action, il ne peut être exclu que le réseau des accords bilatéraux se modifie, notamment en fonction de nouvelles décisions, de modifications de prépositionnements, ou de l'évolution des menaces sur nos zones d'intérêt stratégique. Le cadre d'un tel scénario est celui qui correspond aux accords de défense que nous avons déjà signés ou que nous pourrions passer, à l'avenir, avec des pays amis. Il nous impose, en général, de réagir avec vigueur, dans des délais très brefs. Il faut noter cependant que toutes les situations n'ont pas le même impact sur nos intérêts stratégiques, de sorte que la réponse doit être adaptée à chaque situation. Des contraintes internationales ou régionales doivent aussi être prises en compte. La probabilité d'une telle hypothèse d'emploi de nos forces est très élevée et peut survenir sans délai. Elle ne présente pas, dans l'état actuel des accords, de danger majeur car, le plus souvent, les forces à affronter ne disposeront que de capacités militaires réduites. Un tel conflit peut cependant gêner nos approvisionnements et le risque d'un enlisement n'est pas à exclure. Une politique dynamique de prévention reste la meilleure solution. Elle s'appuiera, soit sur des forces prépositionnées dans le pays même ou à proximité et susceptibles d'intervenir dès le début d'un conflit, soit sur des structures d'accueil capables de recevoir les renforts en provenance de la métropole ou d'un pays voisin. La puissance des moyens projetés en temps opportun sera garante de l'issue rapide du conflit. L'intervention peut viser un ou plusieurs objectifs : rétablissement de l'intégrité territoriale du pays ami, interposition en vue de mettre fin à un conflit, protection des populations locales et retour à la paix civile. Par ailleurs, se posera fréquemment le cas de l'évacuation de ressortissants français ou étrangers. On ne peut exclure, enfin, d'avoir à gérer simultanément plusieurs crises de cette nature. Ce type de crise peut durer de quelques semaines à plusieurs mois et, à l'issue de sa conclusion, nous contraindre à laisser sur place des forces pour une durée indéterminée. ## Scénario 5 En Faveur De La Et Du Droit International Les opérations en faveur de la paix et du droit international prendront des formes multiples, comme l'interposition entre belligérants, avec ou sans cessation réelle des hostilités, le contrôle de frontières terrestres, aériennes et maritimes, la conduite d'opérations à caractère strictement humanitaire, le rétablissement de la sécurité des communications, la surveillance d'un cessez-le-feu.. . Essentiellement prévisibles en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique, de telles actions sont aussi envisageables en Extrême-Orient, voire en Amérique latine. La probabilité d'avoir à participer à des opérations de ce type, et même simultanément à plusieurs dans le monde, est, dès aujourd'hui, très élevée. La contribution française au règlement de telles situations n'est envisagée que dans un cadre politique international (ONU, CSCE, . ..) et dans un contexte militaire multinational (OTAN, UEO, coalitions). ne faudra pas sous-estimer la difficulté à appréhender et gérer une crise, à conduire des opérations de faible intensité, dans des milieux de guerre latente ou ouverte, de guérilla, notamment urbaine, la puissance militaire des belligérants pouvant être très variable. Il convient de souligner que les capacités militaires requises peuvent devenir très spécifiques et les actions très contraintes, en raison par exemple de la définition des missions, de la nature des affrontements, de la volonté de minimiser les pertes en vies humaines dans nos rangs, chez l'adversaire éventuel et surtout dans la civile. Ne faisant pas peser de menace majeure sur nos intérêts, ce scénario peut néanmoins évoluer vers un enlisement de plus en plus exigeant en moyens. Il est donc essentiel de voir préciser, dès le début de l'action, les critères justifiant notre engagement et de tenter d'évaluer la durée prévisible de celui-ci. Il peut aussi conduire à un conflit régional devenant alors difficilement contrôlable et renvoyant aux premiers scénarios. ## Scénario 6 D'Une Menace Majeure Contre Occidentale Ce scénario vise à prendre en compte la possibilité que réapparaisse, dans les vingt ans à venir, la menace d'une agression majeure contre l'Europe occidentale, de la part d'un Etat ou d'une coalition disposant d'importantes forces nucléaires et conventionnelles et manifestant des ambitions hégémoniques. Son déroulement effectif dépend pour beaucoup de l'évolution des structures de sécurité en Europe. En tout état de cause, la France doit conserver, sur la période considérée, les moyens de préserver ses intérêts vitaux. Très peu vraisemblable aujourd'hui, ce scénario reste peu probable à l'horizon considéré. Il ne être écarté. car il arésente un risaue mortel. Une telle menace reposerait sur la capacité de l'adversaire à mettre en oeuvre tous les modes d'action, directs ou indirects possibles : moyens de frappes nucléaires sélectives ou massives, forces conventionnelles de haute technologie, moyens de subversion interne. Le risque que cette menace se réalise effectivement peut se présenter en Europe mais aussi, à long terme, hors d'Europe. Une stratégie de prévention résolue devrait toutefois permettre de limiter ce risque. En cas d'échec, il appartiendrait à la dissuasion nucléaire d'empêcher la mise à exécution de la menace. A défaut, l'exercice de la manoeuvre dissuasive, une fois décidée, pourrait conduire la France à s'engager d'emblée aux côtés de ses alliés avec une capacité significative, éventuellement à grande distance du territoire national, en fonction de la localisation de la menace. Pour autant, la réapparition de celle-ci devrait prendre des délais suffisants pour qu'il soit permis de procéder, si nécessaire, à une adaptation progressive et un changement de format de notre outil de défense, à partir de dispositions appropriées prises dès le temps de paix. L'autorité politique doit décider, le moment venu, les mesures qu'imposeraient l'évolution et les caractéristiques de la menace. A cet égard, la difficulté sera de constituer effectivement un système de forces adapté, au fur et à mesure de l'affirmation d'une telle menace. Une première exploitation de ces diverses hypothèses conduit d'emblée à trois séries de conclusions : 1) Les hypothèses ne sont ni exclusives ni totalement indépendantes les unes des autres. Plusieurs présentent en commun des risques d'atteintes à l'intégrité du territoire ou à sa population. Le recours à la gendarmerie nationale et, par mobilisation partielle ou totale, à des forces de troisième catégorie pourrait alors s'imposer. Surtout l'expérience montre déjà que la France peut être conduite à engager plusieurs actions simultanément. La combinaison de ses engagements possibles doit être précisément délimitée. Hors le dernier scénario, elle peut consister en une participation à un conflit régional de forte intensité, nécessitant des moyens militaires importants, tout en continuant à honorer ses accords de défense ainsi que l'intégrité de ses possessions Outre-mer, et en maintenant sa contribution à des actions humanitaires ou à des opérations de 2) Une haute priorité doit être accordée à certains objectifs, essentiels dans le contexte d'incertitudes qui prévaut, et utiles à l'ensemble des forces : des capacités importantes et autonomes de prévision et d'évaluation des situations par le renseignement les capacités de commandement et de contrôle d'opérations l'aptitude à la projection résultant de la mobilité et de moyens de supériorité l'interopérabilité qui est la conséquence de la prééminence des cadres multilatéraux d'emploi des forces. 3) Le scénario de réapparition dune menace majeure contre l'Europe occidentale conduit à faire appel à un concept nouveau de constitution de forces et de changement de format. La mise en oeuvre de ce dernier sera fonction de l'affirmation croissante et des caractéristiques d'une telle menace. Cette notion nouvelle se distingue clairement de celle, classique, de montée en puissance, qui ne désigne que les opérations de mise sur pied de guerre des unités de l'ensemble du format du temps de paix. La montée en puissance consiste en fait à convoquer, par mobilisation, le personnel nécessaire aux trois armées et à la gendarmerie pour les amener à 100 % à leur potentiel de combat. Il sera parfois nécessaire de procéder à une telle montée en puissance, partielle ou totale, dans certains cas visés par les scénarios S 1 à S5. Le format découlant des missions et des hypothèses d'action les plus vraisemblables dans les armées qui viennent ne prend que partiellement en compte sauf pour la dissuasion, le commandement et le renseignement la possibilité de réapparition d'une menace d'ampleur comparable à celle que représentait l'Union Soviétique. Une reconfiguration de notre appareil conventionnel serait nécessaire pour atteindre la stature et les qualités appropriées à des circonstances de ce genre si une telle menace réapparaissait. La difficulté de déterminer dès maintenant avec précision le volume et la nature des forces nécessaires dans cette hypothèse est évidente. Mais les mesures juridiques, économiques, industrielles et militaires indispensables à la réalisation, en cas de besoin, d'un programme de constitution de forces et de changement de format doivent être étudiées et décidées. Les forces nucléaires ne peuvent être concernées par de telles dispositions car, protégeant nos intérêts vitaux, elles doivent en permanence être capables de s'adapter aux évolutions des menaces. Tous les secteurs des moyens conventionnels ne sont pas non plus touchés de la même façon. Les conséquences et les contraintes sur les politiques de personnel et d'équipement sont également différenciées. La mise en oeuvre d'un tel programme nécessitera la réunion de plusieurs conditions un processus politique volontariste une capacité d'analyse en amont de la résurgence des menaces des délais de réalisation suffisants mais compatibles avec les délais de concrétisation des risques. L'étude des scénarios se révèle ainsi nécessaire à la définition des capacités des futures forces armées et à l'évolution du modèle actuel. Il convient cependant de tirer auparavant les conséquences des analyses qui précèdent sur l'énoncé des missions des forces armées. Évolution des forces stratégiques nucléaires à la suite des tecords START I et START II entre les États-Unis et FURSS. puis la Russie de 1991 au début 1993. ![79_image_0.png](79_image_0.png) gives nucléaires réparties dans les force s terrestres = navales == aériennes ## 3 Missions Des Forces Armees Le nouveau cadre stratégique, résultant de l'analyse des scénarios d'emploi des forces et de concepts de défense rénovés, conduit à redéfinir les missions des forces armées. Cette définition tient compte des facteurs permanents et des nouveaux objectifs de la politique de défense. Garantes de la sécurité de la France, les forces armées témoignent, par leur existence et leur nature, de la volonté de défense de la nation et contribuent, par leur action, à la mise en oeuvre des objectifs gouvernementaux en faveur de la paix, du maintien de la stabilité dans le monde et du respect du droit international. Organisées, équipées et entraînées en vue de faire face à des hypothèses d'emploi beaucoup plus nombreuses et variées que par le passé, elles doivent développer ou acquérir les capacités opérationnelles et logistiques nécessaires à l'exécution des quatre grandes catégories de missions qui leur sont assignées. 3.1. **Préserver les intérêts vitaux de la France contre toute forme** en : garantissant l'intégrité du territoire national, la liberté des citoyens, la souveraineté et les moyens de développement de la nation, en maintenant la crédibilité de notre dissuasion, par le jeu combiné de moyens nucléaires et conventionnels contribuant au maintien de la continuité et de la liberté de fonctionnement des institutions et du gouvernement, en toutes circonstances, face à toutes menaces directes ou indirectes mettant en oeuvre la défense du territoire national, de ses espaces aériens et maritimes, face à des menaces diversifiées, incluant le terrorisme. 3.2. **Contribuer à la sécurité et à la défense de et** méditerranéen. dans la à d'une de **défense** commune. en prévenant l'émergence de toute par la participation au développement de la stabilité en Europe: en Méditerranée et au Moyen-Orient contribuant à la prévention ou à la résolution des crises, notamment en prenant part à des actions militaires de nature, d'intensité et de durée variables favorisant le développement d'une identité européenne de défense, en renforçant la coopération et les échanges, dans tous les domaines, avec nos partenaires de l'Union de l'Europe Occidentale en cas d'agression, en participant à la défense de l'Europe, au sein de l'Alliance Atlantique. 3.3. Contribuer aux actions en faveur de la paix et pour le respect du droit international en : assurant la présence de la France dans le monde, faisant respecter sa souveraineté là où elle s'exerce, protégeant ses ressortissants et ses intérêts, notamment ses approvisionnements honorant ses accords de défense et de coopération étant en mesure de participer à des opérations pour le maintien de la paix et le respect du droit, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies ou d'autres organisations internationales compétentes participant à des actions humanitaires décidées par des organismes internationaux ou à la demande des Etats et des pays concernés. 3.4. Assurer les tâches de service notamment en renforçant les moveus et les oreanisations normalement de la défense civile du territoire. et en : participant à la protection des organismes, installations ou moyens civils qui conditionnent le maintien des activités indispensables à la vie des populations et à leur défense prenant, en matière de protection civile et à la demande des autorités compétentes, les mesures de prévention et de secours que requiert, en toutes circonstances, la sauvegarde des populations (catastrophes naturelles ou technologiques, risques majeurs) participant, le cas échéant, à la sécurité des pouvoirs publics et des administrations. ![82_image_0.png](82_image_0.png) ![83_image_0.png](83_image_0.png) # Chapitre 5 Capacités Des Forces Armées Les objectifs assignés à notre défense et les principes stratégiques qui ont été exposés au chapitre précédent déterminent les modèles d'armées à venir. Leur mise sur pied se fera progressivement, d'une part en procédant aux inflexions qu'il convient d'engager dans certains domaines prioritaires, d'autre part en acquérant l'ensemble des capacités nécessaires pour répondre à la diversité des situations prévisibles. La définition de ces capacités résulte plus particulièrement de la prise en compte de trois données : 1) L'analyse des hypothèses d'emploi des forces a mis en évidence l'importance des conflits régionaux dans la de nos moyens. Elle montre aussi la nécessité de prévoir la simultanéité de plusieurs actions : ce sont des réalités que la France connaît déjà. Dans ces conditions, la planification à venir des capacités des armées et de la gendarmerie devra permettre, hors le cas du conflit majeur en Europe, la conduite simultanée de plusieurs types d'engagements d'intensités différentes : un conflit régional de forte intensité, dans le cadre d'une coalition une ou plusieurs interventions au profit d'un département ou d'un territoire d'outre-mer ou en application des accords de défense une opération limitée en faveur de la paix ou du droit international. 2) Les capacités des forces engagées par la France seront étroitement liées à la place que nous entendons tenir dans les cas où l'action est multinationale. Plusieurs hypothèses peuvent en effet être envisagées, selon que sa contribution est guidée par le souci de manifester simplement sa présence, l'accent étant alors mis sur la spécificité et la qualité des moyens, ou qu'elle entende tenir une place significative dans le dispositif, le critère de volume entrant alors en jeu, ou enfin, notamment dans le cadre d'une coalition européenne, qu'elle soit conduite à y jouer un rôle déterminant. Dans certaines circonstances, en effet, la France peut être amenée à fournir l'élément central d'une action européenne, conjointement avec ou l'autre de ses principaux partenaires. 3) La capacité de répondre aux différentes hypothèses d'emploi des forces ne suffit pas à déterminer le modèle d'armée. Elle suppose en effet l'existence d'un dispositif permanent, permettant d'assurer la dissuasion nucléaire et la protection du territoire, de participer à la prévention de crises et d'apporter aux pouvoirs publics les concours immédiats dont ils pourraient avoir besoin. L'ensemble de ces moyens constitue la de sûreté'" dont l'existence est indissociable de celle des forces projetables qui ont pour vocation d'agir à l'extérieur du territoire. De même sont indispensables les moyens nécessaires à l'instruction, au soutien et à la gestion des forces. A partir de ces éléments, il est possible de présenter l'ensemble de ces capacités en quatre grandes catégories : les nouvelles capacités prioritaires que sont le renseignement, le commandement et la projection, exigées dans la plupart des situations, indispensables à leur compréhension et à l'action ; les capacités liées à la posture permanente de sûreté, qui permettront d'assurer les missions essentielles à la préservation de nos intérêts vitaux. Cette posture fournit, par ailleurs, les structures administratives et techniques nécessaires à un éventuel changement de format de nos armées si venait à apparaître une menace hors de proportion avec le modèle retenu (scénario S6) les capacités d'action et de soutien propres aux forces projetables, susceptibles d'agir partout où l'intérêt de la France le commanderait enfin, les capacités relatives à l'environnement général des forces. ## 1 Les Nouvelles Capacites Prioritaires Dans un environnement international caractérisé par l'incertitude, il n'est guère possible de prévoir à l'avance les zones d'engagement, la nature des menaces et la forme des opérations. Tout au plus peut-on déduire des expériences récentes que ces engagements se situeront loin de nos frontières, dans des situations politiques et militaires complexes nécessitant à la fois une parfaite connaissance de ces situations en temps réel et un contrôle étroit de nos forces engagées sur le terrain. Le renseignement, le commandement et les moyens de projection sont trois capacités fondamentales dont les armées doivent être dotées ou qui doivent être renforcées en priorité. ## 1.1. Le Un Instrument Stratégique Le renseignement est une fonction essentielle de la stratégie de défense de la France. Il est indispensable à la mise en oeuvre et à la crédibilité de la dissuasion nucléaire, à une appréciation objective et autonome des situations intéressant la défense, au positionnement des forces pour prévenir ou gérer les crises, à leur engagement en cas de conflit. Sa prise en compte dans la politique de défense fait l'objet d'une mutation sous le double effet de l'effondrement de l'Union Soviétique, suivi de la fin de la "guerre froide", et de la guerre du Golfe dont les enseignements ont mis à jour certaines insuffisances, tant en matière de prévision que de gestion des crises. Le renseignement n'est plus, comme à l'époque de la guerre froide, un instrument de la préparation à un conflit généralisé, permettant de prévoir les plans du Pacte de Varsovie et participant à la recherche d'un équilibre militaire. Il tendait alors à évaluer aussi précisément que possible le potentiel militaire, économique et politique de l'alliance militaire adverse. Il cherchait dans les conflits périphériques à déterminer la part de l'implication soviétique ainsi que le rôle des acteurs locaux. Il est désormais un instrument privilégié de prévention et de gestion de crises ou de conflits d'intensités variables, et plus que jamais un moyen d'aide à la décision politique dans de telles situations. Visant à asseoir notre autonomie stratégique, il sera orienté prioritairement vers la prévision et l'appréciation des conflits. ## Les Objectifs a) Les qualités d'un système de renseignement doivent permettre au pouvoir politique de disposer à temps de signaux d'alerte et des moyens de les interpréter. Cela suppose un réseau complexe d'éléments techniques et humains, suffisants et cohérents entre eux, permettant de voir, écouter, comprendre, communiquer et évaluer les informations recueillies. Il comprend trois volets : le niveau stratégique, qui concerne les décisions d'ordre gouvernemental le niveau opératif, correspondant à un théâtre d'opérations ; le niveau tactique, qui concerne directement les forces engagées sur le terrain. Les caractéristiques techniques des moyens affectés au renseignement et tactique doivent leur permettre de s'intégrer dans des dispositifs multinationaux, en priorité européen et b) Les centres d'intérêt prioritaire du renseignement doivent être réévalués, dans le prolongement des actions entreprises depuis quelques années. Une série de facteurs de risques et de déstabilisation émanant d'acteurs divers, étatiques ou non, s'est substituée à la menace directe exercée par un seul Etat elle ouvre un champ élargi aux investigations. Ainsi la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive implique l'extension des recherches à de nombreux pays qui sont soit la source, soit les intermédiaires, soit les bénéficiaires de la dissémination technologique. Le même raisonnement s'applique aux transferts d'armements conventionnels ou aux trafics lies à la grande criminalité (armes, drogues). Les zones traditionnelles voient leur importance décroître au profit de régions nouvelles : en Europe pour parer aux risques de conflits régionaux, dans le bassin méditerranéen, au Proche et Moyen-Orient etc... c) La géographie du renseignement est devenue instable. La dispersion et l'imprévisibilité des crises obligent à des redéploiements incessants. La souplesse et la capacité d'adaptation du dispositif jouent donc un rôle essentiel. d) Simultanément, le facteur temps est déterminant dans la gestion des crises, où il faut en permanence anticiper, garder l'initiative sur le plan politique et militaire. e) Le recueil, la fusion et l'exploitation des données appellent un effort d'organisation, de gestion et de formation des hommes, de mettre le renseignement en temps opportun à la disposition des responsables de chacun des trois niveaux mentionnés précédemment, ## Les Instruments Aux redéploiements géographiques et fonctionnels s'ajoutent des mutations dans la nature des recherches. Ainsi le renseignement militaire voit ses fonctions s'élargir au renseignement de surveillance (application des accords de désarmement et de contrôle des armements) et au renseignement d'alerte (crises, proliférations). Au-delà des mesures déjà prises comme la réorganisation du renseignement militaire ou la montée en puissance de la DGSE, l'accent doit être mis sur la poursuite de l'investissement technique et matériel et sur un effort accru de l'investissement humain. Une politique assurée sur la durée est indispensable pour obtenir des résultats significatifs. Pour ce qui concerne l'investissement et matériel, les grandes orientations sont les suivantes : soutenir le développement des moyens spatiaux avec la famille de satellites d'observation optique ainsi que des systèmes électroniques associés engager les programmes de satellites d'observation radar et rénover les moyens de guerre électronique des trois niveaux poursuivre l'effort déjà entrepris de modernisation et de développement des organismes de renseignement. Il est tout aussi indispensable de renforcer l'investissement humain, tant militaire que civil. Il s'agit d'augmenter le volume du personnel afin de placer les services au niveau de ceux de nos alliés, et plus encore d'améliorer la formation et la qualification de ces personnels. Mais l'accroissement tout-à-fait considérable du nombre de données recueillies, dû au développement à venir des senseurs techniques et des moyens humains, ainsi que l'importance prise par le facteur temps, rendent absolument nécessaire la mise en place rapide de moyens très automatisés de fusion du renseignement. La création récente de la Direction du Renseignement Militaire contribue à faciliter la mise en oeuvre d'une telle politique. Enfm, instrument de souveraineté dans notre stratégie de défense, le renseignement bénéficie de partages et de coopérations. des services dans des structures européennes n'est pas une perspective réaliste dans la période considérée. Il convient toutefois de développer les coopérations déjà effectives comme la construction et l'exploitation en commun des équipements spatiaux, aériens, maritimes et terrestres dans les domaines de l'observation et des transmissions, être demain des interceptions éléctromagnétiques. ## 1.2. Le Commandement L'ensemble des capacités de commandement recouvre trois aspects : commandement, communication et contrôle. Il constitue le système nerveux permanent des forces, de l'échelon central aux unités déployées sur la zone de crise. Les capacités de commandement requises pour la mise en oeuvre des grandes orientations de notre stratégie de défense se distinguent selon qu'elles concernent la posture permanente de sûreté ou les hypothèses d'emploi des forces pour lesquelles une projection à distance serait nécessaire. En ce qui concerne la posture permanente de sûreté, les commandements relèvent d'une chaîne et de moyens strictement nationaux. Ils assurent l'appréciation de situation, la mise en oeuvre de la dissuasion nucléaire, la défense terrestre, maritime et aérienne du territoire, le prépositionnement et le renforcement de forces en mer et outre-mer. S'agissant de la projection des forces, dès lors que le territoire national n'est pas concerné, tout engagement militaire se situera dans un cadre multinational (ou bilatéral pour l'application des accords de défense). La volonté d'assurer à la France toute sa place dans des coalitions où elle apporterait une contribution significative appelle, en sus des capacités traditionnelles, des moyens nouveaux de commandement et de conduite des opérations. L'interopérabilité, la mobilité et la modularité en constitueront des caractéristiques essentielles. Les missions, l'articulation, le volume et la nature des forces armées ainsi que l'organisation du commandement seront alors chaque fois différents et adaptés aux conditions particulières d'engagement. Il faudra donc pouvoir mettre sur pied, à la demande, des commandements adaptés aux circonstances dont la cohésion et l'efficacité devront être garanties et prévoir le cas où la France se verrait confier, avec le concours d'éléments de commandement fournis par différents contributeurs, le commandement de certaines opérations. Pour répondre à ces exigences, il a été créé un état-major interarmées (EMIA), capable de contribuer aux différentes planifications requises et de participer, le moment venu, à la mise sur pied des commandements interarmées nécessaires. Il s'agira, à terme, de disposer d'un commandement de théâtre interarmées projetable, regroupant les éléments pouvant servir de noyau à un état-major de conduite des opérations dont une coalition nous aurait confié le commandement. Cet état-major multinational, destiné en priorité à renforcer les capacités propres d'une défense européenne, devrait être capable, une fois constitué, de conjuguer l'action de forces terrestres d'un volume supérieur à celui d'un corps d'armée, de groupes aéronavals, et de plusieurs escadrons d'avions de combat, ainsi que des soutiens associes à ces forces. A cet effet, disposera, en nombre suffisant, des moyens de transmissions, de simulation, d'aide au commandement et d'environnement correspondants. Pour la défense de l'Europe, en cas d'agression majeure, selon une hypothèse de menace correspondant au scénario 6 exposé au chapitre précédent, les éléments terrestres, navals et aériens que nous aurions décide d'engager ainsi que les organes de commandement correspondants devront trouver leur place au sein du dispositif allié planifié dès le temps de paix, en application de dispositions arrêtés en commun, dont l'exécution et la mise en oeuvre seraient approuvées, en temps utile, par le gouvernement, dans le cadre de l'article 5 du Traité de Washington. ## 1.3. La Et La Mobilité L'examen des différentes hypothèses d'emploi de nos forces montre qu'il leur faudra, dans la très grande majorité des cas, agir loin de nos frontières. à terme est au'à de celles dont la vocation nrioritaire restera. en toutes circonstances. d'assurer la sécurité du territoire national et de ses toutes les forces intervenir à distance, avec une puissance et dans des délais compatibles avec la nature de la crise ou du conflit. La mobilité devient alors un facteur déterminant du succès. Elle dépend de deux facteurs : l'aptitude des forces à l'intervention lointaine et l'existence d'une capacité de transport suffisante. Outre leurs capacités opérationnelles spécifiques, examinées par ailleurs, l'aptitude des forces à l'intervention lointaine sera fonction de leur disponibilité, de leur organisation et de la nature des moyens à mettre en oeuvre sur le théâtre d'opérations. La disponibilité immédiate ne concerne, en fait, qu'un nombre réduit d'unités destinées à fournir le premier échelon d'une intervention rapide, les autres échelons pouvant être mis sur pied progressivement, en fonction de l'évolution de la situation. D'une manière générale, les préavis d'alerte et les délais de montée en puissance seront proportionnels à la gravité de la crise. L'organisation des forces doit permettre leur fractionnement en cellules élémentaires, susceptibles d'être regroupées à la demande, en ensembles cohérents, disposant de toutes les capacités de commandement, d'action, d'appui et de soutien nécessaires à l'intervention. Le principe de modularité sera la condition de l'efficacité de toute organisation. Enfin, les moyens mis en oeuvre par les forces d'intervention doivent être désormais conçus dans la perspective d'engagements lointains nécessitant des transports par voie aérienne, maritime ou terrestre. Ces contraintes, intégrées dans les spécifications techniques des matériels, conduiront, le plus souvent, à un compromis entre rapidité, puissance et volume d'intervention, au moins pour les forces engagées en premier échelon. La projection de puissance proprement dite a pour objet de porter un coup d'arrêt à la montée d'un conflit, d'imposer d'emblée la marque d'une supériorité, sauf à prendre le risque d'une guerre conventionnelle longue. La gamme des actions couvre l'intervention immédiate d'avions de combat, de missiles, de forces terrestres de premier échelon jusqu'à l'envoi ultérieur de renforts incluant des moyens lourds. La de transnort immédiate qui fait un large appel à la voie aérienne - ne peut reposer que sur des moyens militaires nationaux, instantanément utilisables quelles que soient les circonstances. Cette constatation rend nécessaire l'accroissement du parc d'avions ravitailleurs, la modernisation de la flotte de transport actuelle et l'acquisition de moyens lourds à long rayon d'action, de préférence dans un cadre européen. De même l'accroissement du nombre de bâtiments de type TCD (transport de chalands de débarquement) et celui des porte-chars doivent être envisagés. L'acheminement des moyens lourds et l'entretien des flux logistiques ne sauraient, en revanche, être confiés aux seuls moyens militaires. Le concours de moyens civils sera donc le plus souvent indispensable lorsque la crise dépassera un certain niveau d'intensité ou s'installera dans la durée. Il convient donc de compléter et d'améliorer le dispositif juridique déjà existant qui permet de mettre des capacités de transport civil à la disposition des armées lorsque le besoin s'en fait sentir. La loi sur les transports maritimes d'intérêt national constitue, à cet égard, un exemple à suivre et à développer, notamment dans le domaine du transport aérien. ## 2 - La Posture Permanente De Surete La posture permanente de sûreté recouvre l'ensemble des dispositions prises pour mettre en toutes circonstances le pays à l'abri d'une agression, même limitée, contre son territoire et ses intérêts immédiats. Autour de la dissuasion, elle comprend les capacités de prévention, de protection et de constitution de forces et de changement de format. La posture permanente de sûreté peut varier en fonction du niveau d'alerte retenu, lui-même dépendant de la situation internationale et nationale. L'évolution de celle-ci peut conduire à un renforcement des moyens qui sont normalement affectés à la posture permanente, par prélèvement sur les groupements de forces. ## . La Dissuasion La dissuasion repose sur la double capacité, en toutes circonstances, d'infliger des dommages inacceptables et de délivrer un ultime avertissement. La composante sous-marine des forces nucléaires est la mieux adaptée à une frappe en second il faut par ailleurs disposer d'armements répondant aux spécifications suivantes : apporter une au regard des capacités de frappe en second et des vulnérabilités propres à chaque système d'armes, notamment vis-à-vis des défenses susceptibles de s'opposer à leur pénétration posséder des caractéristiques techniques, la portée, la précision, de lui assigner, face à un adversaire menaçant nos intérêts vitaux, des objectifs adaptés à un ultime avertissement. Cette capacité de dissuasion doit relever d'une totale autonomie d'action nationale. Elle suppose de disposer de moyens de commandement et de transmissions sûrs, utilisant des modes de circulation et de traitement de données particulièrement fiables. La sécurité des forces nucléaires et leur environnement nécessitent de disposer de moyens terrestres, maritimes et aériens, qui concourent par ailleurs à la protection d'ensemble du territoire national. ## La Prévention La prévention a aujourd'hui une valeur stratégique. Elle a pour principal objet d'anticiper et d'empêcher l'émergence de situations susceptibles de devenir conflictuelles. Les modes d'actions en sont d'abord politiques : consolider les démocraties, réduire les déséquilibres économiques, sociologiques, maintenir les équilibres stratégiques par le jeu des alliances, lutter contre la prolifération des armements, etc. Ils sont également militaires renseignement, lutte contre les proliférations, contrôle de l'exécution des traités, coopération technique et assistance à des armées amies, prépositionnement de forces terrestres, aériennes ou maritimes. Nos forces doivent être capables de les appliquer en permanence: et de les renforcer, en cas de dégradation d'une situation. Le dispositif permanent constitué par les forces prépositionnées et de présence peut être complété, en fonction des circonstances, par des déploiements préventifs de forces à la mer. L'ensemble représente une dizaine de milliers d'hommes, un à deux escadrons d'avions de combat, des avions de transport et de patrouille maritime, et une vingtaine de bâtiments. Ces forces s'appuient sur des implantations outre-mer et sur des bases d'accueil, en application des accords de défense. Celles-ci contribuent par ailleurs au soutien des forces envoyées en renforcement pour prévenir l'aggravation d'une crise ou y faire face. Au titre de la coopération, les détachements d'assistance technique ou opérationnelle sont en outre placés auprès de pays amis. Ils se trouvent au coeur de dispositifs militaires sensibles et peuvent agir en amont, tenter de désamorcer les prémices d'une crise, renseigner efficacement. Les opérations spéciales contribuent à cette action. ## La Protection La protection du territoire national constitue un objectif permanent. Elle conditionne à la fois la sûreté des forces nucléaires et la crédibilité des actions extérieures, en mettant le territoire à l'abri des ripostes et des chantages de toutes natures. L'analyse des perspectives stratégiques et des scénarios d'emploi des forces en a montré l'importance. La protection tend principalement à : contrôler les approches aériennes et maritimes ainsi que les frontières terrestres, grâce à des moyens de détection et d'intervention ; disposer, à terme, de moyens de détection et d'alerte face aux menaces balistiques développer des moyens de surveillance et de protection face aux menaces nucléaires, biologiques et chimiques. Ces capacités sont procurées par les moyens de la défense terrestre, de la défense maritime, de la défense aérienne, etc, soit environ 50 000 hommes dès le temps de paix pour les trois armées en métropole et outre-mer. Par ailleurs, la protection des populations est assurée pour l'essentiel par les forces de police et de sécurité civile et par la gendarmerie nationale, dans le cadre de ses missions de sûreté générale et de service public. En cas de nécessité, les forces armées apportent leur concours aux autorités civiles selon les procédures réglementaires. ## Constitution De Forces, Changement De Format La réapparition d'une menace majeure contre l'Europe occidentale, visant nos intérêts vitaux, telle qu'évoquée au scénario du chapitre précédent, nécessiterait d'adapter progressivement les capacités de défense au fur et à mesure de sa confirmation, de constituer les moyens nécessaires, voire de modifier le format de nos forces. Il est très difficile d'évaluer aujourd'hui les besoins, mais le processus et les mesures de précaution indispensables doivent être définis et préparés. La mise en oeuvre de ce programme impliquerait surtout de disposer d'un temps de réalisation suffisant, compatible avec la prise de conscience de la menace, et de durée modulable selon les armées et le type des matériels considérés. S'agissant des équipements, l'aptitude au changement de format dépendra de l'état de l'outil industriel au moment de la décision et imposera vraisemblablement des "achats sur étagères". Dans cette perspective, devront être pris en considération les coûts du maintien en sommeil de l'outil de production et du maintien des capacités de formation du personnel. Les conséquences des "achats sur étagères" devront être soigneusement évaluées en termes de compatibilité avec les autres matériels déjà en service, de maintien en condition et de cohérence d'ensemble. Concernant le personnel, les délais nécessaires à la mise sur pied et à l'entraînement de nouveaux effectifs en mesure d'être mobilisés seront largement inférieurs à ceux de la remise en route de l'appareil de production industrielle. Ils imposent néanmoins de conserver la conscription et de disposer d'un léger surencadrement en temps normal. Aux mesures communes aux trois armées, concernant notamment les effectifs, s'ajouteraient des dispositions propres à chacune d'entre elles, ainsi dans le domaine du commandement pour l'armée de terre, des fonctions logistiques et de certaines infrastructures pour l'armée de l'air, de capacités à reconstituer pour la marine (par exemple lutte sous la mer, guerre des mines). ## 3 Les Forces Projetables Caractères Généraux Pour chaque type de scénario, la diversité des modes d'action et la recherche de l'efficacité maximum imposent une composition et un volume de forces ainsi qu'une articulation à chaque fois différents. Cela implique que leurs structures soient souples et modulaires pour être rapidement adaptées aux situations et aux adversaires. Les forces spéciales sont appelées à jouer un rôle important dans la plupart des situations et dans toutes les phases des opérations. Regroupées sous un commandement interarmées, elles doivent voir leurs moyens et leurs effectifs, sensiblement accrus, à la mesure des missions qui leur sont confiées. Tous les engagements majeurs et durables exigeront la mise en oeuvre d'une de haut niveau. Celle-ci recouvre tous les domaines du soutien des matériels et des personnels : plus particulièrement et en priorité, le Service de Santé, ainsi que le ravitaillement en produits pétroliers et en munitions, les services de maintenance et de réparation. Il est, à cet égard, essentiel que la standardisation de la plupart des matériels soit obtenue et, au minimum, que leur interopérabilité soit assurée. Cette capacité logistique est confiée à des personnels spécialisés dont la disponibilité doit être la même que celle des forces à soutenir. La capacité logistique comprend également des moyens d'environnement. ci regroupent toutes les fonctions civilo-militaires qui doivent être assumées sur un théâtre extérieur, en particulier la gestion médiatique, facteur désormais fondamental, et les liaisons avec les pays d'accueil. Dans chacun de ces cas, il sera fait de plus en plus appel au personnel de réserve, en particulier en tant qu'experts, pour aider à la réorganisation et à la reconstruction d'un pays après un conflit. L'ensemble des capacités interarmées requises pour la fonction logistique dans son acception la plus large peut représenter environ le quart de l'effectif des forces engagées, ce pourcentage étant variable en fonction des conditions géographiques notamment climatiques et de la place occupée dans la coalition. # . Scénarios De Crise Limitée (S3, S4, Les situations envisagées correspondant aux scénarios S3, S4, S5 nécessitent des interventions militaires limitées : opérations à caractère humanitaire, contrôle d'embargo, contrôle de zones terrestres, aériennes ou maritimes, actions ponctuelles.. . Ces situations nécessitent souvent une intervention d'urgence et donc la mise en oeuvre de forces immédiatement disponibles. Elles se caractérisent aussi par la faible ampleur des affrontements initiaux que l'intervention doit permettre de contenir ou de réduire. Les moyens de projection qui leur sont associés doivent conduire au déploiement en quelques heures des forces aériennes de réaction ainsi que des premiers éléments d'intervention. Il convient de prévoir leur relève afin de maintenir intact le potentiel des forces engagées. Les forces concernées par ce type d'intervention doivent pouvoir atteindre, sur le terrain, la valeur globale : d'une à deux brigades et d'un à deux escadrons d'avions de combat pour les opérations spécifiques de maintien de la paix ; d'une brigade aérotransportable et de trois escadrons d'avions de combat pour l'intervention au profit des pays avec lesquels nous avons passé des accords de défense, ou pour certaines actions ponctuelles effectuées dans cadre international (OTAN, UEO, ONU) le même volume de forces, mais avec une composante aéro-maritime pour une éventuelle intervention au profit des DOM-TOM enfin des moyens spécialisés des trois armées pour participer à un blocus, à un embargo ou à la surveillance d'une zone particulière. La valeur spécifique de ces forces résidera, outre leur disponibilité, dans leur haute qualification et les performances de leurs équipements : capacité de nuit et tout temps, guerre électronique, frappe précise dans la profondeur, mobilité dans les trois dimensions.. . En cas de simultanéité des trois scénarios, l'ensemble des moyens nécessaires représente un volume global de l'ordre : d'une division ou de trois brigades, pour les forces terrestres de trois à six escadrons d'avions de combat, d'une dizaine d'avions ravitailleurs et d'une soixantaine de cargos moyens tactiques pour les forces aériennes de moyens aéronavals incluant ou non un porte-avions et plusieurs TCD pour les forces maritimes. ## Scénarios De Conflits Régionaux S2) Ces situations, qui correspondent aux scénarios et 2, peuvent nous opposer à des forces classiques nombreuses et modernes, dans des combats pouvant atteindre une haute intensité, et nous obliger, dans certains cas, à prémunir nos forces contre les effets d'armes de destruction massive. Dans ce cas, les forces d'intervention devront bénéficier, non seulement d'un équilibre du rapport de forces quantitatif, mais surtout d'une nette supériorité qualitative en ce qui concerne les moyens de neutralisation et de destruction. Cette supériorité repose, pour une large part, sur l'avance technologique. Ces actions interarmées se dérouleront dans un cadre international sous commandement ou sous contrôle opérationnel européen ou allié, dans certains cas sous commandement Elles se situeront d'emblée dans un ensemble interarmées. La maîtrise du ciel et de la mer sont les conditions préalables au bon déroulement des opérations. Les forces aériennes et maritimes doivent être en mesure de contrôler les espaces dont elles ont la charge, d'obtenir d'abord pour elles-mêmes et ensuite pour les forces terrestres la liberté d'action nécessaire. Les moyens de guerre électronique auront à apporter une contribution majeure à la connaissance et à la maîtrise de ces situations ainsi qu'à la limitation des pertes. Les forces terrestres, pour développer une grande capacité manoeuvrière, devront être dotées de moyens souples, mobiles et aisément transportables. A cet égard, la division légère blindée (DLB), disposant de moyens blindés protégés et d'appuis feux plus nombreux et plus précis (aviation légère et artillerie), représente un ensemble interarmes bien adapté à ce type d'action. Dans certaines situations plus contraignantes pour nos forces, tout ou partie d'une division blindée pourrait venir renforcer ces capacités, sachant que son engagement suppose des délais plus importants et des moyens de transport particuliers (porte-chars, wagons spéciaux). On doit envisager l'engagement simultané, sur un même théâtre, d'un volume de forces de l'ordre de deux divisions avec leurs appuis et leurs soutiens, de six escadrons d'appareils de combat et d'un groupe aéronaval complet. La supériorité militaire résulte d'une part de la haute qualification des personnels, d'autre part des performances des équipements, qui seront accrues de manière progressive par la mise en service de systèmes capables de frapper avec précision à grande distance, de moyens d'alerte et de surveillance de la zone de combat, de capacités d'action sur les arrières et dans la profondeur, de moyens de vision nocturne et de combat tout temps... ## Réapparition D'Une Menace Majeure (Scénario S6) Ce scénario est couvert par la dissuasion nucléaire. Les délais de maturation de la crise et donc les préavis d'alerte seraient très importants, probablement de l'ordre de plusieurs années. C'est dans ce contexte que se justifie la capacité de "constitution de forces et changement de format" évoquée ci-dessus. Cette situation nécessiterait de procéder à la fois à un changement de posture sur le territoire national, notamment la posture nucléaire, et à un changement de format, puis à préparer les forces à la menace d'affrontement, dans un cadre interallié. Elle comporterait, par ailleurs, la reconstitution de certains moyens. Le déclenchement d'un conflit majeur en Europe impliquerait d'emblée la mise en jeu de la totalité de nos forces conventionnelles, dans le cadre de la manoeuvre de dissuasion nucléaire. ## 4 L'Environnement General Aux capacités de caractère strictement opérationnel, il convient d'ajouter toutes celles qui, sans concourir directement à la réalisation des missions confiées aux forces, participent à leur préparation et à leur exécution. La structure de soutien regroupe toutes les formations, les chaînes fonctionnelles et les établissements qui contribuent à la préparation des forces, à la formation et à l'entraînement des personnels, à l'entretien des matériels et à la préparation de l'avenir. Les moyens de soutien comportent en particulier : un ensemble d'écoles, de centres de simulation et d'instruction, de terrains de . manoeuvre qui assurent la formation et la préparation opérationnelle des unités des administrations et des services chargés de satisfaire les besoins individuels et collectifs indispensables à la vie courante et aux opérations. Ce dispositif qui représente, globalement, 20 à 25 % des effectifs, a déjà été, tout au long de la dernière décennie, restructuré et resserré, au prix d'un effort soutenu de productivité. Cet effort sera poursuivi. ## 5 Format Global Des Forces Armees Le format global des armées résulte de la prise en compte des capacités définies pour trois domaines : les forces projetables, sur lesquelles l'effort doit être immédiatement porté, la posture permanente de sûreté, qui doit être maintenue à un niveau minimal mais suffisant pour permettre la montée en puissance nécessaire le moment venu, l'environnement général, sur lequel un effort de réduction et de rationalisation doit être poursuivi. Il est possible, sur cette base, de définir les objectifs de chaque armée pour la période de quinze ans à venir. 5.1. La gendarmerie nationale, dont la vocation principale reste l'accomplissement de missions relevant de la posture permanente de sûreté et des missions de service public et de défense civile, doit pouvoir faire face à ses obligations du temps de paix avec un effectif de 95 à 100 000 hommes. 5.2. Pour l'armée de terre, plusieurs directions d'effort résultent des transformations du contexte stratégique et de l'importance que revêtent désormais les hypothèses de conflit régional en et hors d'Europe : l'armée de terre doit poursuivre et accentuer le développement de son aptitude à des forces lourdes que par le passé plusieurs priorités sont en outre mises en valeur : l'octroi de moyens adaptés au contrôle durable et permanent des milieux physiques et humains, dans des environnements complexes, prenant en compte la protection sous toutes ses formes et faisant appel à la haute technologie, notamment la précision ; la nécessité de disposer de moyens de feux permettant l'appui au plus près des unités le renforcement des moyens de soutien, en particulier dans le domaine de la santé. Compte tenu de la nature des besoins en moyens légers et lourds, ainsi que des effectifs nécessaires dans les unités de combat et de soutien, les forces projetables de l'armée de terre devront représenter 120 000 à 130 000 hommes. A partir de ce réservoir de forces, devront pouvoir être projetées en permanence deux à trois divisions, avec une combinaison de moyens lourds et légers, adaptée à chaque fois aux circonstances. Ces 120 000 à 130 000 hommes, représentant huit à neuf divisions avec leurs soutiens, prennent par ailleurs appui sur des unités et organismes destinés à la protection du territoire, à la formation et au soutien général et territorial. 5.3. L'effort de la marine sera porté dans les domaines de la prévention des crises et de la projection de forces, tandis que la contribution à la posture permanente de sûreté autour de la Force océanique stratégique devra être maintenue à un niveau suffisant. Les missions de maîtrise de la mer et de projection de puissance seront assurées par le groupe aéronaval et les sous-marins nucléaires d'attaque. Elles impliquent une gamme de capacités qui assurent l'autonomie, la cohérence et la durée de l'action. L'accent sera mis sur les bâtiments de transports militaires spécifiques, à côté des moyens civils, la surveillance et le contrôle de zones étendues, les moyens de ravitaillement des bâtiments de combat, le soutien logistique. La capacité aéronavale devra autant que possible pouvoir être permanente. Globalement, les missions assignées à la marine impliquent le maintien au meilleur niveau des moyens de projection et des moyens de lutte anti-sous-marine indispensables notamment à la sécurité de la FOST ainsi que des évolutions qualitatives des bâtiments de combat en particulier dans le domaine de la défense antiaérienne et de la guerre électronique. Le maintien d'une capacité de guerre des mines doit être également assuré. Les forces navales devront comprendre une centaine de bâtiments, incluant la capacité aéronavale proprement dite et une composante sous-marine, avec 65 à 70 bâtiments de haute mer dont une cinquantaine de combat, des flottilles d'avions de patrouille maritime et d'hélicoptères. 5.4. En dehors de la couverture aérienne du territoire et de la capacité nucléaire, qui doivent être assurées en permanence à partir du territoire national, l'armée de l'air devra développer sa capacité de mobilité stratégique pour conduire des actions à partir de la métropole ou de points d'appui extérieurs. Les caractéristiques nouvelles de ces missions conduisent aux inflexions suivantes : le contrôle de zones étendues, situées à grande distance de la métropole, devra pouvoir être assuré, les avions de combat tactique et la flotte AWACS constituant le coeur des moyens de surveillance et de combat les capacités de permanence en vol et d'intervention à longue distance devront être accrues, ce qui implique notamment d'accroître significativement la flotte de ravitailleurs l'action dans la profondeur devra être possible en tout temps, avec des pertes réduites, c'est-à-dire en combinant l'emploi systématique de moyens de guerre électronique offensifs et défensifs et d'armes tirées à distance de sécurité ; la nécessité de maîtriser les effets collatéraux conduit à développer, à côté des moyens de bombardements massifs, des armements de précision, pour les actions menées dans la profondeur mais également à l'appui et au contact des forces terrestres la capacité de transport au profit des trois armées doit être renouvelée et notablement accrue, en particulier pour assurer la mise en place des premiers échelons de forces, qui ne peut être tributaire de moyens civils (transport à long rayon d'action, avions cargos militaires tactiques). Au total, les forces aériennes devront représenter la valeur d'une vingtaine d'escadrons de combat, dont un réservoir de douze escadrons permettant, en permanence, la projection et la relève de six à neuf d'entre eux, auxquels il convient d'ajouter les moyens de la défense aérienne du territoire et les escadrons nucléaires. En outre, une vingtaine d'avions ravitailleurs et une centaine d'appareils de transport tactique et logistique permettront d'assurer les capacités requises de projection, de mobilité et de soutien. Ces formats constituent des objectifs généraux sur la période. Ils doivent permettre d'assurer les missions des forces armées telles qu'elles ont été énoncées précédemment. Le choix des plafonds de moyens sera fonction de la définition par le Gouvernement des degrés et de l'intensité d'engagements possibles de nos forces, au vu de l'évolution du contexte stratégique. ![102_image_0.png](102_image_0.png) # 3Ème Partie Les Ressources Chapitre 6 : Les ressources humaines Les choix évoqués dans les chapitres précédents reposent sur une triple dimension de l'effort que la Nation consacre à sa défense : humaine, matérielle, financière. Le devoir qu'ont les citoyens de servir leur pays, le choix et la formation des hommes qui porteront les armes, le statut que la Nation accorde et l'intérêt qu'elle porte au personnel de la défense sont les composantes majeures de ce qui est convenu d'appeler, aujourd'hui, les ressources humaines de la Défense : c'est leur adhésion, ce sont leurs qualités, ce sont leurs capacités de servir qui confèrent à l'appareil de défense son sens et le fondent en devenir. Le nouveau concept stratégique, qui repose à la fois sur la dissuasion et sur l'action, conduit à s'interroger, à travers la question du service national, sur la participation active des citoyens à ces deux composantes. Longtemps élément de cohésion géographique, sociale, culturelle, le service national demeure aussi le mode de recrutement le plus adapté au cadre et au contexte de la stratégie, des objectifs, et de la politique de défense de la France, comme aux moyens qu'on peut y consacrer. Il se traduit par le choix d'un système mixte, associant professionnels et appelés. Ce choix d'une armée mixte, comme les mutations du contexte stratégique international qui le sous-tendent et les perspectives économiques globales qui l'accompagnent, appelle une nolitiaue des ressources humaines ambitieuse. Celle-ci doit s'efforcer de concilier les intérêts de et des individus, et être adaptée à chaque catégorie de personnel : appelés, réservistes, militaires de carrière ou contrat, personnel la défense. Ces hommes et ces femmes, civils et militaires, trouvent leur identité et leur cohésion dans la façon dont ils remplissent quotidiennement leur mission. Dans une période où les inquiétudes sont parfois vives, il importe de leur assurer des conditions de vie, de travail et de reconversion dignes de leur place dans la Nation et de leur fonction sociale. ## 1- Le Choix D'Une Armee Mixte Les armées doivent disposer des moyens personnel et matériels nécessaires pour remplir les missions qui leurs sont assignées. Ces moyens comprennent l'ensemble des forces susceptibles d'intervenir à l'extérieur, leurs structures de soutien, ainsi que l'ensemble des moyens affectés à la posture permanente de sûreté. La conscription est la solution la mieux adaptée au format retenu pour les armées, aux missions qu'elles doivent assumer, aux moyens que la nation entend y consacrer. Doivent lui être associées une professionnalisation accrue des armées et une universalité véritable du service national. ## 1.1. Le Service National : Un Cadre Nécessaire. La conscription, par le potentiel qu'elle recèle, est et sera en mesure de fournir les ressources humaines qui rendront possible le format des armées permettant de faire face, avec l'ensemble de ces moyens, aux risques du futur. Le service national demeure le meilleur gage de l'attachement de la nation et des citoyens à leur défense. Il renforce ainsi la crédibilité de la dissuasion exercée par les forces nucléaires qui dépend, aussi, de la détermination que les Français montrent à préserver leur existence. Il conforte la légitimité des actions extérieures que la France engage, au nom du respect de de droit, des droits de l'homme, de la démocratie. La conscription est, également, un moyen qui permet de fournir des réserves, riches notamment d'un nombre de spécialistes suffisant. Ce faisant, la conscription autorise aussi l'une des conditions essentielles d'une éventuelle constitution de forces et d'un changement de format. De même, la conscription joue un rôle important pour la défense du territoire à laquelle l'ensemble de la population est ainsi directement associée. La participation d'unités militaires, composées d'appelés, à la défense civile, et notamment aux missions de service public, telles que la protection des populations et des biens, renforce ce sentiment d'osmose. Enfin, chacun a pleinement conscience du rôle que le service militaire a joué dans la création de l'identité nationale et dans la défense de Face aux difficultés inhérentes, à la fois, à la polarisation urbaine de l'espace fiançais et aux atteintes à la cohésion sociale et si une telle situation ne saurait justifier, à elle seule, le maintien du service national, celui-ci contribue déjà à la lutte contre les exclusions. Il doit demeurer un creuset d'intégration, une école de civisme, un modèle d'appartenance des à la France. ## L'Armée Mixte : Une Solution Adaptée Le service national doit être conservé. Mais l'armée française doit cependant voir ses modes de recrutement évoluer, afin de disposer de davantage d'unités Le règlement des crises extérieures, dans lesquelles la France peut être amenée . à intervenir, nécessite aujourd'hui des volumes suffisants rofessionnalisées. Celles-ci, souples d'emploi, permettent en effet une réaction immédiate sur tous les théâtres. Une augmentation progressive du taux de professionnalisation, par engagement et par développement des formules de volontariats longs, est ainsi indispensable dans les années à venir. Elle doit conduire à la mise en place de forces de disponibilité immédiate. Elle permettra, au demeurant, de mieux évaluer nos réelles capacités de recrutement. Une armée composée presque exclusivement d'appelés ou de réservistes et d'une proportion très limitée de cadres professionnels (modèle dit "suisse") ne répondrait pas aux besoins actuels et futurs de la défense de la France. Bien adaptée à la défense du territoire et à une intervention dans le cadre d'une menace majeure en Europe, elle ne présente pas la souplesse d'emploi requise pour la gestion des crises, ne serait-ce qu'en raison de sa faible capacité de projection immédiate. ## 1.3. Les Contraintes De L'Armée De Métier L'armée de métier ne permettrait pas de répondre à l'ensemble des missions déjà évoquées, sauf à imaginer des dépenses budgétaires et un flux d'engagements qui paraissent déraisonnables, voire hors de portée. Pour la seule armée de terre, un format de 230 000 hommes permet dans les conditions actuelles, d'affecter 130 000 hommes environ dans les formations opérationnelles, si l'on tient compte des participations extérieures interministérielle...), des effectifs indisponibles, des effectifs du soutien et de l'administration. Ce montant est juste suffisant pour répondre aux missions, compte tenu des nécessaires relèves et de la multiplication de nos engagements. faudrait donc, dans l'hypothèse d'une professionnalisation généralisée, prendre en charge un volume important d'engagés, ce qui entraînerait un très imnortant. Outre cette difficulté budgétaire, l'armée de métier pose une réelle difficulté de recrutement. Elle implique un doublement, voiré -pour l'armée de terre un triplement des flux de recrutement d'engagés. La part actuelle de personnels de carrière ou sous contrat n'est en effet que de 43 % dans l'armée de terre (62 % pour l'armée de l'air, 71 % pour la marine, 86 % pour la gendarmerie). Or, sur 20 000 engagés annuels, une moitié souscrit son engagement lors de son incorporation au service national cèlui-ci apparaît donc comme une source de recrutement difficilement remplaçable. Par ailleurs, le recrutement pour les 100 000 emplois à caractère non-militaire occupés par des appelés spécialistes et souvent de haut niveau devient aléatoire, à moins de recourir à l'emploi de civils, ce qui augmenterait le évoqué plus haut. L'hypothèse d'un format nettement inférieur pour l'armée de terre, de 160 à 180 000 hommes, serait probablement compatible avec les possibilités de recrutement. Mais ce format, s'il permettrait, en concentrant les effectifs en question sur les forces opérationnelles, de répondre aux missions envisagées, supposerait de confier l'ensemble des autres missions personnel civil. Cette nouvelle configuration est à l'évidence, en rupture profonde avec toute l'histoire et les modes de vie et de fonctionnement de l'armée de terre pour n'évoquer que cette Outre le recrutement des engagés, le choix d'une armée de métier suppose celui d'un mand nombre de civils pour remplacer les conscrits. Il nécessite donc un fort accroissement des dénenses de au détriment des dénenses d'éauinement et d'investissement. La masse salariale, hors charges sociales, d'un échantillon hiérarchisé de 1 000 personnes est ainsi de 195 aux Etats-Unis et de 273 en Grande-Bretagne par rapport à une base 100 en France. Aussi un passage à l'armée de métier dans notre pays, à effectifs comparables, impliquerait-il de bouleverser l'équilibre entre les dépenses de fonctionnement et d'investissement du budget de la défense, avec d'inévitables conséquences sur l'industrie de la défense. Ainsi, une armée de métier compatible dans les années à venir avec les missions de nos armées aurait un coût budgétaire excessif et poserait de délicats problèmes de recrutement. Adapter ces deux derniers. éléments à nos possibilités budgétaires et humaines ne permettrait plus d'assurer les missions. Quelle que soit l'hypothèse envisagée, les conditions d'exécution et les conséquences du passage à l'armée de métier n'apparaissent pas réalistes. Une telle orientation nous priverait aussi des aspects bénéfiques du service national, déjà évoqués. ## 1.4. Le Service National : Égalité Et Universalité Le maintien du service national suppose que le plus grand nombre continue à l'effectuer. Pour être accepté, ce devoir doit en effet demeurer universel. La dispense de service pour les jeunes filles n'apparaît pas comme une atteinte à ce principe et un service national obligatoire féminin n'a jamais paru nécessaire. Des taux de dispense et d'exemption élevés rendraient en revanche caduque la condition même de l'universalité. On sait que la multiplication des dispenses et des exemptions a conduit certains de nos voisins à supprimer le service national. En France, à l'heure actuelle, près d'un quart des jeunes gens est dispensé ou exempté. Ce taux ne devrait plus progresser. Si la ressource humaine ne peut être prévue avec une précision absolue, les projections montrent que les classes d'âge sont en moyenne de 380 000 hommes jusqu'aux premières années du XXIème siècle. En appliquant à ce volume les taux actuels de dispense et d'exemption, et en le diminuant du flux annuel d'engagés initiaux, se dégage une ressource "utile" pour le service national d'environ 280 000 hommes (ressource qui ne tient compte ni des réformés ni des libérations anticipées après incorporation). L'incorporation annuelle de 250 000 appelés pour les besoins des armées, par le jeu du service à 10 mois, permet aux formes civiles du service national d'occuper aujourd'hui 20 000 à 30 000 hommes. Comme l'ont souligné plusieurs rapports parlementaires et administratifs, ressource orévisible n'est ainsi nas surabondante et semble aux besoins des armées et au format futur de celles-ci. L'universalité du service national d'en nréserver l'égalité. Celle-ci ne se pas de manière formelle comme imposant une durée de service. L'équivalence de dix mois de service militaire, de seize mois de service dans l'aide technique ou la coopération et de vingt mois pour les objecteurs de conscience est admise et participe même de la recherche d'une égalité entre tous. Cette égalité implique que le service national diminue les disparités sociales. De manière générale, elle appelle une véritable mise en valeur du service militaire. L'armée mixte que choisit la France rassemble ainsi, au service de la Défense, des hommes et des femmes très divers : appelés, réservistes, militaires de carrière ou sous-contrat, civils. Avant d'aborder leur spécificité, il convient de souligner deux aspects à l'ensemble de ce personnel. D'une part, l'importance du capital humain justifie un effort constant de prévention et de soin. La Défense s'est depuis longtemps préoccupée de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, notamment du fait des risques propres aux activités militaires. Cette orientation doit être poursuivie avec détermination : commission de prévention et comité d'hygiène, actions de sensibilisation et de formation. Le service de santé, service interarmées, est investi d'une mission de prévention et de soins qui s'étend à tout le personnel civil et militaire ressortissant du ministère de la défense, ainsi qu'aux familles des militaires et aux diverses catégories d'ayants droits. Les missions de ce service se sont diversifiées à travers les opérations humanitaires, et l'aide aux pays en voie de développement, sur les lieux des catastrophes naturelles. Ce service de santé est essentiel à notre de défense, à son fonctionnement et à son efficacité. en France et surtout à Sa mission des forces en onération doit être D'autre part, une politique originale d'innovation narticinative, été mise en place dans le secteur de la défense, afin de tirer parti de la diversité et de la richesse humaine des personnels. Cette orientation doit être maintenue et même étendue, notamment au sein de la délégation générale pour l'armement (DGA), pour les innovations techniques. Il importe en effet, parmi ces dernières, de développer celles qui méritent d'être généralisées. ## 2 Les Appeles : Mettre En Valeur Le Service Militaire Le service militaire est la raison d'être de la conscription. Il lui confère sa légitimité. Pour être accepté, il doit être non seulement égal et universel, mais aussi présenter une réelle efficacité : la Nation doit en tirer le plus grand profit. Plus profondément, il est l'incarnation et le vrai quotidien de la notion même du service, expression achevée de la cohésion nationale et du sens des devoirs à l'égard de Ces exigences d'universalité et d'égalité, liées à une véritable politique des ressources humaines qui est un gage d'efficacité, appellent une valorisation du service militaire. Elle constitue l'un des objectifs de la loi de programmation militaire. Valoriser le service militaire suppose plusieurs objectifs précis : améliorer la gestion de la ressource disponible, recentrer la vie des appelés vers les activités militaires, réhabiliter la situation des appelés et donner ostensiblement la priorité à ceux qui servent dans les unités opérationnelles, améliorer la formation de l'appelé, maintenir les modalités d'exécution aménagées, développer la communication sur le service militaire. ## . La Ressource : Une Meilleure Gestion Une utilisation plus juste et plus efficace des appelés implique de mettre un terme aux inégalités les plus choquantes, notamment aux modes de sélection et d'agrément de plusieurs formes de service. Plusieurs voies doivent concourir à ce but, pour n'en citer que trois : l'élargissement de l'accès des appelés à des de l'apparition de besoins nouveaux donnant en particulier l'occasion de valoriser le service dans les armées une détection et une gestion plus précoces du Volontariat Service Long exprimé avant incorporation de permettre une meilleure utilisation des qualifications détenues l'adaptation de la norme nhvsiaue au service national de ne pas écarter des formes civiles de jeunes volontaires aux compétences reconnues mais actuellement jugés inaptes. ## . Le Service Militaire : Une Densification Indispensable Le service militaire est d'autant mieux admis par les intéressés qu'il se rapproche de sa finalité : le service des armes. L'appelé a une vocation de combattant. La valorisation du service militaire passe ainsi par une accrue aux activités d'instruction et d'entraînement, qui, seules, préparent aux missions opérationnelles. ## L'Appelé : Réhabiliter Sa Situation L'amélioration des conditions matérielles des appelés bénéficiera en priorité et de manière significative à ceux d'entre eux qui servent dans les unités opérationnelles. Les efforts d'amélioration doivent s'étendre à divers domaines de la vie des appelés tels que leurs conditions de logement. Il faudra par le moyen d'une coopération interministérielle soutenue, favoriser la prise en compte des nrofessionnels du service militaire (formation conférant qualification et expérience) de façon à faciliter la réinsertion des appelés à l'issue de leur service. Enfin, en matière de rémunération, il faut que cessent les disparités flagrantes entre formes civiles et formes militaires du service national. Au sein même du service militaire, il s'agit d'accroître les primes et les indemnités attachées aux activités opérationnelles. ## Le Service Militaire : Un Cadre De Formation Le service national vise d'abord à satisfaire les besoins des armées. Il dispense donc la formation militaire de base puis, en fonction du poste tenu, assure une formation militaire complémentaire ou entretient et développe des compétences techniques reposant sur une formation civile acquise en amont du service. Les jeunes appelés ont ainsi l'occasion de développer des acquis professionnels grâce à l'expérience de l'encadrement et du service de matériels nouveaux. Ils apprennent à faire face à des situations inattendues et confrontent leurs compétences à celles de camarades. En outre, les armées font appel pour des spécialités déficitaires à du personnel peu qualifié auquel elles assurent par l'apprentissage des premières bases d'un véritable "métier". Ce système, approfondi et développé par une meilleure coordination avec Nationale et avec le monde du travail, comme cela se fait à la fin du service militaire avec certaines organisations professionnelles, commencera d'abord au niveau local et son extension au plan national sera subordonnée à l'examen des enseignements qui auront pu en être tirés. ## Le Service Militaire : Des Modalités D'Exécution Aménagées Au fil des ans, des dispositions ont été adoptées pour limiter les inconvénients de l'exécution du service national pour les jeunes appelés. Parce qu'elles rendent plus acceptable le devoir que représente ce service, elles seront maintenues : le report d'incorporation pour la poursuite d'études supérieures, la possibilité offerte à chacun, depuis la loi de 1983, de résilier son sursis à la période de son choix, bien que cette disposition aboutisse, à l'usage, à retarder chaque année un peu plus l'âge moyen d'incorporation et rende la gestion délicate, le rapprochement du domicile ou de la famille.. au mieux des intérêts de la défense et des intéressés. ## . Le Service National : Informer Les Populations Les enquêtes le montrent : la volonté de défense des se maintient à un niveau élevé. Plus affirmée chez les hommes, davantage encore chez ceux qui ont effectué leur service national, c'est un effet très positif de la conscription. Dans sa forme actuelle, avec une durée de dix mois, le service national n'est pas sérieusement remis en cause. L'information en ce domaine doit encore se développer à partir des buts fondamentaux et permanents du service : satisfaire les besoins des armées, susciter et développer l'esprit de défense, réaliser le brassage social nécessaire à la cohésion, prélude pour certains à une véritable intégration. Des actions médiatiques peuvent aussi contribuer à modifier l'image du soldat, telles que des reportages sur les activités opérationnelles. ## 3 Les Reservistes : Le Chantier Du Renouveau C!omposante essentielle de la défense et des forces armées, au même titre que le service national dont elles sont le prolongement, les réserves participent de la volonté et de l'esprit de défense de la Nation. Les profondes mutations de notre appareil de défense, liées à l'évolution du contexte géostratégique et du format de nos armées, appellent leur rénovation. Hier, les réserves représentaient, dans le cadre de la mobilisation générale, le concept lointain de la Nation en armes, tel un ultime rempart contre une agression majeure. Demain, s'affirmera le rôle accru, dès le temps de crise, d'une réserve réduite. disnonible. mieux instruite. accordant la uriorité aux cadres volontaires, véritables à uartiel. ## . Des Réserves Rénovées La loi du 4 janvier 1993 pose les bases d'une rénovation ambitieuse des réserves. Elle crée le volontariat contractuel et ouvre ainsi plus largement, à ceux qui le souhaitent, la possibilité de participer à la défense du pays dès le temps de paix et plus particulièrement dans le cadre de la gestion des crises. La durée des activités des officiers et des sous-officiers de réserve est étendue, ce qui permet de mieux les former et mieux les entraîner. Dans ce cadre, il revient désormais aux armées et à la gendarmerie d'instruire et d'administrer les seuls personnels correspondant à leurs besoins éventuels, pour un éventail élargi de missions (catastrophes naturelles défense terrestre intervention, armée ou non, à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire national). A cet effet, les armées et la gendarmerie feront appel, en priorité, aux réservistes issus du service militaire actif dont la date d'incorporation remonte à moins de cinq ans (réserve disponible), aux officiers et sous-officiers de réserve ayant souscrit un contrat d'engagement spécial (réserve sélectionnée) et aux réservistes détenteurs d'une qualification professionnelle nécessaire aux armées (réserve spécialisée) : soit, au environ 450 000 à 500 000 hommes, à comparer aux 3 000 000 précédemment gérés. A terme, cette rénovation profonde des réserves permettra aux autorités responsables de la défense de disposer d'une réserve réduite plus active, plus fiable et plus proche des forces Dès le temps de paix ou en cas de crise, les volontaires de ces réserves pourront renforcer les unités engagées. En cas de constitution de forces et de changement de format, la réserve sélectionnée fournira des ressources d'encadrement. ## Les Orientations Futures La rénovation des réserves, pièce maîtresse du maintien de l'esprit de défense, ouvre un vaste chantier particulièrement novateur et exigeant, en priorité dans les domaines de l'insertion socio-professionnelle, de la communication et des moyens. . Une meilleure insertion du réserviste dans son milieu socio-professionnel sera recherchée. Il est actuellement délicat pour un réserviste volontaire de concilier un engagement temporaire auprès des armées avec sa vie professionnelle. Comment faire appel aux réserves sans leur faire subir des pertes de salaires inacceptables ? Comment ne pas léser les volontaires dans leur droit à la retraite, dès lors qu'ils ne cotisent plus à leur caisse d'assurance vieillesse et subissent un prélèvement pour pension sur leur solde sans bénéficier pour autant d'une pension militaire ? Comment rémunérer équitablement un chef de clinique, un ingénieur informaticien ou un juriste disposé à mettre ses compétences de haut niveau au service de la défense pour des périodes limitées, sans pouvoir consacrer le temps nécessaire à une promotion dans la réserve ? Ces interrogations nouvelles, liées à la création de quelque 70 000 réservistes volontaires, sélectionnés ou spécialisés, nécessitent des réponses appropriées pour ne pas mettre les intéressés en difficulté au sein de leur milieu socio-professionnel. Une concertation est nécessaire, d'une part avec le ministère du travail, en vue d'assurer la cohérence entre les dispositions du code de travail, dans les relations entre le salarié réserviste et son employeur civil d'autre part, avec le patronat, pour le sensibiliser et explorer, avec lui, les solutions possibles. C'est l'une des conditions majeures du succès de la rénovation des réserves. . Le nouveau concept des réserves marque une rupture avec le passé, qu'il faut accompagner de mesures d'information, et de sensibilisation, en direction de toutes les couches concernées de la société. Il convient, simultanément, de convaincre du bien-fondé de l'appel à différentes catégories de réservistes, de promouvoir l'image du volontaire sélectionné ou spécialisé auprès des employeurs privés et publics, de réorienter ceux qui ne seront pas intégrés dans les réserves militaires, et de susciter l'adhésion collective aussi bien au sein des armées que dans l'environnement des volontaires potentiels. Enfin l'adantation des movens aux ambitions est nécessaire, ainsi que l'effort porter sur la gestion, et l'équipement. Concentrer le choix sur la ressource directement utilisable impose de repenser les structures de gestion et d'accueil des réservistes, pour substituer à une gestion de masse, une gestion beaucoup plus fine et personnalisée. L'instruction et l'entraînement des officiers et des sous-officiers de la réserve sélectionnée et spécialisée seront l'objet d'une attention particulière. Leurs activités d'instruction et une mise en condition opérationnelle seront intensifiées, selon les qualifications à acquérir, les postes tenus et les niveaux de responsabilité. Cette adaptation des moyens aux ambitions exigera un effort financier à consacrer, avant tout, à la rémunération des cadres de réserves volontaires lors de leurs périodes d'instruction et d'entraînement, afin de susciter les volontariats et de maintenir la cohésion. ## Militaire De Carriere Ou Sous-Contrat Le cadre général de l'action des armées ne cesse d'évoluer : la gestion des crises se substitue aujourd'hui, sans l'exclure, à l'affrontement armé ; la coopération interarmées devient la règle et l'action au sein de forces multinationales se généralise des technologies et une génération de systèmes d'armes nouvelles apparaissent, elles créent des besoins en personnel qualitatifs. Le monde de la défense ne peut, de surcroît, ignorer les tendances de la société française : l'affirmation de l'individualisme, l'attachement plus fort que jamais au prix de la vie et donc l'hésitation à l'engager, l'augmentation du niveau de formation, la pression quasi permanente des médias mais aussi le besoin de sécurité, la volonté réelle de savoir, le sens du don de soi et du partage. Ces changements pèsent sur la gestion du personnel militaire. Afin de les prendre en compte, des réorganisations successives ont été engagées depuis le Livre Blanc de 1972. Des évolutions nouvelles sont aujourd'hui nécessaires pour fonder la politique du personnel militaire de carrière ou sous-contrat. La condition première de sa réussite est la visibilité que pourra seule assurer l'introduction des effectifs dans la programmation. La politique du personnel, comme celle des programmes d'armement, a besoin d'être conçue et appliquée dans la durée. D'autres évolutions sont nécessaires au recrutement et à la formation. aux carrières et à la condition militaire. ## 4.1. Recrutement Encadrement Formation Le nouveau cadre d'action des armées impose une amélioration qualitative des recrutements, quantitative de l'encadrement et une ouverture plus grande du système de formation des armées dont la qualité, par ailleurs reconnue, doit être préservée. ## . Améliorer Le Niveau De Recrutement Pour se doter d'un personnel de qualité apte à faire face aux tâches d'encadrement aussi bien qu'aux exigences techniques du métier des armes, les armées doivent améliorer leur recrutement. Ceci ne peut se faire que par un accroissement de la part du recrutement externe. Ce dernier doit en effet constituer un vivier où les armées puiseront les cadres aptes à suivre, pour les officiers, l'enseignement militaire supérieur et, pour les sous-officiers, les formations les plus spécialisées. Cette évolution doit être accompagnée des mesures nécessaires visant à en atténuer les effets sur la nromotion interne. ## Augmenter La Part Relative Des Cadres Les opérations passées et présentes montrent que l'encadrement des forces doit se situer à un niveau quantitatif supérieur à la norme actuelle. La complexité croissante de la mise en oeuvre des systèmes d'armes modernes renforce cette nécessité. De plus, l'élargissement des missions des armées, prenant en compte la prévention et le traitement des crises, entraînent de nouveaux besoins en cadres expérimentés : mise en place d'observateurs de ou de la CSCE, missions de coopération en pays étrangers, liaisons au sein d'états-majors internationaux, activités des organismes de renseignement, de réflexion tactique et stratégique, maîtrise des technologies de pointe. Le taux d'encadrement actuel de nos armées, essentiellement dans l'armée de terre, reste encore faible. Plus leur format diminue, plus des armées réduites doivent être structurées pour, le cas échéant, opérer une constitution de forces et un changement de format. Les comparaisons internationales montrent d'ailleurs que nos armées sont moins encadrées que celles avec lesquelles elles sont amenées à travailler : le taux d'encadrement est en France de 40% hors cadre appelé, contre 55% aux Unis, en Grande-Bretagne et 47% en Allemagne (taux des cadres en 1992). C'est dans l'armée de terre que le sous-encadrement est le plus manifeste (31% hors cadre appelé et 34% avec les cadres appelés). D'une manière générale, les armées n'échappent pas non plus au phénomène de tertiarisation des emplois qui a gagné depuis longtemps la société civile. Le besoin en "matière grise" et l'importance de la culture générale sont encore plus forts que par le passé et ce déficit en cadres supérieurs affecte d'ailleurs autant les civils de la défense que les militaires. La diversification du recrutement apparait dès lors comme une direction de recherche intéressante avec les possibilités notamment les jeunes diplômés de l'université, les officiers de réserve en situation d'activité et enfin le personnel de tout niveau déjà formé et qualifié en-dehors des armées. Au total, de la relative des cadres dans les armées est aujourd'hui nécessaire, même si l'urgence de sa mise en oeuvre varie selon les et les catégories de personnel. ## Poursuivre Et Adapter L'Effort De Formation La formation du nersonnel joue un rôle canital dans les armées et justifie l'effort entrepris dans ce domaine. Se distinguant formellement de l'instruction et de l'entraînement conduits dans les unités et corps de troupe, elle est délivrée en école ou dans des organismes spécialisés. Ses objectifs généraux sont clairs : d'une part, stimuler la ressource et améliorer le recrutement par l'attrait d'une formation de qualité, d'autre part, permettre une réelle promotion sociale, enfin satisfaire les besoins des armées en adaptant la formation initiale et continue aux emplois tenir. Cette formation présente la caractéristique d'être globale puisqu'elle s'adresse à tous les aspects de la personnalité et fait une part importante à la formation morale et à l'affermissement du caractère. De sa qualité dépend celle des comportements individuels et collectifs, gage de la cohésion indispensable des unités en opération. Elle vise aussi à donner à tous les indispensables capacités d'adaptation et d'innovation et, en ce domaine, la culture générale qui favorise l'ouverture d'esprit, restera plus que jamais "l'école du La formation est, enfin et surtout, spécifique puisque vouée à l'enseignement de savoir-faire et tactiques du métier militaire. Tout en préservant la réputation de qualité de cette- formation, il convient d'adapter celle-ci aux nouveaux besoins liés à l'évolution du cadre d'action des armées, à l'émergence de nouvelles techniques et à la nécessité de recyclages fréquents. L'amélioration permanente des connaissances techniques est aujourd'hui indispensable. Ces adaptations ne doivent pas pour autant laisser s'étioler les savoir-faire du combat dont l'acquisition reste fondamentale. La solution passe certainement par le dévelonnement de la interarmées.. Engagée, dans le processus de formation des chefs, avec la création du Collège Interarmées de Défense qui correspond aux besoins ressentis dans la conduite des opérations, elle doit se poursuivre à d'autres niveaux pour parvenir à une meilleure synergie des systèmes de formation des armées, sans que l'identité et les besoins de formation propres de chacune des forces armées ne soient, pour autant, négligés ou niés. L'ouverture sur les armées étrangères est un autre axe à privilégier, en particulier en Europe. Complément utile de la coopération engagée en matière d'armement, elle est souvent souhaitée par nos partenaires. Des perspectives tout aussi intéressantes résultent d'une ouverture nlus svstématiaue vers le secteur civil. Le resserrement des liens avec le système éducatif national, déjà pratiqué ponctuellement, devra permettre de recruter davantage de personnel qualifié et de recourir à des organismes formation extérieurs aux armées. On peut en attendre une meilleure valorisation des acquis professionnels, des débouchés nouveaux pour les jeunes et une amélioration de la dynamique du recrutement. Les mesures à prendre relèvent de l'organisation (constitution de pôles d'enseignements), du contrôle de gestion (meilleure connaissance et meilleure maîtrise des coûts) et de la définition des objectifs de formation (adéquation emploi-formation plus stricte). ## 4.2. La Carrière Du Militaire Les besoins des armées en personnel s'accroissent en qualité et vont en se diversifiant. Pourtant, les taux de sélection ne s'améliorent pas vraiment en dépit d'une situation économique difficile et d'un marché de l'emploi excédentaire. Dès lors, la question de l'attractivité des carrières militaires pourrait se poser. Des adaptations, confortant les orientations déjà engagées, sont nécessaires afm d'assouplir les statuts, de conserver aux militaires le droit à une seconde carrière et à une reconversion elles seront complétées par des évolutions propres à chaque catégorie de personnel. ## . Confirmer Et Parfois Assouplir Les Statuts La carrière du personnel militaire revêt des caractéristiques bien particulières et reconnues par des statuts. Souvent sans équivalent dans la fonction publique, ci sont la contrepartie de la spécificité militaire qu'il est nécessaire de réaffirmer en raison de la nature même du métier des armes et des conditions particulières et souvent sévères de son exercice. L'architecture générale des schémas de carrière organisée par les textes de 1972 et 1975, dans le cadre d'un rattachement d'ensemble à la fonction publique de confirmé par la transposition au personnel militaire des dispositions du protocole n'appelle pas aujourd'hui de réforme fondamentale. Ses objectifs, s'ils sont globalement atteints, doivent être consolidés : rajeunissement de l'encadrement, amélioration de sa formation et partant de son niveau de qualification, plus grande sélectivité en matière de recrutement et d'avancement. C'est l'éauilibre du svstème qui mérite, dès aujourd'hui, une attention particulière. Il reposait sur un fort courant de départs avant limite d'âge. Or, le ralentissement de ce phénomène, sans doute imputable à la situation économique risque d'engendrer une dégradation de l'avancement et donc de motiver des aménagements. Enfin, une plus grande souplesse dans les statuts est parfois nécessaire afin de favoriser certains recrutements aujourd'hui difficiles à réaliser dans des compétences et techniques spécifiques. ## . Confirmer Le Droit Des Militaires À Une Seconde Carrière Et Donc À Une Reconversion Confirmer le droit des militaires à une seconde carrière et donc à une reconversion est essentiel pour favoriser les candidatures de qualité et conditionne, pour une large part, les déroulements de carrière, la cohésion et la solidité morale de l'institution. Sans exclure des carrières intermédiaires dans certains cas, une grande distinction entre carrières courtes et carrières doit être recherchée. Correspondant à un besoin des armées, les carrières courtes doivent être pleinement admises, quelles que soient les catégories de personnel concernées. A la différence des autres agents de la plupart des militaires quittent le service actif bien avant l'âge d'interruption normale de toute activité professionnelle. Cette caractéristique est une nécessité pour le fonctionnement des unités militaires. Normale pour les militaires du rang et pour une partie des sous-officiers, la logique de la carrière courte s'applique aussi à certains officiers sous-contrat. Un tel objectif implique des mesures d'incitation et d'accompagnement. L'accès à une deuxième carrière est de plus en plus difficile, aussi l'aide à la reconversion elle un nouveau défi pour les armées. Le d'aides au doit reposer sur un fondement juridique solide et accompagner la distinction entre carrières courtes et carrières longues. La recherche d'équivalences dans le domaine de la formation en liaison avec l'éducation nationale, les facilités de formation par exemple, l'octroi de bourses pour les officiers de réserve en situation d'activité et l'introduction de projets de reconversion dans les carrières sont de plus en plus nécessaires. Les carrières longues, consécutives à une sélection progressive du personnel, doivent, quant à elles, s'intégrer dans une pyramide de grades qui assure, quelle qu'en soit la durée, une satisfaction matérielle et un épanouissement professionnel et personnel approprié. En matière de gestion, le principe de "carrière à dominante" et le suivi par spécialités davantage regroupées en familles d'emploi doivent trouver, avec le temps, leur place dans chaque armée et au niveau interarmées. Ce décloisonnement, opéré sans esprit de système, permettra une utilisation plus rationnelle de la totalité de la ressource humaine du ministère. Les dispositions de la loi 70-2, qui permettent la reconversion dans une autre administration, pourraient être étendues et adaptées afin de créer une réelle continuité, dans la fonction publique, entre militaires et civils. Une telle évolution constituerait une meilleure utilisation des ressources humaines de Enfin, il faut aborder ici la question spécifique des pensions militaires de retraite à jouissance immédiate ; ni dans leur fondement, rémunération différée, ni quant à l'âge de leur bénéficiaire, ces pensions ne sont réductibles à un avantage vieillesse comme les autres ni assimilables à une retraite de droit commun. ## Des Évolutions À Poursuivre Pour Chaque Catégorie De Personnels les officiers : les adaptations à conduire concernent plus particulièrement les grades terminaux. les et la sélection des futurs La gestion des fins de carrière et des grades terminaux est un problème qui se pose aujourd'hui pour l'ensemble de l'encadrement supérieur dans la fonction publique. Les débouchés de carrière des officiers doivent être maintenus à leur volume actuel et si possible améliorés, l'étroitesse de ces débouchés faisant peser un risque inconsidéré sur une organisation qui, comme les autres, a besoin d'une élite. La mise en situation plus précoce des futurs responsables des armées a pour objet de leur faire acquérir une vision globale des fonctions terminales envisagées pour eux et de cultiver les qualités de meneur d'hommes nécessaires à un chef militaire. Il faut admettre, parallèlement, que tous ne puissent atteindre le sommet de l'échelle et donc que certains se voient offrir, en compensation, des affectations hors institution à la hauteur de la formation acquise. La satisfaction des besoins en experts nécessite que soient organisés des schémas de carrière comparables à ceux pour consacrer en priorité l'exercice du commandement. Cette orientation implique l'établissement d'un meilleur compromis entre stabilité et mobilité. Les sous-officiers. L'évolution engaeée récemment aui vise à mieux différencier la durée des carrières doit être Poursuivie. A terme, il s'agit d'encourager les choix entre des carrières courtes, de l'ordre d'une dizaines d'années, et des carrières longues et complètes, trente ans et au-delà. Le but est de donner aux intéressés une claire vision de leur avenir, de mieux satisfaire les besoins des armées, de rentabiliser les formations dispensées et de faciliter la reconversion du personnel militaire. L'effort au profit des carrières courtes est ici particulièrement nécessaire : indemnité de départ, assistance à la reconversion en continuité avec l'action entreprise dans la formation initiale. Pour les sous-officiers, la question de la deuxième carrière se posera dès lors en des termes différents. Les militaires du rang sous-contrat. Leur recrutement, à un niveau qualitatif répondant aux besoins des armées, exige des contrats attractifs susceptibles de provoquer des candidatures en nombre suffisant. Mais en raison de la brièveté de leur carrière, d'une dizaine d'années en général suivant leur degré de qualification, le problème dominant sera celui de leur reconversion. Une action réussie en ce domaine ne peut que rejaillir favorablement sur le recrutement. ## 4.3. La Condition Militaire Le personnel militaire, comme d'autres catégories sociales, voit dans l'évolution de sa situation matérielle le signe tangible de sa place relative dans la société. Or, à niveau de recrutement équivalent à celui du personnel civil, des contraintes très particulières pèsent sur le métier militaire. Le militaire doit se préparer à exercer, dans des conditions difficilement prévisibles, une activité par nature marquée par la mort de l'adversaire, d'un camarade, de soi-même. Le recrutement d'un personnel jeune, gage d'une meilleure efficacité, la notion de contrat plutôt que de carrière, l'exigence de mobilité et de disponibilité, développent le sentiment de Aussi les contraintes du métier militaire continueront-elles à être allégées ou compensées de réduire tout décalage important avec les modes de vie de la société civile. ## Fixer Les Droits Et Obligations Particuliers Du Militaire Il convient, tout d'abord, de limiter les effets du cantonnement auauel sont astreints les militaires. aux seules situations nar les et les risques de la mission. Rien ne doit être imposé aux militaires, notamment quant à leur droit d'expression, qui les distinguerait des fonctionnaires sans nécessité reconnue. Le cas échéant, il convient de rechercher des adaptations. Les solutions adoptées pour la et la concertation des militaires illustrent ce principe. Elles ne constituent pas un mode dégradé des règles dont bénéficient les autres citoyens dans leur cadre professionnel, mais témoignent de la possibilité de trouver des voies originales dans le respect des exigences de la vie militaire. La demande de mise en place d'une assistance iuridiaue dans la vie professionnelle correspond de même à un besoin, de plus en plus exprimé et nourri par la volonté des intéressés que la prise en compte du caractère spécifique de la fonction et des responsabilités militaires soit garantie. Une harmonisation des solutions juridiques peut aussi se révéler nécessaire dans le futur pour tenir compte de la construction européenne sans pour autant renoncer à notre propre culture militaire. Le développement de l'interopérabilité ne se limitera pas à de stricts aspects tactiques et techniques. Il impliquera l'organisation d'un ensemble de règlesjuridiques, administratives et financières, applicables aux institutions comme aux individus pour permettre le fonctionnement et l'engagement opérationnel de forces multinationales. A terme, même si les questions d'harmonisation et de coordination internationale n'atteignent au début que les niveaux les plus élevés de la hiérarchie, la mise en place d'un statut international du militaire pourrait émerger au centre des réflexions. ## Améliorer La Condition Sociale Du Militaire L'armée exige le plus souvent un engagement complet et exclusif de ses membres et les impératifs du métier militaire débordent sur la vie familiale au point que condition du militaire et condition des familles sont étroitement liées. Ces impératifs et les conséquences qui en découlent en matière de disponibilité et de mobilité géographique font que : environ un tiers seulement des conjoints de militaires (selon les estimations disponibles, entre 30 et 40%) exercent une activité rémunérée, alors que, pour l'ensemble de la société francaise, ce taux est de 67% le volume des mutations avec changement de résidence est de l'ordre de 40 000 par an (en 1992) pour un effectif global de 300 000. Pour les officiers, il en résulte, en moyenne, une mutation tous les 4 ou 5 ans le "temps de présence professionnelle" des militaires, soumis aux astreintes les plus fortes, est nettement supérieur aux durées moyennes de travail des autres catégories La compensation de ces contraintes justifie le maintien voire l'amélioration des mesures spécifiques, notamment celles relatives à la politique sociale qui doit rester une composante essentielle de la condition des militaires. Cet élément est déterminant pour la cohésion de la communauté militaire. ## Compenser Les Conséquences De La Mobilité Géographique La mobilité est la source essentielle des contraintes qui pèsent sur le militaire et sa famille. Afin d'éviter un décalage trop important avec les modes de vie de la société civile, les mutations avec changement de résidence doivent être réduites au minimum Cette action ne pourra être menée à terme qu'après l'actuelle période de restructuration des armées et la stabilisation de leur format. Dans le domaine du logement, de grands progrès ont été accomplis en matière locative il s'agit maintenant de réduire les obstacles qui découlent de la mobilité géographique en matière d'accession à la propriété de ce qui sera la résidence principale. La politique du logement d'accueil dans toutes les garnisons sera poursuivie de même que l'effort particulier consenti en région parisienne et visant à réduire le entraîné par une affectation en Ile-de-France. Les militaires représentent enfin un moyen important et précieux pour aider les familles à régler le problème souvent difficile de la scolarisation des enfants. De façon complémentaire, une réponse sera recherchée à la demande d'aide au logement au profit des enfants du personnel militaire, qui poursuivent des études supérieures. ## 5 Le Personnel Civil De La Defense Concourant à la réalisation des missions des armées: le personnel civil tient une place importante dans l'organisation et le fonctionnement de la défense. Pour ce personnel civil, l'impératif d'adaptation au nouvel environnement des armées est également fondamental. Dans le cadre des restructurations engagées, un effort est réalisé depuis deux ans. Il comporte des mesures d'aide au départ et à la mobilité, ainsi que de formation et de reconversion (270 en 1994). Cet effort, complété par d'autres orientations doit être poursuivi. ## Vers Une Simplification Des Statuts Et Réglementations Ce personnel relève d'une grande variété de statuts et d'une multiplicité de réglementations qui appellent un important effort de simplification et de mise en cohérence pour toutes les catégories. Pour les fonctionnaires, il est souhaitable de regrouper certains corps de même niveau de Par ailleurs, pour les activités à caractère et un dispositif destiné à s'attacher les services de personnes civiles de haut niveau pendant une durée déterminée doit être maintenu.. Pour les ouvriers, un important effort de simplification et des classifications, de la nomenclature des professions et des modes de gestion est indispensable afin de développer la professionnelle, de mieux reconnaître l'importance de la formation et de la qualification, et de favoriser la mobilité professionnelle et, partant, la mobilité géographique. Cette évolution d'ensemble doit permettre aux directions et services du ministère de la défense de mettre en oeuvre, pour la partie industrielle de leurs activités, des pratiques et usages se rapprochant davantage de ceux de l'industrie. La valorisation des carrières professionnelles est nécessaire. Elle passe par diverses orientations : le renforcement de la mobilité du personnel civil ; sa participation, sur la base du volontariat et dans un cadre statutaire et réglementaire à définir, aux activités opérationnelles de soutien des forces engagées l'augmentation de la part des postes de responsabilité : la formation accrue. Dans le même esprit. il paraît souhaitable, dans un souci d'unité et de cohésion, de rechercher pour le personnel, toutes les opportunités de formation en commun, voire chaque fois que cela est possible, avec ses homologues militaires. Au total, ces orientations doivent permettre de diversifier les parcours professionnels et de favoriser une globale des ressources humaines du ministère. civiles et militaires. le fonctionnement des armées. ## La Condition Du Personnel Civil De La Défense Le personnel civil de la défense a principalement pour mission de participer à la conception et à la réalisation des matériels, ainsi qu'au soutien et à l'entretien des forces. Il tient ainsi une place très importante dans l'organisation et le fonctionnement des services de la défense et concourt efficacement à la réalisation des missions des armées. Sa condition juridique n'est cependant pas différente de celle des autres citoyens, sous réserve de certaines restrictions imposées à un nombre limité d'agents, du fait de la nature de leurs fonctions. Sa condition sociale est celle des agents publics de pour les fonctionnaires et les contractuels. Pour les ouvriers elle suit dans ses grandes lignes et selon les règles qui leur sont propres, les évolutions de la politique sociale dans la fonction publique. Dans ce cadre général, des contraintes peser sur le personnel civil de la défense et le maintien des existantes. Ces contraintes peuvent être dues à l'accomplissement des missions des armées affectant les conditions de travail du personnel civil, en termes de durée du travail ou d'astreinte. Elles sont, de manière générale, de plus en plus liées au vaste effort de restructuration de l'appareil de défense actuellement en cours. Il en découle, pour le personnel civil concerné par cette évolution, une exigence accrue de mobilité, tant professionnelle que géographique, d'un niveau et d'un rythme exceptionnels et inusités jusqu'à présent. Ces restructurations appellent la poursuite des mesures d'accompagnement, notamment dans le domaine de l'action sociale. Le capital humain demeure un atout principal de la défense. Inscrire la politique du personnel dans une vision à long terme, faire effort, avec les moyens correspondants, sur la qualité des hommes, leur recrutement et leur formation, par le biais notamment d'une plus grande ouverture, réaffirmer le droit à une seconde carrière et prendre en compte le souci de reconversion, mieux équilibrer les sujétions imposées aux militaires et en particulier la mobilité, assurer un véritable "soutien de l'homme", encourager la prévention et l'innovation participative, tels sont les grands axes de la politiaue des ressources humaines, pour l'armée mixte dont doit se doter la France. # Taux D'Encadrement Comparés En 1993 ![124_image_0.png](124_image_0.png) de carrière ou sous contrat - et les effectifs militaires budgétaires globaux, ![124_image_1.png](124_image_1.png) Taux de professionnalisation des forces en 1993 # Chapitre 7 : Politique D'Armement Et Stratégie Industrielle La politique d'armement est un élément essentiel de la politique de défense. Elle assure l'éauioement des forces armées. Elle est donc l'un des instruments de souveraineté de la nation. La politique d'armement s'insère également dans la politique industrielle du Sa comnétitivité est fondamentale. Il s'agit d'une nécessité vitale pour permettre aux armées de disposer de la qualité et de la quantité nécessaires à leur équipement en fonction des ressources financières disponibles. La compétitivité est aussi source d'efficacité de notre politique d'exportation qui produit à son tour des effets bénéfiques sur les coûts supportés par nos forces pour l'acquisition de leurs équipements. Disposer des outils et des capacités technologiques que requièrent nos forces, dans des conditions compatibles avec la nature de l'effort que la nation entend consacrer à sa défense, exige la vigilance de sur la des aujourd'hui et demain. Mais de nrofondes restructurations de l'outil industriel sont au plan national, comme au plan européen. Une révision des est en outre à prévoir, en fonction des modifications des menaces et des risques, des choix technologiques et des arbitrages financiers. Encore faut-il que ces mutations s'accomplissent dans le respect des objectifs supérieurs de la Nation et soient traitées comme un investissement pour l'avenir. Faute de continuité dans cet effort, les missions de nos forces ne pourront être assurées en totalité et notre industrie de défense devra s'effacer, tout comme probablement l'industrie de défense européenne dont elle constitue un élément majeur. Le Ministère de la Défense, responsable de la politique d'armement et de la tutelle du secteur industriel correspondant, doit conduire les évolutions nécessaires : en menant une véritable réflexion stratégique en matière technologique industrielle et de recherche de défense, pour mieux préparer l'avenir, en prenant en compte, comme un impératif et une chance, les nouveaux enjeux européens, en rénovant les relations qu'entretiennent et les industries d'armement, en associant à une politique de maîtrise des flux d'armements une politique d'exportation qui conservera à notre pays son autonomie et sa responsabilité sur la scène mondiale. ## 1 Defense Et Choix Industriels Et Technologioues Les industries liées à la Défense occupent une place importante dans l'économie française : 2 % du PIB marchand, 5 % de l'emploi industriel, 7 % de la production industrielle totale, 5 des exportations. Le secteur de la Défense recouvre dans la conception, la fabrication et les essais de systèmes un nombre important de compétences complexes que la France a développées au fil des années et des programmes. Ce tissu de compétences est unique en Europe : dans certains secteurs, la France occupe d'ailleurs des positions avancées (missiles guidage et aide à la pénétration des missiles, navigation inertielle, certains missiles optronique, matériaux énergétiques, etc.). De 1960 à 1985, cette industrie a été présente sur tous les créneaux d'équipements. Une telle situation n'est plus possible aujourd'hui, elle le sera encore moins à l'avenir en raison de la conjugaison de plusieurs facteurs : la complexité croissante des technologies, le coût en augmentation constante des organismes de conception et des installations d'essai, l'allongement de la durée des programmes, l'insuffisance du marché national, l'apparition de nouveaux concurrents internationaux. Ces modifications de l'environnement géopolitique et économique confirment qu'il n'est ni ni d'ailleurs nécessaire. aue la France et maintienne à elle seule l'ensemble de ces Les efforts de productivité engagés sont indispensables. Ils ne seront pas suffisants. Le moment est venu de déterminer la stratégie à entreprendre vis-à-vis des différents secteurs de l'industrie de l'armement. Faire seuls, partager ou abandonner ? Faire seuls est une ambition qui associe la volonté de conserver un haut niveau de formation et de recherche et l'assurance d'un financement suffisant de la collectivité. Partager est un concept qui nécessite au moins l'adhésion d'un partenaire. Abandonner suppose soit la disparition du besoin, soit l'assurance de trouver ailleurs et durablement la même qualité, dans les délais voulus et pour un prix acceptable. ## De Nécessaires Choix Technologiques Et Industriels L'analyse stratégique des technologies de défense requiert un effort permanent du ministère de la Défense. L'analyse déjà engagée devra permettre de constituer un outil nermanent sur ce D'ores et déjà, plusieurs orientations doivent guider les choix technologiques et industriels qu'il faut opérer dans le secteur de la défense : La France doit rester pleinement compétente pour tout ce qui a trait au nucléaire et à son environnement Cela inclut notamment les missiles stratégiques équipés de têtes nucléaires, les effets militaires des armes et leur capacité de pénétration des défenses adverses, les systèmes de lancement, les systèmes d'information et de communications, les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et leur discrétion acoustique, la capacité de détection sous-marine. Dans le domaine nucléaire, notre pays doit maîtriser la conception, la fabrication et la mise en oeuvre des systèmes. Ces filières technologiques et ces choix stratégiques participent en effet étroitement à la souveraineté nationale et sont indispensables à la mise en oeuvre des objectifs prioritaires assignés à la Défense. Pour d'autres secteurs stratégiques; la France peut des mais doit conserver les et la à et à fabriauer seule si nécessaire, Sont concernées les techniques qui participent à l'autonomie de décision et de commandement des forces (technologies sensibles nécessaires au renseignement durcissement des communications sécurité des systèmes de recueil et exploitation des informations), les techniques qui permettent de disposer d'un avantage opérationnel majeur des mobiles, guerre électronique), celles qui permettent de définir et réaliser des systèmes d'armes complexes. En dehors des des et des technologies énoncées précédemment, il n'est nas de domaine aui ne à terme, dans le cadre d'objectifs communs et suivant des procédures à définir, être avec d'autres navs euronéens. Ces procédures doivent permettre de se prémunir contre la perte ou le entretien" de ce qui serait abandonné par la France, d'assurer un partage équitable des tâches, de veiller à la faculté d'exportation des produits réalisés en commun et de disposer des résultats sur l'ensemble des travaux de recherche. Pour exister, l'Europe de la devra être capable de développer des capacités industrielles autonomes. Aucune n'est à ce niveau les nrincinaux svstèmes d'armes nécessaires à la défense de ses intérêts communs, comme les aéronefs de transport et de combat, les véhicules de combat terrestre, les navires de guerre et les systèmes satellitaires. Parmi les diverses compétences, deux domaines transversaux conditionnent la conception, la mise en oeuvre et l'intelligence des systèmes de défense et doivent être privilégiés dans les coopérations européennes : l'électronique de défense et les matériaux. Les matériaux sont à la base de l'efficacité des systèmes de défense. L'électronique de défense est fondamentale pour la performance des armements. La dualité. militaire et civile, d'une des industries en cause doit également être mise en dans ces choix industriels. Parmi les industries d'armement nécessaires à la défense de la France, certaines ont effet des retombées civiles plus importantes. L'ampleur de l'effort consacré à la recherche et au développement se justifie par l'utilité militaire des buts poursuivis. On ne peut cependant sous-estimer l'importance pour la Nation des retombées directes ou indirectes de technologies de pointe qui contribuent au développement d'activités dans le secteur civil. La recherche de défense participe ainsi au maintien et au développement, dans l'industrie et dans les laboratoires, d'une bonne compétence scientifique et technique. Au regard de cette orientation, l'aérospatial et l'électronique de défense sont les deux secteurs aui entraînent les retombées civiles les plus fortes. Ils représentent d'ailleurs chacun environ un tiers de l'activité globale d'armement. Enfin, dans certains autres domaines, on peut noter au contraire que la défense n'est plus le moteur de l'innovation ou n'a qu'un impact marginal sur le marché alors que les retombées de la recherche civile dans le domaine militaire sont souvent devenues très importantes : ainsi des télécommunications et de l'informatique (à l'exception de la capacité de résister à la guerre électronique), mais aussi des composants électroniques et des matériaux, dont certains peuvent cependant être spécifiques et critiques pour les systèmes de défense. Ces compétences sont accessibles au niveau mondial auprès de plusieurs sources. Dans ces domaines, on doit trouver avantage à une large ouverture des marchés. ## Une Politique Technologique Préparant L'Avenir. Ces différentes orientations, combinées les unes aux autres, doivent permettre à l'avenir d'opérer des choix technologiques et industriels pour déterminer quelles productions, compétences et technologies la France doit conserver en propre, chercher à développer en coopération ou acquérir sur le marché mondial. La préparation de l'avenir implique que ces orientations soient servies par une politique technologique volontariste. L'évolution des technologies, l'allongement de la durée des programmes depuis les phases de faisabilité jusqu'au moment du retrait de service des matériels, la maîtrise des budgets de défense rendent nécessaire que veille en permanence au maintien de l'aptitude industrielle à réaliser, le moment venu, les systèmes d'armes performants dont nos forces auront besoin. Le maintien des compétences d'étude et de développement des industries de la défense, et donc de leur indépendance à terme, passe par une politiaue ambitieuse des dévelonnements exploratoires souvent menée avec nos partenaires européens, politique qui ne doit pas préjuger des décisions de lancement de programmes. Ces projets, dont coût doit être également évalué et maîtrisé, peuvent plus facilement préparer des synergies et des alliances futures que les programmes eux-mêmes, plus délicats et plus longs à mettre en place. Orienter la recherche de défense en tenant compte à la fois des possibilités technologiques et des besoins opérationnels futurs, définir des plans technologiques et des programmes pluriannuels de recherche, optimiser les moyens matériels et humains dans le cadre dune politique de compétences, promouvoir l'innovation et organiser le transfert de la recherche vers les applications, réaliser, à chaque fois que cela est possible, l'osmose entre la recherche civile et militaire, favoriser la coopération internationale et prioritairement européenne, tels sont les objectifs d'une politique scientifique et technique ambitieuse. ## 2 La Dimension Europeenne La création d'une Europe de la défense est l'industrie un imnératif et une chance. L'Europe sera longue à construire et sa géométrie pourra évoluer au fil du temps. Sans attendre, Etats et industriels doivent s'engager dans une série d'actions concrètes et volontaristes destinées à prolonger les premiers résultats obtenus. d'armement conventionnel maieur futur ne semble pouvoir à la loniaue de la coonération. Le coût de la non-coopération s'avère en effet prohibitif en raison du prix des développements, de celui des moyens d'essais, des effets de série, du resserrement ou de l'accessibilité des marchés à l'exportation. Seuls des critères de stricte indépendance nationale pourront alors, dans des secteurs très limités, justifier d'assumer un tel coût. La coonération nolitiaue a déjà ouvert le chemin à la coonération sur les au moment où celle-ci devenait une nécessité économique. D'abord voulues par les Etats, puis acceptées et recherchées par les industriels, les coopérations sur les programmes ont provoqué des accords industriels de mieux en mieux construits et durables. Les principales entreprises sont donc déjà sur la voie d'une concentration à l'échelle européenne. Le mouvement mérite d'être encouragé, notamment à travers le rôle que joue comme actionnaire des entreprises publiques. En s'associant, les partenaires européens pourront faire jeu égal avec la concurrence, qui se situe au niveau mondial, et développeront leur compétitivité. Cette politique implique aussi que les Etats européens manifestent leur solidarité à travers une préférence euronéenne. La France doit convaincre ses partenaires de la nécessité d'une stratégie commune, faute de quoi le déclin de l'industrie européenne d'armement sera amorcé et l'indépendance de l'Europe mise en cause. L'intérêt et la nécessité conduisent à s'engager simultanément, avec différents Etats européens, dans des coopérations sur les programmes et dans des alliances industrielles. Parallèlement aux concentrations industrielles donnant naissance à des groupes de plus en plus internationaux, il importe que les Etats coordonnent davantage leurs efforts. C'est pourquoi l'organisation de la coopération allant jusqu'à la mise en commun de moyens de négociation, d'évaluation et d'essai est indispensable. L'intégration dans du Groupe Européen Indépendant de Programme et l'Agence européenne de l'armement prévue par le Traité sur l'Union Européenne constituent des cadres possibles pour cette politique. ## La Coopération Sur Les Programmes Des règles simples et efficaces doivent être aujourd'hui proposées pour dynamiser le processus de coopération sur les programmes d'armement, afin d'en tirer bénéfice en matière de coûts de développement, d'industrialisation, de production et de soutien. La concertation entre les différents états-majors et services officiels concernés doit être renforcée le plus en amont possible, de manière à obtenir le meilleur compromis sur les spécifications opérationnelles et à limiter autant que faire se peut les spécificités nationales. Il doit en aller ainsi, par exemple, pour le projet qui apparaît fondamental aussi bien pour les besoins opérationnels que sur le plan industriel, de l'avion de transport tactique européen. Les entreprises doivent aussi s'intéresser à ce processus en proposant les aménagements techniques et industriels nécessaires pour garder ces programmes dans des enveloppes financières acceptables. Le nombre de partenaires majeurs d'un programme devra être limité et les partenaires ultérieurs doivent accepter les conditions des initiateurs afin d'éviter des remises en causes ultérieures. Les règles de fonctionnement et de gestion seront adaptées au poids réel de chacun des partenaires. Un véritable maître d'oeuvre industriel sera recherché systématiquement afm de fixer clairement les responsabilités. En accord avec les services officiels, il aura recours à la concurrence pour les sous-systèmes en privilégiant les offres européennes par des choix raisonnés sur leurs spécifications. Les partenaires devront ensuite s'interdire de remettre en cause, pour la phase de production, la répartition des tâches effectuées au cours du développement. Enfin, l'acquisition de matériels déjà en production dans d'autres pays européens sera envisagée de manière très large, dans le cadre d'un marché où la réciprocité devra être la règle. ## Les Alliances Industrielles En Europe, les séries nationales d'équipements sont trop courtes, l'application programme par programme de la loi du juste retour dans les coopérations est globalement antiéconomique, les entreprises n'atteignent pas la taille critique, la recherche reste éparpillée et les énergies sont dispersées. Les restructurations de l'industrie européenne d'armement sont donc devenues indispensables afin de faire face à la concurrence internationale, notamment américaine. Même s'il faut chercher à éviter les situations de monopole, l'objectif de toute stratégie de restructuration devrait être d'arriver, au niveau européen, à constituer dans chaque secteur des sociétés de taille mondiale. Les entreprises sont les premières responsables de ces alliances. Celles-ci doivent néanmoins être encouragées et accompagnées par les Etats car elles posent des problèmes nouveaux : règles nationales de sécurité à élargir, règlements et politiques d'exportation à coordonner, financement des recherches amont à concerter, questions relatives à l'actionnariat, au financement des nouveaux programmes, aux réglementations communautaires, etc. Ces restructurations et les positions dominantes doivent être désormais jugées à l'échelle du marché mondial. Ces opérations devront s'inscrire dans les politiques de développement régional et de reconversion des bassins d'emplois ; en conséquence, l'insertion dans le dispositif d'aides communautaires devra être recherchée. Il est souhaitable, lorsque cela est possible, que ces regroupements, réalisés par métiers, soient adossés à de grands pôles multisectoriels, industriels et financiers, en raison des avantages qui en résultent : surface financière accrue donnant un poids plus important dans les négociations stratégiques, réseaux commerciaux plus étendus, pool de technologies, diversifications, moindre sensibilité d'ensemble aux fluctuations d'activités d'un secteur. Dans les années à venir des rapprochements dans certains pôles majeurs seront menés : Le domaine des missiles représente un élément de cohérence fondamental de tous les systèmes d'armes. La restructuration de ce secteur est presque réalisée aux Etats-Unis. Deux grands pôles européens sont à constituer. L'ensemble représentera plus des trois-quarts du chiffre d'affaires missiles de l'industrie européenne. Des évolutions ultérieures pourront encore accroître son efficacité industrielle. La restructuration du secteur des armements terrestres est indispensable. L'objectif politique de standardisation des éauioements du s'il était affirmé, constituerait un encouragement et une base pour ce processus. Dans le domaine des avions, le tissu européen est fragmenté au plan industriel et au plan des programmes. La survie d'une industrie européenne passe par l'appui réciproque entre les activités civiles et militaires au sein des mêmes groupes, ce d'autant plus que les délais s'accroissent entre les programmes. Le secteur des satellites, malgré la constitution d'alliances, reste très morcelé. La constitution d'un ou deux grands pôles européens est à envisager. Là encore, espace civil et espace militaire sont concernés. L'urgence reste de redéfinir une véritable politique spatiale européenne. Dans le domaine des il apparaît qu'une démarche européenne devient indispensable. Pour la France, une telle perspective imposera sans doute de procéder d'abord à une adaptation structurelle des activités de la direction des constructions navales, afin de mettre celle-ci à même de jouer son rôle national et international dans des conditions acceptables. Face à la complexité croissante des systèmes et aux défis technologiques qu'ils représentent, des canacités en matière de simulation. de test et d'essais doivent être développées. Ces moyens, qui représentent une part importante du coût de développement des programmes, ne sont plus à la portée d'un seul pays. La mise à disposition ou en commun de moyens existants, la concertation avant tout nouvel investissement lourd envisagé par des partenaires, la constitution de centres d'essais et de recherches européens figurent parmi les premières orientations à engager. ## Des Liens Avec Différents Etats Européens Pour des raisons à la fois politiques, économiques et de défense, tout le continent européen est concerné par l'évolution du potentiel industriel de l'armement, les coopérations, les programmes et les alliances industrielles. S'il faut identifier avec soin les domaines techniques et industriels de coopération avec les pays de l'ex-Union Soviétique, des collaborations permanentes ne pourront s'intensifier que lorsque la stabilisation interne et externe de ces pays aura suffisamment progressé. L'ensemble des nations d'Europe occidentale doit être associé à la démarche européenne en trouvant pour chacun des futurs partenaires des créneaux industriels où peuvent s'exercer leurs compétences. Avec l'Italie et la Suède, pays qui sont dotés d'un potentiel industriel important, nos relations industrielles devront être développées. Il en va de même avec l'Espagne et les Pays-Bas. Mais c'est bien sûr avec nos deux partenaires dont la taille et les enjeux sont comparables aux nôtres que les efforts de coopération sont à conduire en priorité : avec l'Allemagne, à laquelle nous lie une longue pratique de la coopération, illustrée aujourd'hui par des programmes majeurs dans le domaine des hélicoptères et des missiles, la mise en place d'une structure destinée à rationaliser la coopération bilatérale dans le domaine de l'armement devrait conférer une dimension nouvelle à ces relations, tout en préservant les actions plus larges qui conduiront à la constitution de l'Agence Européenne de avec la Grande-Bretagne, pays européen avec lequel nous avons déjà réalisé des programmes importants et dont l'effort de recherche et de développement et le potentiel industriel se comparent le plus au nôtre, toutes les convergences possibles doivent être explorées. ## 3. Des Relations Renovees Entre L'Etat Et L'Industrie D'Armement Seul client national, finance très généralement la recherche, le développement, l'industrialisation et les principaux moyens d'essais qui sont nécessaires au déroulement des grands programmes et qui sont essentiels pour la maîtrise des technologies ; il veille aussi au respect des règles de sécurité, contrôle les exportations, encourage les coopérations. Les nouvelles conditions de l'environnement européen et international et les effets qu'elles ont eus sur l'évolution des budgets de défense imposent une révision du cadre de discussion des acteurs étatiques et industriels. ne comme par le soutenir son industrie d'armement dans tous les domaines. de mieux préparer l'industrie d'armement française à la modification du paysage européen et mondial et d'assurer la gestion optimale des crédits publics, les relations entre et les industries d'armement doivent être redéfinies pour améliorer la compétitivité de ces dernières, les préparer aux restructurations européennes, maîtriser les coûts d'acquisition des systèmes d'armes et diversifier les modes d'acquisition. ## Un Etat À L'Action Recentrée Et Prévisible Le rôle de dans le secteur de la défense devra évoluer dans les années à venir. Pendant de nombreuses années, et encore aujourd'hui pour les constructions navales, a exercé des activités industrielles directes. A l'avenir, son action dans ce domaine sera restreinte, même s'il pourra conserver une vocation à jouer un rôle d'industriel pour des raisons d'indépendance nationale. En fonction, entre autres, de ce critère, les activités industrielles menées au sein de la Délégation générale pour l'armement pourront voir leurs structures évoluer. L'ouverture du capital de certaines entreprises publiques leur donnera une plus grande mobilité stratégique et industrielle. Elle leur permettra de nouer des alliances porteuses de synergies. Elle constituera un élément de la construction européenne. Au préalable, aura cependant dû mener à bien l'adaptation industrielle et financière des entreprises en cause. doit aujourd'hui, pour des raisons de compétitivité, inciter les entreprises à éliminer les surcapacités. Rien ne doit retarder cette adaptation dont le caractère douloureux ne peut que s'accroître avec le temps. Pour autant, les conséquences sociales de ces transformations appellent un esprit de partenariat entre et les entreprises concernées. Dans ce cadre, une attention plus grande devra être portée au tissu des entreprises souvent appelées de "deuxième niveau" (PME-PMI). Ces entreprises sont à la source d'innovations indispensables à la défense elles sont en outre à l'origine d'équipements et de composants nécessaires à la cohérence globale de nos systèmes d'armes. Leur fragilisation provoquerait celle de notre industrie de défense dans son ensemble et, à terme, pourrait mettre en cause notre indépendance. Il convient de veiller particulièrement au caractère équilibré des relations entre maîtres d'oeuvre et sous-traitants et de prendre l'initiative des mesures correspondantes. Les PME-PM1 de l'armement peuvent apporter à la constitution de groupes ou d'alliances les atouts technologiques et économiques qui renforceront la position de ces derniers au niveau mondial. Les nouvelles conditions de l'environnement européen et international et leurs conséquences en termes budgétaires imposent ainsi une révision du rôle de Celui-ci va devoir opérer des choix quant à ses interventions. Il devra également s'y tenir de garantir à ses partenaires la prévisibilité et la sécurité de ses engagements, qui sont au moins aussi importantes pour eux que le niveau de notre effort de défense. C'est pourquoi les lois de programmation doivent déterminer distinctement les programmes d'armement et donner les orientations pour le maintien des compétences de l'industrie dans les secteurs considérés comme stratégiques. ## Maîtriser Les Programmes Et Réduire Les Coûts Des Systèmes D'Armes L'évolution des technologies entre deux générations de systèmes d'armes induit des augmentations de coûts qui deviennent insupportables dans l'environnement actuel. Aussi, pour permettre à de se doter des équipements militaires qu'il a retenus dans le cadre de sa politique de défense et pour gagner la bataille de la compétitivité à l'exportation, est-il indispensable de diminuer le coût des d'armement. Cela impose d'analyser les facteurs internes (industriels et étatiques) et externes qui les ont déterminés jusqu'à présent, puis de mettre en place des procédures et des structures permettant de se rapprocher le plus possible des conditions de la concurrence. Des considérations étrangères à la seule logique industrielle sont en effet imposées au secteur de l'armement. Le coût des facteurs externes ne peut généralement pas être imputé aux matériels d'armement, mais il convient d'en identifier correctement les conséquences. L'impératif de souveraineté nationale ou les exigences de politique industrielle ont conduit à limiter très sévèrement les achats à l'étranger dans le passé et à écarter du secteur concurrentiel des pans significatifs de l'industrie d'armement. Les contraintes d'aménagement du territoire opposent également souvent un obstacle à des restructurations de l'outil industriel, au détriment de l'optimisation des capacités globales donc des coûts. Ainsi lorsqu'on tente de faire la part des facteurs ci-dessus en isolant le "juste prix" des matériels d'armement des externes supportés par le budget de la Défense, on aboutit à la conclusion que, sur les montants dépensés annuellement pour l'acquisition, plusieurs milliards relèvent du financement de ces contraintes. Il faut chercher à mieux cerner ce montant et mesurer l'influence de ces facteurs. ## La Maîtrise Des Facteurs Internes Doit Être Recherchée Avec Vigueur. Le processus d'acquisition d'armements, basé sur l'enchaînement "expression du besoin, rédaction des spécifications, exécution du contrat", met en jeu les responsables opérationnels, les services officiels et les industriels. Il se déroule de manière itérative autour de méthodes de conduite de programme qui visent à remplir le rôle d'un marché souvent inexistant, en évitant une spirale trop inflationniste. Chacun des trois acteurs est la source d'une partie des coûts du programme soit directement (caractéristiques militaires, fabrication) soit indirectement (choix des méthodes, mise en concurrence, essais et expertise technique, procédures d'approbation et de contrôle). Une véritable révolution des esprits doit s'exercer aujourd'hui pour rénover nos méthodes de définition du besoin, de réalisation, d'acquisition et de commercialisation des systèmes d'armes. Elle passe par différentes évolutions : Les équipes intégrées sur les programmes sont, en liaison avec les industriels, à encourager, spécialement dans les premières années d'un programme où les décisions engagent l'essentiel des coûts. Cette attitude revêt une importance particulière dans les programmes en coopération où l'harmonisation des besoins opérationnels ne doit plus se traduire par leur cumul risquant de conduire à des programmes peu économiques , voire irréalistes. Les caractéristiques militaires doivent éviter le perfectionnement excessif et rester stables dans le temps. A cet effet, diverses actions complémentaires doivent être engagées (analyse de la valeur, réduction de la durée des développements, recherche du caractère forfaitaire des contrats.. La méthode de contrôle des prix industriels doit être incitative pour permettre à une fois une certaine expérience acquise, un accès plus rapide au coût réel et pour inciter l'industriel à réduire ses coûts, donc les prix. Les procédures de passation et d'exécution des marchés publics doivent être révisées pour tenir compte des spécificités des matériels d'armement et de l'ouverture européenne. ## Diversifier Les Modes D'Acquisition La comparaison avec les prix pratiqués sur le marché international doit être recherchée chaque fois qu'elle est possible et constituer un critère essentiel de choix. Cette analyse est à effectuer soit sur des matériels complets, soit sur des éléments ou sous-ensembles. Une répartition des matériels d'armement en trois catégories est souhaitable, la décision d'acheter à l'étranger ou de faire fabriquer en France étant alors prise en toute connaissance de cause : Catégorie 1 : Les systèmes d'armes majeurs pour lesquels aucune référence internationale de prix global n'existe, même si tous les éléments de comparaison seront systématiquement recherchés. Ce sont les armes de suprématie (armes nucléaires, missiles stratégiques, sous-marins nucléaires, etc) nécessitant le maintien en France, ou parfois en coopération européenne, de compétences et de capacités de production. Les procédures d'acquisition actuelles feront l'objet des rénovations qui viennent d'être citées. 2 : Les systèmes d'armes et matériels complexes dont la définition, tant au niveau du besoin que des spécifications, est délicate. Dans le cadre des procédures d'acquisitions actuelles rénovées, la consultation européenne, voire internationale doit devenir systématique. Catégorie 3 : Les matériels les plus communs (en général ceux disponibles sur le marché sans modification significative ; par exemple véhicules de transport, remorqueurs de port, avions légers d'entraînement, etc). Le recours à la DGA resterait possible mais la recherche du coût minimum au moyen des diverses des procédures procédures d'acquisition sera prioritaire, avec alors définition adaptées de qualifications et de suivi. L'achat sur étagère de matériels français ou étrangers existants est souvent une bonne solution à court terme pour les équipements les plus classiques, en prenant garde que tout aménagement des spécifications entraîne une sérieuse augmentation des coûts. Cette politique suppose la réciprocité des échanges, dans le cadre dune préférence européenne claire. Au total les choix entre achat sur étagère, programme national et programme en coopération devront désormais s'effectuer à partir d'analyses exhaustives et rigoureuses des avantages et inconvénients opérationnels, industriels, politiques et économiques de chaque solution. La de coût doit être au coeur de ces choix comme dans tout rapport industriel entre un fournisseur et ses clients. ## 4. Une Politique En Matiere D'Exportation. Résultant de la conjonction de notre politique étrangère indépendante et de la recherche d'autonomie nationale, l'activité d'exportation d'armement de la France a situé notre pays, dans les deux décennies passées, au troisième rang mondial des fournisseurs d'équipements de défense. avec environ 10 % du marché, sensiblement à égalité avec la Grande Bretagne et loin derrière les Etats-Unis et l'URSS, qui se partageaient de façon à peu près égale 70 % du marché mondial. La France a exporté ainsi environ 35 % de sa production d'armements classiques. Le montant correspondant représente environ 5 % des exportations françaises sur la période considérée, et plus de 15 % des exportations de biens d'équipement. Il s'analyse en solde positif pratiquement net pour notre balance commerciale, nos importations d'équipements de défense étant limitées. Ces chiffres rendent compte incomplètement des bénéfices que la nation a retirés de l'exportation. En effet, constituant la principale source d'autofinancement de l'industrie nationale et garantissant le maintien des compétences techniques et industrielles, l'exportation nous a permis de rendre compatibles les exigences de notre politique d'indépendance dans le domaine de l'armement avec les limitations liées à la taille de notre pays et de nos forces armées, et à la part des ressources budgétaires que la nation pouvait consacrer à son équipement de défense. L'exportation a aussi été un instrument de la politique extérieure et de la présence de la France dans le monde. Les exportations sont devenues aujourd'hui plus difficiles, dans une situation marquée par la multiplicité des risques d'instabilité, les réductions liées aux accords de maîtrise des armements et de désarmement, la baisse des budgets de défense dans certaines zones du globe, qui rendent virulente la concurrence entre les entreprises. Cependant la poursuite dune politique d'exportation est nécessaire, dans le respect d'une politique de maîtrise des flux d'armements. ## 4.1. L'Importance De L'Exportation. La France maintiendra son effort à l'exportation, à la mesure des besoins économiques qui le motivent, et aussi des objectifs politiques qu'elle poursuit. Elle le fera dans le strict respect des régimes de non prolifération et dans l'esprit des initiatives internationales de modération et de transparence dont nous sommes solidaires. Pour ce faire, la procédure nationale de contrôle des exportations au niveau interministériel' est appropriée. Elle doit être maintenue dans son principe, même si elle est susceptible d'aménagements, de même que le principe de décision sur la base de l'examen au cas par cas des demandes d'exportation. Notre politique en matière d'exportation doit voir son dispositif de soutien renforcé et ses premières adaptations à l'Union européenne engagées. ## . Un Dispositif Renforcé De Soutien À L'Exportation Dans un climat de concurrence toujours plus vive, il nous faut renforcer l'efficacité de notre dispositif d'exportation d'armement par une série d'actions coordonnées : sans renoncer à l'idée que la responsabilité commerciale et contractuelle appartient aux industriels, il convient de pouvoir recourir le cas échéant à des accords cadres à Etat, ou à des solutions analogues cette évolution correspond en effet à celle de la demande, à laquelle nos compétiteurs accèdent. à l'instar de la plupart de leurs homologues, nos armées doivent être davantage associées aux opérations d'exportation d'armement, en amont des contrats et au cours de leur exécution CIEEMG : Commission Interministérielle des Exportations de Matériel de Guerre dispositif financier doit aussi être amélioré, il convient que notre système de crédit garanti, dans les limites fixées par le respect de nos équilibres financiers nationaux, se montre efficace et adapté l'approche des qui s'imposent de plus en plus à nos exportateurs comme une obligation, est à structurer la communication entre les industriels de l'armement, traditionnellement isolés, et les autres acteurs de l'activité économique doit d'abord être plus fluide par ailleurs, pour les grands contrats, les programmes de compensation pourraient être cautionnés et gérés par l'administration francaise les exportateurs doivent recevoir, quand cela est nécessaire, un soutien gouvernemental et politique du niveau de celui dont jouissent nos principaux concurrents le préalable à cette action repose sur une bonne information et une bonne coordination interministérielle, utilisées en liaison avec les industriels concernés. ## L'Exportation Et L'Union Européenne Faute d'une rapide émergence d'un grand marché intérieur européen des armements fondé sur la préférence européenne, exnorter hors de comme une nécessité. Cependant se pose dès maintenant le nroblème de la et de l'unification des réglementations nationales de contrôle des exnortations, et à plus long terme celui de l'harmonisation des positions nationales à-vis des exportations d'armement. est nécessaire de rechercher rapidement, de façon pragmatique et en privilégiant le dialogue' avec nos principaux partenaires européens, dans le prolongement des arrangements que nous avons su trouver dans le passé avec la RFA et la Grande Bretagne, les conditions dans lesquelles l'autorisation d'exporter vers des pays tiers les produits issus de la coopération industrielle de nos industries d'armement pourra être accordée. L'internationalisation de l'industrie d'armement invite d'ailleurs à intensifier la concertation entre les Etats impliqués dans des coopérations. A ce titre, pourrait être envisagée la mise en place de structures à haut niveau de consultation, voire de contrôles conjoints, pour l'exportation des principaux matériels Une politique euronéenne harmonisée d'exnortation d'armement, avec son appareil et ses procédures de contrôle, est un objectif à terme rapproché, lié à l'approfondissement de la Politique étrangère et de sécurité commune. ## 4.2. La Maîtrise Des Flux D'Armements Le contrôle des exportations d'armement a pour objet de concilier les objectifs politiques et économiques de nos ventes d'armes avec le devoir de maintenir, de favoriser ou de rétablir la paix. En ce sens, la politique d'exportation de la France est guidée par des principes de modération et de suffisance. Les critères liés au maintien des équilibres régionaux à des niveaux d'armements bas sont pris en compte dans ses décisions. Grâce à un dispositif administratif et juridique complet, à l'approche interministérielle permanente et aux règles de conduite établies entre la puissance publique et les industriels de la Défense, le système de contrôle des exportations vise l'efficacité et la rigueur. Au plan international, plusieurs cadres ont été développés ces dernières années dont : l'exercice de concertation entre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, débuté en 199 1 le registre des armes conventionnelles mis en place au sein de les travaux de la CSCE les efforts d'harmonisation qui ont précédé le Traité sur l'Union Européenne. ## . Evolutions Futures Dans les années à venir, des facteurs nouveaux viendront modifier les conditions d'exercice de ce contrôle et sans doute sa portée. Ils seront d'ordre politique, économique et technique. D'ores et déjà, à la notion de contrôle s'adjoignent celles de transparence, de retenue et de maîtrise des flux qui dépassent le cadre national. 1. Les systèmes de transparence internationale vont se développer. L'évolution prévisible du registre des armes conventionnelles de 1'0 N U devrait aboutir à un inventaire de plus en plus exhaustif des flux d'armement grâce à l'extension de son aire géographique et à l'affinement du système La distinction entre armes conventionnelles et armes de destruction massive pourrait s'avérer tenue. Les interférences entre les technologies mises en oeuvre, la multiplicité et l'opacité des sources d'approvisionnement pour la reconstitution de d'armes, rendent plus difficile à contrôler l'utilisation finale des éléments exportés, des vecteurs. 3. La maîtrise industrielle des produits susceptibles de contrôle l'exportation ne sera seulement nationale. Une part croissante de ces produits proviendra soit de programmes en coopération, soit d'entreprises multinationales, soit de filiales étrangères d'entreprises francaises, soit enfin de la sous-traitance à l'extérieur du territoire. 4. La maîtrise des technologies de pointe constitue un atout stratégique. Sa recherche se traduit par la circulation transfrontalière de supports quasi-immatériels et de scientifiques et techniciens. Les régimes actuels ne sont pas à même de ces flux qui contribuent à la prolifération dans tous les domaines d'armement. L'Union Européenne s'intéressera aux exportations d'armement et aux transferts sensibles. Une liste de "critères européens" concernant les transferts d'armements conventionnels a été adoptée dès juin 1991. Lors de l'adoption du Traité sur Européenne, le contrôle des exportations a été mentionné parmi les domaines susceptibles de faire l'objet d'une action commune. ## Positions De La France À L'Égard De Ces Évolutions La mise au point d'une méthode générale permettant de traiter de responsable la question des transferts internationaux d'armement sera longue, mais il d'un processus indispensable à la stabilité dans le monde. La politique inspire des principes suivants : La France conçoit la politique d'exportation d'armement comme un élément de souscrit aux efforts de transparence internationale dans le domaine des d'armement et adhère aux principes de retenue qui s'expriment désormais des enceintes multilatérales. Elle participe activement aux actions menées en ce ie cadre de forums internationaux. Dans le cadre européen, l'harmonisation des politiques et des procédures de contrôle est amorcée. Elle constitue un aspect de la Politique Européenne et de Sécurité Commune et se justifiera d'autant plus que s'accroît le volume des matériels produits en coopération européenne. Une politique des transferts internationaux d'armements passe nécessairement par un contrôle des exportations au niveau de chaque Etat. Les Etats ne disposant pas d'un tel système doivent être aidés à le mettre en place : encouragement et soutien à la mise au point des structures administratives adaptées, élaboration des lois nationales appropriées avec contrôles spécifiques, promotion des échanges d'informations entre organismes nationaux chargés de la mise en oeuvre des politiques de contrôle, élaboration de "codes de bonne conduite" dans les régions sensibles. Le domaine de l'industrie d'armement est sans doute l'un de ceux où la construction européenne ne peut guère attendre. Des pans d'activités entiers sont en cause. Les efforts nécessaires devront s'inscrire dans une politique globale qui comprendra également les exportations et une participation active au contrôle des flux d'armement et des transferts de biens et de technologies. Préparer l'avenir nécessite que soient cernés très précisément les domaines d'excellence et de souveraineté, car ne pourra ni soutenir l'ensemble des activités ni conserver son rôle industriel actuel. # Chapitre 8 : L'Effort De Défense L'effort que la France consacre à sa défense résulte d'abord des choix politiques de la nation. Son ampleur est à la mesure de l'enjeu : assurer en permanence la survie, l'indépendance et le rang du pays. Sa définition dépend tant des objectifs définis dans les domaines militaire, technologique, industriel ou international, que des inéluctables contraintes budgétaires. Elle prend également en compte son importance pour l'économie en général et le rôle particulier du secteur industriel de l'armement. Pour les quinze prochaines années, tout en permettant de répondre aux ambitions de notre politique de défense, l'effort de défense doit s'inscrire dans le cadre d'une méthode de programmation réhabilitée, éclairée par des travaux de planification à lc terme. ## 1 Le Niveau De L'Effort De Defense 1.1. Evolution et des efforts de défense de la France et de ses L'analyse des efforts de défense des partenaires de la France met en valeur les particularités propres à chaque pays, et permet de situer le nôtre tout en soulignant ses spécificités. ## . L'Effort De Défense Des Grands Pays Industrialisés Les Etats-Unis, par l'effort accompli au cours des armées 1980, ont accumulé une avance et une supériorité technologique incomparables. En conséquence, ils ont ramené ces dernières années de à du PIB leur effort de défense, en réduisant le format de leurs armées. Celui-ci reste toutefois considérable. En outre, l'accent est plus que jamais porté sur la qualité du matériel. Il apparaît que même à % de leur PIB et avec un budget de 250 milliards de dollars courants en 1995, les Etats-Unis demeureront la première et seule superpuissance militaire mondiale, d'autant que leurs forces sont dans tous les domaines équipées des matériels les plus modernes. Leurs économies résultent pour l'essentiel de fermetures de bases et de réductions d'effectifs (30% environ) appliquées à peu près également aux trois armées et aux personnels civils. L'Allemagne, avec 48 milliards de deutschemarks (soit 163 milliards de francs) a baissé son effort de défense à du PIB. Certes, une comparaison avec la France est difficile car elle porte sur des réalités différentes. Ainsi, l'Allemagne n'a pas de dépenses nucléaires et sa Marine n'est pas comparable à la nôtre. Elle est contrainte à une réduction du format de ses armées (Ouest et Est confondus) par les dispositions du Traité 4 + 2. Par ailleurs, comme celui des Etats-Unis, son budget de défense ne comprend pas la gendarmerie. Le budget allemand est pour l'essentiel consacré aux armées de Terre et de l'Air. Dans les conditions budgétaires qui leur sont faites, les responsables allemands estiment ne pas pouvoir maintenir des armées de 370 000 hommes avec un niveau d'équipements modernes : la remise en question du programme d'avion EFA en est un exemple. Il semble très vraisemblable que l'Allemagne porte, à terme, son effort de nouveau à un niveau supérieur. La Grande-Bretagne consacre % de son PIB à sa C'est le pays dont la situation est la plus proche de celle de la France car il dispose d'une force nucléaire, d'une marine et d'une armée de l'air semblables aux nôtres, du moins quant aux effectifs. En revanche, l'armée de terre entièrement est deux fois moins nombreuse que la nôtre, et le budget britannique n'a à sa charge ni gendarmerie ni établissements industriels étatiques. Parmi les puissances comparables, l'effort de défense britannique est celui qui est le plus voisin du nôtre : hormis le nucléaire et le spatial, la Grande-Bretagne est en mesure d'équiper ses forces de matériels "nationaux". La contrepartie et d'une Royal Navy et d'une Royal Air Force à de respectables niveaux, est une stricte limitation des effectifs de l'armée de terre. Comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne fait appel à des personnels civils dans des proportions beaucoup plus importantes que la France (50% de plus). Le Japon, en maintenant un effort de défense à environ 1 % de son PIB, assure en réalité à sa défense un budget du même ordre de grandeur que la France, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. Mais ce budget est entièrement consacré à la constitution et à la modernisation de forces classiques "d'autodéfense", dont le niveau d'équipement pourrait donner à ce pays, dans une dizaine d'années, une des forces militaires classiques les plus puissantes du monde. ## L'Effort De Défense De La France L'ampleur, les enjeux et les caractéristiques propres de l'effort de défense impliquent une politique de long terme et une cohérence globale, militaire et économique. La question d'un indicateur svnthétiaue de l'effort de défense, de sa pertinence pour les comparaisons internationales, est posée depuis longtemps. Elle est compliquée par les différences inhérentes aux histoires de chaque pays, notamment aux rapports complexes entre l'industrie d'armement et l'économie dans chacun d'entre eux. Mesurer l'effort financier global de chacun par le rapport de l'ensemble des dépenses de défense, pensions comprises, au produit intérieur est la moins mauvaise réponse. C'est la norme retenue par et qui s'est imposée au niveau international. Elle offre l'avantage de séries homogènes dans le temps et entre pays, ce qu'aucune autre référence ne peut établir. La défense de la nation exige par la nature des équipements en jeu, par la longueur des cycles productifs, par l'investissement dans la formation des hommes qui l'assurent et l'ampleur des moyens financiers en cause, un effort continu et régulier. Le Livre Blanc de 1972 soulignait déjà "qu'il faut avoir clairement conscience qu'une impasse dangereuse sur les moyens de la défense ne se corrige que lentement et peut être irréparable". Ces raisons expliquent que, depuis 1962, notre effort de défense en matière d'équipement suive l'évolution du PIB, avec une continuité remarquable, que ne démentent pas des inflexions tantôt plus rapides dans les périodes de montée en puissance, dans le domaine nucléaire notamment, tantôt moins rapides. Sur trente ans, l'effort de défense a strictement épousé l'évolution économique du pays mesuré par la progression du produit intérieur brut, comme le montre le graphique ci-joint. Au-delà des bouleversements politiques, économiques ou sociaux qui ont pu marquer cette période, c'est la continuité d'un effort de la nation tout entière pour sa défense qui s'impose. Avec une grande régularité dans le temps, cet effort nous place, en termes relatifs, ioin derrière les Etats-Unis, légèrement en dessous de la Bretagne et devant l'Allemagne (graphique joint). France a jusqu'à présent rapporté son de défense au Produit intérieur brut (marchand). L'ensemble des pays industrialisés utilisent la référence du PIB. La même règle est ici retenue, les rythmes d'évolution par rapport au et au PIB étant analogues : les graphiques ci-joints illustrent ces évolutions qui intègrent, comme pour l'ensemble des statistiques OTAN, les pensions. En 1977, Gendarmerie et pensions incluses, la part des dépenses de défense était de % du PIB. Ce taux a alors connu une augmentation jusqu'en 1982 pour atteindre 3.98 du PIB. Depuis lors il n'a cessé de décroître pour être aujourd'hui de 3.38 % du PIB. Ce mouvement a affecté toutes les armées, qui ont perdu 40 000 emplois en 199 1 et 1992, et plus particulièrement l'armée de terre : . Armée de terre : suppression de 4 des 13 divisions organiques, de deux structures de corps d'armée, des régiments nucléaires Pluton et de 21 Etats-majors territoriaux . Armée de l'air : passage de 450 appareils de combat à 390 . Marine : diminution des programmes d'équipement de 2 SNLE de nouvelle génération, de 2 sous-marins nucléaires d'attaque et de plusieurs bâtiments de moindre importance. Il faut savoir qu'une variation de plus ou moins 0,1% du PIB correspond, pour l'effort de défense, à environ 7 milliards par an soit, sur une période de dix ans, à une différence de plus ou moins 70 milliards de francs, c'est-à-dire l'équivalent de certains grands programmes. Les comparaisons avec l'effort de défense de nos voisins sont utiles pour situer celui de notre pays. Trois caractéristiques se dégagent : la France est la seule puissance militaire de niveau comparable qui consacre plus de 50% de son budget aux investissements (52% en 1993). La situation originale de la France à l'évidence liée au choix de la politique de dissuasion nucléaire (25% des investissements) et à une politique industrielle de souveraineté. Si notre pays a pu consacrer une telle part aux investissements, c'est en grande partie dû au choix d'un modèle d'armée mixte. depuis 1989, tous nos partenaires ont, davantage que nous, réduit leur effort de défense. Sur une base de 100 en 1990, la France est, en 1993, à l'indice la Grande-Bretagne l'Allemagne 84 et les Etats-Unis Ces diverses réductions nationales ont été répercutées de variée en ce qui concerne les dépenses de l'Alliance Atlantique. L'ensemble des Etats membres de assure désormais 28 % de ces dépenses, alors qu'il en prenait à sa charge 36 % en 1985. la répartition de cette réduction de l'effort de défense entre dépenses d'équipement et de fonctionnement, et au sein de ces dernières, s'est opérée de variable selon les Etats. Il apparaît qu'en matière de dépenses de fonctionnement, la France a plus contraint celles relatives au personnel que ses partenaires. Ceux-ci ont tous privilégié une diminution très importante des dépenses d'équipement. C'est le cas pour les pays membres de et notamment pour la Grande-Bretagne. C'est surtout le cas de l'Allemagne, dont la baisse des dépenses d'équipement est si prononcée (- 40%) qu'elle devrait s'inverser dans quelques années pour pourvoir au remplacement des matériels anciens actuellement utilisés. Enfin les Etats-Unis ont également réduit leurs dépenses d'équipement mais ont parallèlement décidé de tempérer l'incidence de ces réductions sur leur industrie par l'octroi de crédits de reconversion. Ils semblent en outre avoir pris les mesures assurant la pérennité de leur capacité de modernisation et la sauvegarde de leurs compétences afin de garantir leur supériorité dans la quasi totalité des domaines. ## 1.2. L'Effort De Défense À Venir De La France Le niveau des ressources consacrées à la défense doit rénondre au nroiet politiaue du et aux exigences de sa sécurité. Il est déterminé par sa volonté d'indépendance et le souci de garantir son autonomie stratégique, dans le cadre de l'affirmation progressive du projet européen en matière de défense. Il implique de participer aux équilibres militaires en Europe et de disposer d'une capacité d'action sur la scène internationale répondant aux principes exposés précédemment. Il appartient aux prochaines lois de programmation d'organiser dans le temps la mise en place des capacités attachées à ces missions et l'évolution progressive vers un nouveau modèle d'armées. Cette transition, qui accompagne le passage à une nouvelle ère stratégique, requiert un effort spécifique de la part de la France d'ici la fin du siècle. La dernière décennie a été en effet caractérisée, dans le domaine de l'équipement des armées, par l'essor des études et développements exploratoires, fruits des efforts de notre recherche, publique et privée. Ceux-ci ont été et sont encore largement financés par ce qui est l'une de nos singularités par rapport à nos alliés. La part des études et développements représentait alors plus de 30% de l'investissement annuel de la défense Une autre phase a commencé, dominée par les fabrications d'équipements et leur livraison aux armées. Dans les années qui viennent, la part des fabrications dans les dépenses d'équipement consacrées aux armements conventionnels doit s'élever progressivement. Cet accroissement des fabrications classiques est une priorité. Elle correspond à la nécessité opérationnelle, fixée à notre politique d'armement, d'équipement des forces armées. Elle permet la livraison de matériels majeurs pour l'action des forces, renouvelant des systèmes d'armes conçus et produits pour la plupart dans les années 1970. Elle est cohérente avec l'accent que nous mettons désormais sur une stratégie nouvelle d'emploi de nos moyens classiques, à distance du territoire national, dans un environnement le plus souvent multinational. Or il faut simultanément tirer, en ce qui concerne la définition des moyens, les enseignements des crises où nous avons été engagés depuis 1990 et préparer les armées des années 2000-20 15. Cela implique, par exemple, l'étude et le développement de moyens nouveaux de renseignement spatial, d'équipements répondant aux impératifs de mobilité stratégique et tactique des forces, ou de projection de puissance. La mutation stratégique dans laquelle nous sommes entrés a donc un coût inéluctable, dès lors qu'il s'agit en particulier d'assurer la permanence de la dissuasion nucléaire, le respect des priorités nouvelles des capacités de renseignement, commandement, mobilité, ainsi que les moyens d'action des forces de projection. Elle implique aussi des choix difficiles. Dans une industrie dont le cycle de décision dure parfois dix ans et le cycle de fabrication autant, les réorientations sont laborieuses et les inflexions douloureuses, lorsqu'elles sont jugées possibles stratégiquement, économiquement, socialement. En outre, l'arrêt de chantiers, le renoncement à des fabrications, s'ils sont la sanction d'un choix politique déterminé, sont d'autant moins aisés qu'ils annulent les fruits de l'effort d'investissement souvent lourd qui a précédé. Il revient aujourd'hui à l'effort de défense à la fois d'assurer la livraison des équipements indispensables aux armées dans les prochaines années, compte tenu de leurs missions, et d'engager les inflexions préparant progressivement l'adaptation du modèle d'armées des années 2000-20 10. Il permet aussi de donner sa place à une industrie d'armement qui participe de notre souveraineté et joue un rôle dynamique dans notre développement stratégique et économique. Il faut enfin tenir compte de l'incertitude stratégique qui caractérise la période à venir, dont les scénarios exposés précédemment rendent compte, y compris en ce qui concerne l'avenir de notre sécurité en Europe. Dans ces conditions, tenu à la fois des de notre nolitiaue de défense. des contraintes et des incertitudes aui viennent d'être la France maintiendra son effort sur l'ensemble de la nériode considérée. Cette orientation est à la fois contraignante et ambitieuse. D'une part, elle est contraignante pour nos armées et l'ensemble du système de défense. Elie imposera en effet un effort de rigueur. On peut estimer à au moins 3% la croissance annuelle en volume nécessaire pour financer l'ensemble des programmes en cours. La nature des missions nécessitera de de nouveaux svstèmes d'armes et d'éauinements. Des arbitrages intéressant l'ensemble des programmes en cours ou prévus seront dès lors nécessaires afin de dégager des ressources et pour que le poids de l'héritage n'hypothèque pas la mise au point des dispositifs nouveaux jugés Il semble cependant que ces adaptations pourraient être facilitées de deux façons : . Une politiaue de diminution des coûts des doit, comme il est indiqué par ailleurs, être engagée de résolue. Il convient de rendre ceux-ci compatibles avec les ressources budgétaires. Les dérives des coûts, qui rendent caducs les efforts de programmation, doivent être absolument combattues. . Une certaine pause dans la modernisation de notre outil nucléaire doit permettre d'accentuer l'effort au profit des équipements classiques. Une action de ce type ne produirait cependant d'économies qu'à moyen terme. D'autre part cette orientation est ambitieuse pour la puissance publique dans son ensemble. Les impératifs économiques et financiers seront en effet très forts dans les armées à venir. La loi quinquennale sur la maîtrise des dépenses publiques le souligne en fixant, pour les trois prochaines années! à la moyenne de la réduction annuelle du volume des dépenses hors service de la dette. Maintenir un effort de défense notable est, dans ce contexte plus encore qu'avant, significatif de l'attachement de la nation à celle-ci. Par ailleurs, le rang d'une nation dépend de son effort de défense mais aussi de sa situation économique et de sa compétitivité. S'il est illusoire d'envisager un accroissement des ressources consacrées à la défense dans les prochaines années, leur maintien est une ambition qui implique en particulier de ne pas utiliser les crédits nécessaires comme un élément d'ajustement de l'équilibre budgétaire. Donnée pour le moyen terme, cette ambition se heurte cenendant à une difficulté de court terme. Les finances publiques de la France se sont profondément détériorées. La charge de la dette publique atteint 200 milliards de francs en 1993. Le rétablissement de notre situation économique implique un redressement rapîde de ces finances. Or les projections réalisées dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de programmation montrent un écart de plusieurs dizaines de . de francs entre les crédits disponibles d'ici l'an 2000 et le modèle de référence des Armées . Dans ce cadre, la stabilisation de l'effort de défense à son niveau actuel sur l'ensemble des auinze prochaines années nécessitera des choix. ## 2 Planification Et Programmation Le poids des investissements de défense représente plus de 50% des investissements totaux budgétisés par Le principe du budget annuel ne saurait donner une visibilité suffisante pour l'acquisition d'équipements dont l'étude et le développement s'étendent sur une dizaine d'années. C'est pourquoi il est nécessaire de recourir à une planification puis à une programmation. . La planification a pour objet de définir des "modèles d'armées" l'horizon d'une quinzaine d'années. Elle fixe les grandes missions et indique les priorités opérationnelles fondamentales et les moyens essentiels nécessaires pour atteindre ces objectifs. Le dernier exercice de planification a été lancé en 198 1, dans le contexte de la guerre froide, et achevé en 1983 par la définition du "modèle 2000" et des "maquettes 95" associées. Aucune planification globale n'a été menée à terme depuis cette date. Les orientations définies dans ce Livre Blanc seront traduites dans une planification à long terme, qui dessinera les étapes permettant de parvenir à un nouveau modèle d'armées. Elle sera présentée en Conseil de défense. La appréhende un horizon de cinq à six ans. S'exprimant sous forme de loi, elle précisément les priorités opérationnelles et définit les choix majeurs d'équipement. Elle détermine l'enveloppe financière prévisionnelle pour chaque année couverte. Six lois ont ainsi été votées depuis 1960 le projet 1994 n'a pas été soumis au vote du Parlement. La programmation est un outil indispensable pour couvrir un processus industriel long et pour assurer la cohérence entre les programmes. Elle est également nécessaire pour prévoir l'environnement et les flux de soutien (logistique, infrastructures, munitions). C'est enfin pour le gouvernement l'occasion d'effectuer des arbitrages, de fixer le niveau financier de l'effort qu'il entend consacrer à la Défense et de soumettre l'ensemble à l'approbation du Parlement. La programmation, comme plus généralement la définition de la politique d'équipement, fait appel à trois logiques : une de besoins définie notamment par les Etats-Majors et des armées en liaison avec la Délégation générale pour l'armement pour ce qui concerne sa traduction technique une financière qui détermine la procédure budgétaire une industrielle, qui, si elle n'est pas première dans la définition des besoins d'équipement, reste une préoccupation majeure. La mise en oeuvre de ces trois logiques, s'exerce principalement à l'occasion des travaux de programmation et de préparation du budget. Elle est en outre soumise à la contrainte de I'annualité budgétaire, dont le principe fixe rigoureusement les limites de la programmation pluriannuelle. Aux termes de l'ordonnance du 2 janvier 1959, l'évaluation des dépenses pluriannuelles faite dans le cadre des "lois de programme" n'a qu'un caractère prévisionnel et ne peut engager au-delà de l'horizon de l'année budgétaire. L'interprétation pratique de ces dispositions n'a jamais souffert d'atténuations. Or, la constitution de notre outil de défense a montré qu'une forte et constante volonté permettrait seule de traduire effectivement l'effort recherché. Dans le cas contraire, la réalisation des programmes s'écarte tellement des intentions que la prévision perd toute signification. Des lois pluriannuelles de programmation assureront la traduction financière des orientations du Livre Blanc et de la future planification à long terme. En termes de contenu, une loi de programmation doit comprendre tous les éléments indispensables à la cohérence des développements prévus. Il faut donc y inclure l'ensemble des d'investissements (Titre V). Mais l'expérience montre que la distinction entre les crédits de fonctionnement (Titre III) et d'investissement (Titre V) ne permet pas toujours de rendre compte de la cohérence et de la portée des dépenses correspondantes. C'est pourquoi il paraît nécessaire de prévoir une programmation des effectifs. Cette prévision devrait s'étendre aux effectifs du temps de guerre, c'est-à-dire après mobilisation. Afin d'améliorer le suivi de la programmation, un rapport annuel du Ministre de la défense au Premier Ministre rendra compte, chaque année, de l'exécution de la loi de programmation militaire. ![155_image_0.png](155_image_0.png) OISSANCES COMPAREES DU BUDGET DE L' ETAT, DES INVESTISSEMEN' ![156_image_0.png](156_image_0.png) # Partie Defense Et Societe Chapitre 9 : Défense et société ## 1. Armee Et Nation. Les Relations Armées-Nation Depuis qu'en 1439, par une ordonnance royale, dite d'Orléans, déclarée conforme par les états du Royaume corps intermédiaires nécessaires, alors, au rétablissement du pouvoir royal Charles VII institua l'armée permanente, l'histoire de France est indissociable de celle de son armée. centralisé et l'armée régulière à façonner la plupart des valeurs de la société française, depuis l'impératif de 'a règle jusqu'au sens du service public. Au cours des siècles, si les hommes si les gouvernements changent, si la forme de la guerre se modifie, la nécessité du combat demeure et le génie de la France se reflète fidèlement au miroir de son armée" (Ch DE GAULLE La France et son armée) Voici deux siècles, les fondaient leur Nation sur le consentement de chacun des citoyens à vivre sous une loi commune. Si la révolution fut aussi une forme de déchirement dans notre histoire, qui se perpétua à travers de vives querelles dont nous percevons encore les échos aujourd'hui, l'immense travail législatif, l'affirmation de principes nouveaux, le rassemblement un moment réussi du peuple français demeurent. Surtout, avec l'irruption sur la scène politique du citoyen, c'est aussi un nouveau type de rapports entre la défense et la société qui se crée. La nation en armes : les décrets de 1793 et la loi Jourdan de 1798 ne peuvent se comprendre si l'on ignore la naissance dune nouvelle société qui fait aussi du citoyen un soldat qui fait triompher ses principes à travers l'Europe qui suit un mouvement, une histoire bouleversée. L'armée républicaine issue de la révolution et fondée sur ce devoir qu'a tout Français de contribuer à la défense de son pays, quelle que soit la forme qu'elle prenne, au des années, a traversé deux siècles dont bien des moments ne furent pas loin s'en faut harmonieux. Mais que le peuple français demeure, tout compte fait, responsable de sa défense, est le principal vecteur de l'esprit de défense qui unit l'Armée à la Nation dont elle est à la fois, le prisme et le miroir ce qui fait que l'on ne peut concevoir l'une sans l'autre. Cet esprit de défense est fondé non sur un nationalisme étroit, mais sur un patriotisme ouvert, qui défend à travers la France des valeurs universelles : pour cette raison, il n'est vraiment fort et assuré que lorsqu'il unit la nation tout entière. C'est dire l'importance de l'esprit civique. Il s'exprime, d'abord, à travers le tissu des communes françaises dont le million d'élus est un vecteur puissant de l'esprit civique et de l'esprit de défense mêlés, réseau de développement sans pareil et levier puissant d'une incitation à l'effort commun de la Nation pour sa défense. se diffuse. aussi, à travers les liens qui unissent la Défense à nationale et aux universités. Respecter les grands accomplissements du passé, y puiser des modèles de valeur, d'effort, d'engagement au service de l'autre ; comprendre les idées, les attitudes, les différences aussi entre des systèmes différents et complexes et éclairer ensemble l'avenir prendre conscience que défendre, éduquer, former sont des enjeux communs dont bien des aspects sont partagés. Il s'explique, enfin, par une volonté sans faille d'informer. Informer suppose une grande capacité d'échanger, d'écouter, de comprendre, qui se traduise par des lieux concrets, par des espaces de débat public où la Nation retrouve son Armée. Au premier rang de ceux-ci, le Parlement, ses commissions, ses pouvoirs : à lui , il appartient de dire l'effort que la nation est prête à consentir, d'en assumer le sens, d'en préserver la durée. Des instituts comme l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale sont l'instrument privilégié de ce dialogue entre l'Armée et la Nation et le gage de l'unité de la pensée, de l'étude et de l'esprit de défense, réunis au sein d'une Ecole Militaire dont tout converge pour qu'elle soit restaurée comme le lieu par excellence d'une réunion intellectuelle entre la société et la défense. A l'heure où, plus que jamais, il n'est de défense que dans la globalité et la permanence, la perméabilité croissante entre la défense et la société les hommes et les femmes qui les composent, les enjeux auxquels elles sont confrontées, la recherche féconde de leur unité, de leur identité, de leur singulière communauté tout milite pour que soit comprise et confirmée l'exemplarité des liens qui les unissent et qui sont, aussi, un élément puissant de la continuité républicaine de notre pays. "La spécificité" des armées ne doit enfin pas souffrir mais au contraire s'enrichir de tout élargissement du champ d'action qu'elles couvrent et qui concourt à la défense nationale, considérée dans son sens le plus large. Simultanément, les actions d'information et de relations publiques ont eu pour objectif de mieux faire connaître à l'opinion l'image d'une armée moderne. Les actions humanitaires dans lesquelles elles sont rôle au service de l'Organisation des Nations Unies ont accru leur crédit dans l'opinion, sensible aux critères de solidarité et d'utilité. Le développement des formes civiles du service national, la participation des armées aux missions de service public, en particulier dans le domaine de la protection des populations, sont jugées avec faveur par nos concitoyens. Ces sentiments, dans l'ensemble favorables à l'institution militaire, sont certes dûs à la reconnaissance de la fonction opérationnelle des armées, mais aussi à l'appréciation de son "rôle social", et de sa contribution à la cohésion de la société. ## Efforts De Développement Cette situation rend possible une approche moins rigide et plus approfondie des questions de défense dans notre pays. Le rapprochement entre la Défense et nationale doit être poursuivi et accentué afin de favoriser ainsi le renouveau de l'esprit civique, puisque la société et la jeunesse comprennent mieux l'importance des problèmes de sécurité dans le monde contemporain et le rôle de la défense dans la vie nationale. La volonté de développer cette politique de relations entre l'Armée et la Nation se concrétisera en privilégiant quatre domaines d'action. Le premier est celui des actions d'information sur l'institution militaire.. Elles rendent aisée la compréhension et gagnent l'adhésion de l'opinion publique. L'effort d'explication maintenu depuis vingt ans, avec des succès réels, mérite d'être poursuivi et développé. Le second intéresse les institutions et les notamment qui rassemblent des représentants de la société civile et du monde militaire pour créer des échanges. Le troisième domaine est plus vaste et plus difficile à explorer, il n'en n'est pas moins important pour l'avenir de la pensée stratégique en France. Il s'agit des centres de recherche et de réflexion qui offrent aux universitaires, aux industriels, aux sociologues, aux historiens, civils militaires: de travailler ensemble pour imaginer et proposer les voies possibles de la défense de demain fondations et instituts, privés ou publics, où se développera la collective de défense et s'épanouira la réflexion stratégique lieux où seront étudiées les formes nouvelles d'expression de la violence, où se formulera le discours public moderne adapté à l'environnement géostratégique actuel et à l'esprit du temps. Ce renouveau de la pensée stratégique se fondera sur un fort courant et de réflexions et aura besoin de se faire connaître et de s'exprimer. Les problèmes de défense, plus familiers et mieux compris des citoyens, seront alors naturellement intégrés dans la vie nationale. Enfin, la revitalisation des réserves contribuera à l'effort de défense, appuyée sur l'aspiration profonde de très nombreux réservistes à participer de concrète à la défense du pays ; sous toutes les formes et d'abord sous les formes militaires auxquelles leur caractère opérationnel donne la priorité, mais aussi sous les formes relevant de la défense non militaire qui appellent les révisions des mécanismes d'affectation de défense. Ces réserves dites "civiles" méritent une attention particulière et leur organisation deviendra une voie privilégiée du rapprochement entre les armées et la société civile. Rattachée au concept de constitution de forces, l'idée d'un dipôle civilo-militaire est semble-t-il l'une des meilleures réponses aux risques multiformes qui pèsent sur la sécurité du pays. En réalité, l'harmonie des armée nation suppose un partage équilibré et reconnu des responsabilités des uns et des autres. C'est à ce titre qu'une présence militaire répartie sur l'ensemble du territoire national est essentielle. clef de la défense, l'armée, par sa présence, sensibilise la société civile à la vigilance. La densité du tissu militaire à laquelle contribuent les Armées et la Gendarmerie, qu'il s'agisse d'unités des forces, des services, d'écoles, d'installations diverses contribue au sentiment de sécurité. En cas de crise, et sans méconnaître ses responsabilités propres, la collectivité attend des forces armées qu'elles remplissent leurs missions spécifiques, et qu'elles demeurent ce qu'elles sont : l'élément le plus achevé de la cohésion nationale. ## 2. Les Formes Civiles Du Service National. Le service militaire demeure l'épine dorsale du service national. Il lui confère sa légitimité. Mais l'évolution de la notion de défense, élargie à tous les secteurs de la vie nationale comme à certains aspects de la vie internationale, permet la diversification des modalités d'exécution du service. Les formes dites "civiles" du service national s'intègrent dans une telle évolution qui, dans la mesure où elle reste mesurée et contrôlée, peut consolider dans l'esprit public la tradition du service national elle en élargit l'assise elle confirme la même démarche de solidarité. Aux yeux de l'opinion publique, en effet, sont justifiées celles des formes du service national qui participent pleinement à la défense, conformément à l'ordonnance de 1959. Ainsi s'explique le développement parallèle depuis trente ans de multiples formes civiles qui, avec le service militaire, ont pour la plupart des objectifs de solidarité et de cohésion sociales, et qui s'effectuent au profit de la collectivité nationale et du développement de pays amis. ## La Situation Actuelle Depuis 1965, formes civiles du service national ont été légalisées : le service de l'aide technique depuis 1965 : 1 000 appelés en 1994 ; le service de la coopération depuis 1965 : 6 200 appelés le service des objecteurs de conscience depuis 1983 : 5 000 appelés ; le service dans la police nationale depuis 1985 : 8 700 appelés ; le service de sécurité civile depuis 1992 : 960 appelés. A ces formes civiles officielles du service national se sont ajoutés prot conclus entre la ministère de la Défense et d'autres départements ministériels : Anciens combattants (depuis rapatriés formation professionnelle handicapés (199 éducation nationale (199 ville (199 emploi environnement (1993). Ces protocoles ont pour objet de mettre des appelés effectuant leur service militaire à la disposition d'organismes civils. Ils ont concernés 5 100 appelés en 1993. Au total les formes civiles et les protocoles représentent, en 1994, un effectif de 27 000 annelés, soit près de 10 % du contingent. En outre, plus de 8 000 appelés militaires sont affectés annuellement à des unités telles que, par exemple, celles de la sécurité civile, ou des sapeurs-pompiers de Paris et de Marseille. ## Des Critiques Nées D'Un Développement Insuffisamment Maîtrisé Certaines des formes civiles sont très proches du service effectué dans les armées : par la durée, par le type d'emploi, par le régime de vie des appelés. Il s'agit des services dans la police nationale, dans les sapeurs-pompiers et dans les autres unités de la sécurité civile. Ces formes de service ne sont pas critiquées, même si elles exercent une forte sélection sur le contingent. Bénéfiques, les autres formes de service présentent aujourd'hui divers défauts. liés, pour l'essentiel, à leur développement jugé excessif et à des modalités d'exécution souvent mal maîtrisées. Certaines de ces formes se sont éloignées, plus ou moins, de leur objectif initial. Ainsi en est-il de ces appelés de l'aide technique et de l'objection de conscience, qui sont parfois utilisés à des peu conformes aux objectifs initiaux. De même, et surtout, alors que le service de coopération a pour but de faire participer les jeunes au développement de pays étrangers, il s'effectue principalement dans des pays développés d'Europe et d'Amérique du Nord. Les trois pays qui accueillent le plus de coopérants sont les Etats-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Les appelés des formes civiles bénéficient par ailleurs d'avantages souvent très supérieurs à ceux qui sont consentis pour le service militaire. Il en va notamment ainsi pour les protocoles et pour le service en coopération. Certaines formes peuvent en outre masquer le début d'une carrière professionnelle. Au total, plusieurs formes civiles sont comme offrant une possibilité d'éviter un service contraignant et d'obtenir des avantages matériels, alors que le service militaire serait, de ces de vue, pénalisant. Ce défaut de rigueur et de transparence dans les conditions de recrutement et d'exécution du service contribue à l'existence d'un sentiment d'inégalité entre les appelés civils et militaires. ## . Des Orientations Pour L'Avenir Si les formes civiles correspondent à un réel besoin et sont une source de consolidation du service national, diverses orientations doivent en renforcer les bases d'un développement harmonieux et durable. Quant aux finalités des formes civiles, une plus grande rigueur est nécessaire pour revenir à l'intention du législateur (aide technique, objecteurs de conscience, coopération). Le statut ambigu des protocoles ne peut être conservé en l'état. Ceux-ci devraient en partie être transférés dans les formes civiles du service national, et pour le reste disposer d'une base juridique qui les limiterait à des actions bien définies et temporaires. La réforme qui s'impose doit avoir un triple but : donner un fondement juridique au dispositif le rationaliser et le simplifier permettre son contrôle de manière plus efficace. Quant au déroulement des formes civiles, la première nécessité est d'imposer une gestion sans favoritisme de la ressource. A l'opacité actuelle des procédures de choix des appelés, qui fait la part trop belle à la cooptation, doit succéder une plus grande transparence. La seconde orientation doit concerner le contrôle des formes civiles et leur coordination. Chaque ministre doit être en charge de l'encadrement et de l'emploi des jeunes Français qui lui sont affectés, le ministre de la défense conservant un rôle de mise en cohérence nationale de la ressource. En liaison avec le ministre de la défense, le Préfet doit quant à lui, recevoir localement, dans son département, mission de coordonner et de contrôler les conditions d'exécution des formes civiles du service national. Un comité composé de responsables civils et militaires sera placé auprès de lui. Quant au régime de rémunérations des servant dans les formes civiles, une unification est nécessaire (régimes des soldes et de prestations). Quant aux durées actuelles des services, elles doivent être conservées : 20 mois pour l'objection de conscience, 16 mois pour l'aide technique et la coopération et 10 mois pour les services assimilables à un service militaire. ## 3. La Defense Civile Les évolutions internationales et l'apparition de nouvelles menaces imposent de développer une conception globale de la défense au sein de laquelle la défense civile trouverait la part essentielle qui lui est due. ## L'Organisation Actuelle De La Défense Civile Et La Participation Militaire. Les missions de la défense civile sont normalement dévolues au Ministre l'Intérieur qui dispose à cet effet de moyens propres, la sécurité civile et la police nationale. La direction de la sécurité civile a pour mission prioritaire de protéger la population. Elle met en oeuvre des moyens spécialisés.-avions, hélicoptères, équipes de déminage- et s'appuie sur quelque 230 000 sapeurs pompiers de plus en plus professionnalisés. La police nationale, forte de 130 000 hommes, assure le maintien de l'ordre et la surveillance du territoire et les interventions au profit des installations sensibles. La police de l'air et des frontières a la charge du contrôle des frontières. Le Ministre de l'Intérieur bénéficie, pour le maintien de l'ordre et la protection des points sensibles, du concours perrnanent de la gendarmerie nationale. Les armées participent en permanence au dispositif général de sécurité par la mise à disposition d'unités spécialisées, sapeurs-pompiers de Paris, marins-pompiers de Marseille, unités d'instruction et d'intervention de sécurité civile. Le Ministre de l'Intérieur peut obtenir le soutien des armées, et au besoin leur dans diverses circonstances Pour la mission de protection des populations, il s'agit de faire appel à des capacités d'intervention immédiatement disponibles, à des effectifs importants, à des moyens spécialisés dont ne disposent pas les services civils de Ce concours devient plus fréquent au des ans. Pour la mission de maintien de l'ordre public, qui relève en priorité de la police et de la gendarmerie nationale, la participation des armées doit rester exceptionnelle et limitée à des situations de crises graves. Par ailleurs, les armées peuvent apporter un concours occasionnel déterminant dans la mise en oeuvre des plans de fonctionnement minimum. En cas de besoin, elles mettent alors à disposition des personnels et des moyens de transport. Pour la mission de maintien de la continuité d'action du gouvernement, les armées peuvent participer à la protection des installations sensibles (installations prioritaires de défense, points sensibles de première et deuxième catégories). Enfin, la nécessité dans laquelle se trouverait le gouvernement de maintenir la continuité de son action, de protéger les populations et de sauvegarder les organes indispensables à la défense nationale, pourrait le conduire à décider la mise en oeuvre de la défense opérationnelle du territoire (DOT). Celle-ci ne serait complètement mise en oeuvre qu'en cas d'agression extérieure ou de menace caractérisée. Alors, et en tant que de besoin, elle rassemblerait l'ensemble des forces vives de la nation de s'opposer à toute attaque du territoire en quelque endroit que ce soit. La défense maritime du territoire, la défense aérienne du territoire, l'ensemble de la défense civile et la DOT forment la Défense du Territoire. Son organisation est globale. Sa mise en oeuvre est adaptée aux circonstances. ## Un Nouveau Développement Pour La Défense Civile Face aux menaces nouvelles quel qu'en soit le caractère, qui peuvent atteindre la sécurité du territoire, chacun doit prendre conscience de ses responsabilités. Sans imaginer, forcément, des structures nouvelles, il convient de diminuer notre vulnérabilité aux atteintes à la sécurité des installations sensibles, des communications, des accès aux centres vitaux. Ces différents domaines supposent des réponses spécifiques. De même, les unités de sécurité civile doivent être en mesure d'assurer efficacement leur mission de protection des populations, en leur attribuant movens de nrévention et de secours nécessaires. Cet effort en faveur de la défense civile incombe avant tout à administration concernée de : Intérieur, Transport, Communication, Energie, Industrie, Economie. Dans leur domaine respectif, celles-ci doivent prendre en compte cette dimension de l'effort de défense. Faire émerger cette priorité nécessite, comme il est souligné par ailleurs, qu'un regroupement interministériel des divers budgets permette d'en rendre compte, dans un document particulier. Dans le cas contraire, la défense civile continuerait à rester seconde, malgré l'objectif réaffirmé d'une conception globale de la défense. A l'échelon central, les Hauts Fonctionnaires de Défense, placés directement auprès des ministres pour les assister dans l'exercice de leurs responsabilités de défense, intensifieront leur action en s'attachant, d'une part à déceler les principales vulnérabilités des secteurs d'activités relevant du domaine de compétence de leur ministère afin de préparer les parades et les ripostes envisageables, d'autre part à vérifier dès leur élaboration que les dispositions prises dans leur secteur prennent en compte les sujétions de la défense. A cet effet, ils bénéficieront d'un pouvoir renforcé. Ce rôle accru de la défense civile n'implique pas de confier aux armées des tâches qui incombent à d'autres. L'effort engagé doit justement permettre de demander des concours mesurés. Les armées ne doivent se substituer ni dans l'action sur le terrain, ni dans l'esprit des responsables et des citoyens, aux moyens de la sécurité civile. Il faut éviter la banalisation de leurs interventions : elles ne doivent intervenir que lorsque les moyens civils dont disposent les administrations -ou ceux qu'elles ont éventuellement requis- sont insuffisants, inadaptés, inexistants, ou lorsque l'urgence le justifie. Ce caractère exceptionnel de l'intervention des armées doit être particulièrement souligné dans le cas du maintien de l'ordre public. Il s'agit là d'une mission à laquelle les armées ne sont pas formées, pour laquelle le recours à celles-ci, lorsqu'il est décidé, doit s'effectuer dans le cadre des dispositions légales. Il reste normalement circonscrit et limité aux missions d'appui et de soutien. Pour maintenir la continuité du service public, l'instauration d'un "service réduit" assuré par les entreprises civiles concernées est préférable à la substitution de ces services par les armées. Pour autant, l'efficacité des interventions militaires au profit de la défense civile doit être maintenue. L'utilisation optimale des armées est d'autant plus indispensable que la réduction de leur format, et notamment celui de l'armée de terre, allège sensiblement le "tissu militaire national" traditionnel. Certains départements n'accueillent aucune unité militaire autre que celles de la gendarmerie. Cette discontinuité dans le dispositif territorial ne doit en rien diminuer l'efficacité de la réponse des armées aux impératifs de défense. L'objectif consiste à identifier les unités des forces armées qui seront capables d'intervenir rapidement, en tous points du pays, avec les moyens en personnels et matériels spécialisés, dès lors que ceux dont dispose l'échelon territorial concerné s'avéreraient insuffisants ou inadaptés. C'est là un concept nouveau, celui de intérieure. Enfin, la pertinence du concept de défense opérationnelle du territoire (DOT) ne s'impose plus aujourd'hui avec la même force. Même si elle ne peut être écartée en raison des risques mortels qu'elle présente, l'hypothèse d'un conflit majeur en Europe, l'intégrité du territoire et la survie de la nation, est peu probable à l'horizon du Livre Blanc. Pour tenir compte de cette nouvelle situation, la notion de "défense terrestre", qui doit être approfondie, correspond à la prise en compte, dès le temps normal, de l'éventualité de crises graves et de forte intensité où le concours des Armées est indispensable au fonctionnement des institutions. ## La Coordination Des Pouvoirs Civils Et Militaires La coordination des Pouvoirs civils et militaires doit permettre d'assurer dans des conditions d'efficacité maximale les interventions de défense civile. L'échelon le plus approprié est celui de la zone de défense, lieu où s'articulent au mieux les compétences civiles et militaires. Cet échelon de droit commun et interministériel en matière de défense doit être renforcé, tant sur le plan budgétaire, que par le concours en personnel des différents ministères. La qualité des relations unissant l'autorité préfectorale et l'autorité militaire est essentielle au bon déroulement d'opérations qui ont souvent un caractère d'urgence. Dès lors, ces relations doivent préexister et être entretenues tant à l'échelon de la zone de défense que sur le terrain. Au sein de la zone de défense, le général commandant la circonscription militaire de défense est le mieux à même d'assurer auprès du préfet de zone le rôle de conseil dans l'utilisation des moyens des armées. Il coordonne l'action de la défense terrestre qui regroupe l'ensemble des actions pouvant être menées par les armées au profit de la défense civile. Exception à la vocation générale de la zone de défense, l'emploi de certains moyens militaires très spécialisés doit relever directement de l'administration centrale, voire de l'autorité politique nationale. De même, l'échelon national doit assurer la coordination entre les différentes zones de défense et le transfert des moyens requis lorsque ceux-ci ne sont pas stationnés dans la zone concernée. Enfin, le rôle éminent des collectivités locales et des élus doit être souligné. En premier ressort, le maire est le garant de la sécurité de ses administrés, il a une connaissance approfondie et pragmatique des réalités locales et des besoins d'une population dont il assume, au premier niveau, la responsabilité. Cette connaissance du milieu est un apport irremplaçable et indispensable en matière de défense civile, tant dans la mise en oeuvre des mesures de protection que dans la diffusion de l'information sur la gestion des risques. La protection des populations requiert donc un partenariat entre et les élus, même si l'unité de direction des opérations constitue une exigence majeure dans la gestion de toutes les situations de tension ou d'instabilité. Les maires tiennent un rôle significatif en apportant leurs concours aux préfets, par l'exercice de leurs pouvoirs de police notamment. Ce rôle doit se développer largement dans la préparation et la mise en oeuvre des efforts en matière de défense civile, au sein de chaque zone de défense. ## 4. La Defense Economique. Comme la défense civile, la défense économique voit son importance croître, au regard des menaces et des vulnérabilités nouvelles. Son nécessaire renforcement doit s'insérer dans le cadre de la construction européenne. ## Défense Économique Et Construction Européenne Les décisions de politique économique de la France sont désormais, en grande partie, transférées au niveau européen, à la fois pour l'élaboration des décisions et pour la définition des marges d'action nationale. De ce fait, la défense économique ne relève plus que partiellement du niveau national. Ainsi en est-il de la protection des activités économiques de base et du contrôle des transferts de technologie pour ne citer que ces deux exemples. La construction communautaire est à la source de nouvelle interdépendances, qui dépassent, par leur nature même, les frontières d'un seul Etat. En outre, les principes de libre circulation des personnes, des biens et des services peuvent s'opposer à la capacité des Etats à mobiliser tous les moyens disponibles et nécessaires en cas de crises. Les impératifs de sécurité et les règles économiques entrent en contradiction. Les problèmes posés par le régime pétrolier ou le contrôle de l'espace aérien en sont la preuve évidente. évolutions. L'efficacité des dispositifs nationaux de défense est affectée par ces L'inadéquation croissante du niveau national pour définir une politique de défense économique se conjugue à la nécessité, elle aussi accrue, dune telle politique. La solution passe par la constitution à terme d'une défense économique européenne. Avec la politique de défense et de sécurité commune, le traité sur l'Union Européenne ouvre la voie à un tel processus, par la perspective d'un ajustement des cadres juridiques des Etats-membres. ## Une Défense Économique Diversifiée La réduction de nos vulnérabilités économiques se pose en termes différents, selon le caractère plus ou moins stratégique des activités. Il importe de chercher et de mettre en oeuvre, en liaison avec nos partenaires européens, des réponses adaptées à chaque secteur. Les instruments juridiques ainsi que les structures de coordination qui permettront de les atteindre devront être progressivement mis au point. Quatre secteurs sont à privilégier. Le premier est celui de l'industrie d'armement. En application de l'article 223 du traité de Rome, l'autonomie de décision des Etats y demeure entière. L'ensemble des orientations mentionnées plus haut quant aux évolutions des industries liées à la défense doit permettre de contenir, et de réduire, nos vulnérabilités en la matière. Le deuxième secteur est celui des services de base sans lesauels aucune défense ne s'organiser. Il s'agit des transports et de leurs infrastructures, du génie civil, de la production et du stockage d'énergie, des réseaux de télécommunication et de distribution (eau, gaz, électricité, pétrole . ..). Les déréglementations envisagées obligeront à prendre ces services en compte, au plan national et au plan européen, avec le souci de laisser aux Etats la possibilité d'opérer des réquisitions. Les actions de projection de forces militaires peuvent en effet nécessiter la réquisition ou l'affrètement sous contrainte légale de moyens de transport aérien ou maritime. Le troisième secteur est celui des technologies et industrie Il comprend l'espace, l'électronique, l'informatique, l'aéronautique, le nucléaire. . . Une politique européenne est nécessaire, ainsi dans le domaine spatial, et devra, alors, prendre en compte les impératifs de défense économique. Dans d'autres cas, en l'absence de toute politique commune, la solution passe par la coordination des politiques des différents Etats concernés. Le quatrième secteur comporte toutes les canacités aui ne concernent nas directement la défense? mais qui renrésentent les clés de l'indépendance : recherche fondamentale, ingénierie nucléaire, banques de données, et certaines productions spécifiques. Le lien avec la défense est parfois délicat à établir pour certaines de ces activités. Il est cependant évident et ne saurait être négligé ou ignoré. # 5. L'Organisation Interministerielle Du Renseignement. L'importance nouvelle du renseignement est la conséquence des évolutions internationales. Elle doit être prise en compte dans l'organisation et l'activité des structures francaises compétentes. Le corps de doctrine national en matière de renseignement est conforme aux principes de l'ordonnance du 2 janvier 1959. La fonction de renseignement couvre ainsi l'ensemble des domaines de l'action gouvernementale. Au coeur même des enjeux de la souveraineté nationale, constituant de ce fait un impératif premier de la défense, la plupart des ministères y participent directement. L'orientation et la coordination de leurs activités en la matière sont assurée,, sous l'autorité du Premier ministre, par le Comité Interministériel du Renseignement (CIR). Celui-ci établit le plan national de renseignement soumis à l'approbation du Président de la République. Les efforts des différents services pour le recueil, l'exploitation et la contre-ingérence doivent être poursuivis et intensifiés. Mais le caractère multiforme et permanent des problèmes contemporains activités ingérences étrangères, risques de terrorisme pose à notre système de renseignement un véritable défi. Ce défi nous impose de faire du renseignement stratégique une réelle priorité, qui devra bénéficier des ressources indispensables aux capacités qui lui sont demandées. L'amélioration de cette fonction nécessite dès lors de concentrer les efforts, de mieux l'inscrire dans le processus de décision des hautes autorités gouvernementales, de développer l'animation de la recherche, aux plans ministériel et interministériel. L'expression nouvelle des besoins conduira au renforcement de la coordination des activités de renseignement par des structures souples et appropriées. L'effort portera, en tout premier lieu, sur la préparation de synthèses destinées aux autorités gouvernementales. ## 6 Defense Et Opinion Publique L'enjeu L'information est désormais au coeur du fonctionnement de nos démocraties. Surabondante, et partielle à la fois, elle influence en continu des populations naturellement disposées à s'émouvoir, à s'indigner ou à s'inquiéter devant l'image d'événements propres à les impressionner. Ce phénomène, qui touche l'ensemble des pays occidentaux, tend d'ailleurs à faire réagir uniformément les opinions publiques. Ses excès imposent une réflexion en matière de défense et conduisent à s'interroger sur le traitement et la hiérarchisation de l'information par les médias. Les pouvoirs publics et les médias peuvent avoir des opinions divergentes de la gravité d'une situation, les seconds dramatisant des faits jugés par ailleurs banals, ou au contraire considérant comme secondaire ce que le gouvernement juge important. Par ailleurs une surenchère est toujours possible entre des médias soumis à des impératifs économiques de concurrence. La réalité d'une situation peut s'en trouver totalement faussée : les exemples récents en sont fréquents. Enfin les médias, pour des raisons techniques, peuvent être conduits à résumer, à présenter le spectaculaire, telle une image-choc extraite de son contexte, soulignant le sensationnel tout en ne décrivant que très imparfaitement la situation.' La capacité de manipulation de l'opinion publique à partir de tels instruments est donc réelle en période de crise, elle peut perturber le fonctionnement des pouvoirs publics; elle peut, à la limite, desservir l'intérêt national et la défense. Dans le cas particulier des actions terroristes, les moyens d'information ont une importance capitale. Sans eux, le terrorisme n'a qu'une action limitée. Avec le retentissement que les médias peuvent donner à toute action de ce type, il devient un fléau capable de mettre à mal les capacités de réaction des démocraties les plus solides. ## Transparence Et Partenariat Le juste milieu paraît difficile à trouver entre liberté totale et restriction de l'information. Dans le premier cas, la préservation du secret, la sécurité des personnes, le bon déroulement d'une opération pourraient être compromis. Dans le second, l'action des pouvoirs publics serait sans doute facilitée, mais quelle confiance l'opinion publique pourrait-elle accorder à une information censurée ? Les Services d'Information et de Relations Publiques des Armées (SIRPA) sont chargés, d'une part du traitement de l'information de défense, d'autre part de la promotion des forces armées. Ce dernier aspect de leur action est permanent et indépendant, la plupart du temps, de l'actualité directe. L'intérêt national et le respect des règles démocratiques doivent permettre de définir le champ d'action où représentants de la défense et des médias pourront travailler ensemble, en toute clarté, efficacement. Le principe de base est, à cet égard, celui de la transparence. Pour éviter les actions de désinformation -faux bruits, rumeurs, suspicions, interprétations-, chacun doit d'abord s'efforcer de diffuser une information factuelle précise et claire de réagir dans l'instant en suivant au plus près le cours des événements enfin lorsqu'elle est avérée et nécessaire, d'annoncer et de justifier toute rétention ou tout contrôle. Cette orientation suppose une confiance réciproque entre responsables de la défense et représentants des médias. Les uns et les autres doivent comprendre et accepter les contraintes inhérentes à chaque type de situation. Cette confiance, fruit d'une fréquentation régulière, sera renforcée par l'instauration d'une instance concertation et de conseil, où les deux parties pourront mieux évaluer besoins, exigences et contraintes de chacun. On y débattrait, alors, des procédures à suivre en temps de crise et de conflit ou du traitement d'informations, prêtant à confusion ou interprétation dans certaines situations du temps normal. Un certain nombre de règles, étayées par l'expérience et communément acceptées, se dégageront ainsi progressivement. Un de fait doit s'instaurer entre les services d'information des armées et les journalistes accrédités et instruits des problèmes de défense. Les officiers des forces armées chargés des relations avec les médias doivent avoir une formation aux techniques de l'information ; être de véritables spécialistes des médias. Une même connaissance des techniques professionnelles, une même déontologie de l'information, un même souci de servir l'intérêt national et la démocratie, telles seront les qualités conjointes des uns et des autres, pour un partenariat réussi. # Defense Et Opinion Publique ![172_image_0.png](172_image_0.png) ![172_image_1.png](172_image_1.png) # Conclusion La guerre est, aujourd'hui, revenue dans notre quotidien. Sous ses formes les plus insidieuses, comme sous ses formes les plus horribles : sociétés instables, conflits régionaux, ethniques, culturels ou religieux. Les valeurs que nous défendons la démocratie, de droit, les droits de l'homme ne sont pas universellement partagées. La France fait partie d'une minorité de pays privilégiés, dont les idéaux qui fondent l'esprit de défense doivent être réaffirmés avec force. Dans le dialogue constant entre mémoire et modernité, nous devons réfléchir des formes nouvelles de reconquête de la conscience collective, sans laquelle il n'y a ni civisme ni identité. Le civisme et l'identité d'aujourd'hui sont ouverts, et non fermés comme ils pouvaient l'être au. XIXème siècle. Dans une société moderne et démocratique, c'est la condition pour que le citoyen, acteur de la vie collective, que la défense est l'affaire de tous, donc la sienne pour qu'en retour, dans un contexte d'affaiblissement des liens sociaux, les forces armées exercent une fonction d'intégration des Français, de toutes origines, à un destin commun et à une espérance commune. Cette "culture de la défense" n'est pas un consensus obligatoire, qui reposerait sur un illusoire sentiment de sécurité. Un citoyen doit, d'abord, connaître tout ce que suppose d'efforts financiers, technologiques, intellectuels, mais aussi d'engagement de tous, civils et militaires, notre situation particulière : un des pays à responsabilités mondiales. Il doit, ensuite, prendre conscience du fait que la défense repose sur la cohérence de la réflexion, mais aussi sur quelques sacrifices. Le confort d'aujourd'hui, même s'il est relatif, ne peut pas être acquis au prix de l'insécurité extérieure ou de l'affaissement national, demain. Il doit enfin être convaincu de la force du lien qui existe entre une politique de défense vigilante et efficace et une politique extérieure fondée sur la recherche, le maintien et le développement de la paix dans le monde. Quand se rencontrent une stratégie les valeurs d'une société et l'intelligence des situations, alors émerge une culture de défense. C'est l'ambition de ce Livre Blanc sur la défense, qui veut porter la marque et la trace de la France, de son rayonnement et sa mémoire, de son patrimoine et de son histoire. Président Monsieur Marceau LONG Vice-Président du Conseil Membres Premier Ministre Monsieur le Général d'Armée Maurice SCHMITT Gouverneur des Invalides Monsieur Philippe MARLAND Conseiller pour les Affaires Intérieures auprès du Premier Ministre Contre-amiral Patrick LECOINTRE Chef du cabinet militaire du Premier Ministre Monsieur le Général d'Armée Aérienne Achille LERCHE Secrétaire Général de la Défense Nationale Monsieur Bernard de MONTFERRAND Conseiller pour les Affaires Diplomatiques du Premier Ministre Défense Monsieur Renaud DONNEDIEU de VABRES Chargé de Mission auprès du Ministre Ministre de la Défense Amiral Jacques LANXADE Chef des Armées Monsieur Henri Délégué Général pour Monsieur François Secrétaire Général pour Monsieur le Général de Corps Aérien Jean RANNOU Chef du Cabinet Militaire du Ministre Ministre de la Défense Monsieur Jean-Claude MALLET Directeur chargé des Affaires Stratégiques Affaires Etrangères Monsieur Bruno RACINE Chargé de mission auprès du Ministre des Affaires Etrangères Directeur du centre d'analyses et de prévisions (CAP) Monsieur Jean-Marie GUEHENNO Ambassadeur de France auprès de Monsieur François BARRY-DELONGCHAMP Direction des Affaires Politiques Chef du service des affaires stratégiques Budget Madame Isabelle BOUIILLOT Directeur du Budget Intérieur Monsieur Jean RIOLACCI Préfet Haut fonctionnaire de Défense Recherche Monsieur Jérôme PAOLINI Chargé de Mission auprès du Ministre de Supérieur et de la Recherche Industrie Monsieur Didier LOMBARD Directeur Général des Stratégies Industrielles Ministère de l'Industrie des Postes et Télécommunications et du Commerce Extérieur Coopération Monsieur Antoine POUILLIEUTE Directeur de Cabinet du Ministre de la Coopération Commissariat à Atomique Monsieur Roger Directeur des Applications Militaires Personnalités Monsieur Thierry de MONTBRIAL Directeur de Monsieur Raymond LEVY Président d'honneur de RENAULT S.A. Monsieur Jean PRADA Cour des Comptes Monsieur Gabriel ROBIN Ambassadeur Monsieur le Général d'Armée Mary-Jean VOINOT Inspecteur Général des Armées Monsieur le Recteur Michel ALLIOT Secrétariat Permanent Général Eric de la Secrétariat Général de la Défense Nationale Contre-Amiral Philippe Délégation aux Affaires Stratégiques Ministère de la Défense Monsieur Marc GUILLAUME Maître des Requêtes au Conseil | CHAPITRE 1 | CARTES DE L'EUROPE EN | ET 1993 | |-----------------------|------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|-----------| | CHAPITRE3 | LA TEORIE DES ENSEMBLES APPLIQUEES L'EUROPE DES ALLIANCES EVOLUTIONS DES FORCES STRATEGIQUES NUCLEAIRES PREVUES PAR LES ACCORDS START 1 ET START II | | | CHAPITRE 4 | PRESENCE DE LA FRANCE DANS LE MONDE EXEMPLE DE DEPLOIEMENT HORS DU TERRITOIRE METROPOLITAIN | | | CHAPITRE 9 CHAPITRE 5 | ARTICULATION DES FORCES ARMEES | | | CHAPITRE 6 | TAUX D'ENCADREMENT ET DE PROFESSIONNALISATION COMPARES DES FORCES EN 1993 (E.U.-FR-GB-ALL) | | | CHAPITRE 8 | CROISSANCES COMPAREES DU BUDGET DE L'ETAT, DES INVESTISSEMENTS DE LA DEFENSE (TITRE V) DU P.I.B. EVOLUTION COMPAREE DU PRELEVEMENT DE LA DEFENSE/ PIB (E.U.-FR-GB-ALL) DEFENSE ET OPINION PUBLIQUE | |